Présentation
EnglishRÉSUMÉ
La société souhaite produire et consommer avec plaisir une nourriture saine et/ou continuer à s’intéresser à des saveurs nouvelles de partage. La fabrication additive est un candidat sérieux pour atteindre ces deux objectifs avec quelques technologies applicables (avec des contraintes d’hygiène, de sécurité alimentaire, de préparation des matières, de transformation, etc.). Cette cuisine ou gastronomie numérique apporte des originalités en termes de saveurs, de textures, de goûts, moyens d’ouverture et de performance de la « cuisine à la française », réelle voie nouvelle de créativité, de partage de valeurs, de communion revisitée à des représentations et à des manières de faire humanité.
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Lire l’articleAuteur(s)
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Jean-Claude ANDRÉ : Directeur de recherche au CNRS
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Frédéric DEMOLY : Maître de Conférences – HDR
INTRODUCTION
Avec quatre bases, chacun connaît le potentiel différenciant et complexe de l’ADN. Mais avec des glucides, des protides, des lipides et un peu d’eau, on est capable, depuis longtemps, de fabriquer de la nourriture sous forme liquide, solide ou pâteuse. Des éléments, en plus faible quantité, interviennent pour faire sortir ces constituants de base de leur seul rôle nutritif ou calorique ; il s’agit d’éléments qui vont donner à la nourriture d’autres performances, en particulier gustatives, qui intègrent l’acte de manger dans un processus social important, en particulier en France. Pour atteindre cet objectif, différents modes de fabrication de la nourriture se sont développés depuis la cuisson jusqu’à la cuisine moléculaire (cf. articles [F 1 015] et [F 1 016] en agro-alimentaire).
Depuis 1984 s’est développé un procédé de fabrication additive (ou impression 3D), orienté depuis quelques dizaines d’années vers l’utilisation du concept pour réaliser de la nourriture. La fabrication additive naît avec un principe de transformation localisée de la matière : l’élément minimal permettant la description de cette transformation (liquide/solide ; poudre/solide ; etc.) est, par analogie au pixel, appelé voxel. Quand une surface a été transformée, une nouvelle couche, jointive avec la précédente, est à nouveau transformée, etc. Ce principe largement industrialisé n’est pas remis en cause dans cet article ; c’est de son ouverture à ce domaine récent, en particulier en s’appuyant sur ce qui constitue les éléments de l’alimentation humaine, les besoins de la population, ses envies avec une étude des relations complexes entre atteinte d’un objectif de performance (nourriture, plaisir, surprise, etc.) et procédé de fabrication additive dont nous traitons ici.
L'impression alimentaire en 3D offre la possibilité de déposer sélectivement dans l’espace des éléments nutritifs, de grader leur composition pour produire de manière contrôlée des structures complexes avec une texture, un goût et une morphologie recherchés. La manipulation des microstructures en régulant le mélange et le dépôt sélectif des matériaux alimentaires peut permettre de réguler les mécanismes de fracture, de dégradation ou de dissolution pendant l'utilisation du bio-construit, ce qui donne la possibilité de produire une gamme d'aliments fonctionnels et nouveaux.
Au-delà de l’action purement technologique concernant les procédés de fabrication additive applicables au thème, le compromis entre plaisir gastronomique et satisfaction calorique, les relations humaines et la continuité des traditions culinaires constituent trois contraintes de base d’une nouvelle « grammaire » de l’alimentation permise par cette technologie émergente. Une base qui permettait l’expression de formes particulièrement importantes de créativité, parce que, comme dans le cas de la cuisine moléculaire, les traditions culinaires autorisées par cette technologie 3D sont rompues et permettent d’envisager des personnalisations impensées il y a quelques dizaines d’années. Dans les faits, l’impression 3D permet/impose des procédures nouvelles ayant des effets sur la performance des aliments ainsi fabriqués.
Mais, si l’on veut trouver une place éminente à ce dispositif alimentaire, il faut pouvoir l’intégrer dans un nouvel accord social, prenant en considération différents éléments quantitatifs (meilleure utilisation des ressources alimentaires mondiales, meilleure adaptation de la nourriture aux besoins des personnes) et qualitatifs. Il ne s’agit pas de penser que la fabrication additive, qui n’est qu’une technologie parmi d’autres, apportera la solution aux problèmes alimentaires de la planète (quoi qu’en pensent certains auteurs enthousiastes), mais de lui trouver une place dans un dispositif alimentaire où l’innovation est recherchée. On l’aura compris, cette urgence créative, finalement stimulante, impose de bien connaître les intérêts et les limites des procédés actuels d’impression 3D, mais également d’apprécier les liens de toutes sortes qui existent entre la fabrication et l’utilisateur final dans des cadres culturels et socio-économiques donnés. Le devenir de la fabrication additive alimentaire passe par un processus de réflexions et de propositions systémiques, étayées sociétalement, visant à préparer et à changer ce demain qui ne devrait donc pas se limiter à un simple « business as usual », un retour aux anciennes recettes de cuisine améliorées par la technologie, quasiment élevés au rang d’éthique et de « cocorico » national. Il y a sans doute mieux à faire en exploitant des performances de la fabrication additive, en inventant de nouvelles saveurs, de nouveaux produits alimentaires, bref participer au développement par la créativité d’une gastronomie (à support) numérique.
Cette approche de la désirabilité associée reste à faire ou à complémenter en prenant davantage en compte les pratiques, les demandes des utilisateurs et en sortant de la seule logique d’offre technologique.
MOTS-CLÉS
impression 3D fabrication additive alimentation nourriture innovation et créativité gastronomie numérique
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4. Conclusion
La cuisine date de bien longtemps et est associée profondément à une culture de société. En revanche, la fabrication additive est une création toute récente (1984) et n’a pas encore atteint sa maturité à cause de nouvelles niches applicatives qui émergent continûment (impression 4D, bio-printing, etc.). Avec une croissance de l’ordre de 20 % par an, dans la dynamique et l’enthousiasme pour les applications de cette technologie récente, d’aucuns pensent que la fabrication additive pourra occuper de nombreux marchés applicatifs. Alors se pose la question de l’affrontement « à la loyale » entre la tradition d’une cuisine sophistiquée et la dynamique possible d’une cuisine numérisée.
Les technologies 3D sont relativement complexes et par suite relativement coûteuses d’emploi, avec une qualité fondamentale qui est la personnalisation des objets fabriqués (de quelque nature que ce soit). Cette ligne directrice devrait pouvoir être exploitée dans le futur pour aider les chefs-cuisiniers (qui devraient garder leur pouvoir de création et d’action) à utiliser ce nouveau mode de production d’aliments pour inventer de nouvelles saveurs, de nouveaux goûts, de nouvelles textures, de nouvelles formes, etc. En dehors des procédés, les technologies doivent être facilement adaptables aux praticiens.
C’est à l’aune de l’usage rendu attractif de ce support technologique que l’on saura si la fabrication additive a réussi à s’implanter dans le domaine alimentaire qui, par ruissellement, pourrait se démocratiser. Mais cette activité est encore à entreprendre dans la mesure où ce sont les créateurs du domaine culinaire qui doivent piloter une demande en termes de technologie de préparation et de production des aliments. Il faut donc passer d’une logique d’offre à une logique de demande, avec les difficultés classiques de l’interdisciplinarité. Mais une belle aventure scientifique, technologique et culturelle pourrait en être le résultat, associant l’art culinaire à l’innovation technologique.
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Conclusion
BIBLIOGRAPHIE
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(1) - SOARES (S.), FORKES (A.) - Insects Au Gratin – An Investigation into the Experiences of Developing a 3d Printer that uses Insect Protein Based Flour as a Building Medium for the Production of Sustainable Food. - International Conference on Engineering and Product Design Education, University of Twente, Pays-Bas. https://www.designsociety.org/publication/35919/Insects+Au+Gratin+-+An+Investigation+into+the+Experiences+of+Developing+a+3D+Printer+that+uses+Insect+Protein+Based+Flour+as+a+Building+Medium+for+the+Production+of+Sustainable+Food (2014).
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(2) - LUPTON (D.), TURNER (B.) - Both Fascinating and Disturbing : Consumer Responses to 3D Food Printing and Implications for Food Activism. - https://www.researchgate.net/profile/Deborah_Lupton/publication/310021562_%27Both_Fascinating_and_Disturbing%27_Consumer_Responses_to_3D_Food_Printing_and_Implications_for_Food_Activism/links/5827e5c308ae5c0137ee0c53.pdf (2016).
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(3) - MESSER (E.) - Food definitions and boundaries. - 53-66 in Mc Clancy, Henry, Macbeth Ed. « Consuming the Inedible : Neglected Dimensions of Food Choice ». Berghan Books Ed., New-York, USA (2007).
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(4) - BREDAHL (L.) - Determinants of consumer attitudes and purchase intentions with regard to genetically modified food – results of a cross-national survey. - Journal of Consumer Policy,...
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