Évolutions au début du XXIe siècle
Analyse de sûreté des installations nucléaires - Principes et pratiques

Une première évolution dans les pratiques de l’analyse de sûreté est la complexité croissante des expertises menées tant par les exploitants que par les organismes de sûreté. Cela résulte largement de l’importance stratégique que revêt l’obtention de bonnes performances, y compris économiques, des installations nucléaires françaises, de la prise en compte des enseignements apportés par le retour d’expérience et les résultats des recherches qui ont été menées depuis plusieurs décennies et se poursuivent aujourd’hui, ainsi que de la fixation d’objectifs de sûreté devenus – et c’est normal – progressivement plus ambitieux.

Alors que, dans les années 1970-1980, il pouvait être estimé suffisant d’apprécier certains aspects de la sûreté d’une installation sur la base de bonnes pratiques industrielles et de raisonnements d’ingénieurs expérimentés, en prenant des marges arbitraires pour couvrir les incertitudes, une tendance lourde, permise par le développement de moyens de calcul de plus en plus performants, est de rechercher des justifications mieux étayées sur la base d’études numériques. Si le retour d’expérience, des études plus approfondies ou des recherches nouvelles ont, à de multiples reprises, mis en évidence l’existence de justifications insuffisantes, il faut aussi comprendre que, plus les simulations cherchent à représenter précisément des phénomènes physiques complexes, plus le risque existe de débats d’experts alimentés pendant de longues années par la production de dossiers de plus en plus volumineux.

À cet égard, la recherche (louable) d’économies ou de souplesses sur la gestion des combustibles des réacteurs à eau sous pression de puissance conduit au développement de méthodes de plus en plus complexes permettant des modalités d’exploitation « optimisées » mais diminuant certainement les marges réelles de sûreté par rapport à la mise en œuvre d’approches plus rustiques ; cette tendance n’est pas condamnable en soi mais pose la question difficile de l’appréciation du caractère suffisant des marges résultant de l’application de nouvelles méthodes. Et cet exemple peut être généralisé à bien d’autres domaines techniques. Le risque existe donc que la démarche holistique qui doit être celle de la sûreté nucléaire se perde...