Tiers secteur scientifique : la société civile actrice de la recherche

Nous constatons une remise en question, chaque jour plus prégnante, des décisions prises par les pouvoirs publics face aux enjeux de société. Les citoyens, organisés ou non, en sont les principaux acteurs. Cette rupture s'accentue dès lors qu'il est question de problématiques sanitaires et/ou environnementales, mais aussi dans le cadre de l'aménagement du territoire. Dans la majeure partie des cas, ces crispations surviennent face à des innovations technoscientifiques.

Nous vivons aujourd'hui le point d'orgue d'une réaction qui remonte aux années 1970, en écho à l'émergence, dans la sphère publique, de controverses sanitaires et « sociétales » (vache folle, sang contaminé, OGM, nucléaire, etc.). Une frange de la société civile va alors mobiliser et développer ses propres capacités d'analyse, de réflexion et d'action pour constituer une (contre)expertise citoyenne face à l'expertise scientifique officielle que l'on accuse de ne pas éclairer correctement les enjeux et conséquences des décisions, et donc de biaiser les choix de société. La mobilisation de cette expertise citoyenne est au cœur d'un secteur qui a pris le nom de « tiers secteur scientifique », pour se distinguer de la recherche publique et la recherche privée.

Ce tiers secteur scientifique mobilise sous diverses formes, via des canaux variés et par l'entremise d'acteurs différents, des capacités à faire émerger des champs et des thématiques de recherche innovants et des solutions adaptées pour des sujets pas ou peu pris en compte par la recherche scientifique publique – ou privée –, sujets que l'on peut qualifier d'« orphelins ».

Au cœur des enjeux liés aux activités du tiers secteur scientifique se retrouve la reconnaissance nécessaire des savoirs mobilisés, souvent dits « hybrides », car à la croisée des disciplines et des catégories d'acteurs. Cette reconnaissance est fortement liée à la prise en considération, en retour, par les pouvoirs publics des réflexions et actions proposées.

Sans viser l'exhaustivité, l'approche qui a été la nôtre dans les lignes qui vont suivre consiste en la fourniture d'éléments à la fois historiques, théoriques et concrets que l'ingénieur pourra mobiliser pour s'investir dans ce champ d'action, encore trop peu connu, qu'est le tiers secteur scientifique.