Présentation
En anglaisRÉSUMÉ
Une ouverture à la philosophie est nécessaire à l'ingénierie, qui peut, en retour, faire progresser la philosophie. Avec un point de vue nuancé du caractère de «non-neutralité» de la technologie, on peut montrer que l'éthique ne se réduit pas au respect de normes déontologiques et nécessite une connaissance philosophique. La réciprocité des champs disciplinaires est mise en évidence dans le domaine de la connaissance, avec la complémentarité de la recherche en intelligence artificielle et en philosophie de l'esprit. Enfin, la notion de «technoscience» permet d'analyser la place centrale de l'ingénieur/chercheur dans ce nouvel espace.
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Philosophy is necessary to engineering which can, in turn, make philosophy evolve. With a tempered viewpoint of the "non-neutral" nature of technology it is possible to demonstrate that ethics cannot be reduced to the respect of deontological norms, and require philosophical knowledge. The reciprocity of the disciplinary domains is highlighted in the field of knowledge, illustrated by the complementarity of the research in artificial intelligence and in philosophy of mind. To conclude, the notion of "technoscience" allows for the analysis of the central role played by the engineer-researcher in this new domain.
Auteur(s)
-
François LOTH : Docteur en philosophie - Chercheur associé université de Rennes – chargé de cours INSA, ECAM
INTRODUCTION
A première vue, la philosophie et l'ingénierie n'ont pas beaucoup de points en commun. Alors que la philosophie s'adonne à la réflexion et aime problématiser, l'ingénierie est orientée vers l'action et la résolution de problèmes. Alors que les philosophes attachent de la valeur aux conflits qui émergent d'un problème, l'ingénieur cherche à éviter l'ambigüité. Pour l'un, le médium principal est le langage, alors que pour l'autre, directement engagé dans le monde matériel, c'est avec des schémas et des diagrammes qu'il rend compte de sa recherche. Si les philosophes évaluent leur contribution à leur discipline au moyen d'arguments, les ingénieurs insistent, sur l'efficacité et l'effectivité dans la résolution des problèmes. Autant le dire, à première vue, les deux domaines semblent s'exclure.
Cependant, et pour un certain nombre de raisons historiques et professionnelles, mais aussi pour des raisons liées à l'impact de la technologie sur la société et à la connaissance scientifique, la philosophie est importante pour les ingénieurs. À l'inverse, l'ingénierie et la technologie soulèvent des questions que la philosophie ne peut plus ignorer. En effet, les questions philosophiques émergent dans un monde où les sciences progressent et que modifie la technologie. Les concepts utilisés pour traiter les questions philosophiques sont vivants, ils évoluent et s'adaptent aux découvertes empiriques. Ainsi, il n'y a pas, entre la science, la technologie, l'ingénierie et la philosophie, de territoires antagonistes. La philosophie et les sciences empiriques ne sont pas concurrentes. Leurs relations sont pacifiées et leur collaboration, dans un esprit de progrès des connaissances, est indispensable. C'est à cet « état des liens », entre la philosophie et le sous-ensemble du domaine scientifique dans lequel se retrouvent la technologie et l'ingénierie, qu'est consacré cet article. Comment chacun des domaines peut-il constituer un apport pour l'autre ? Comment, au-delà de ce qui peut s'apparenter à une division du travail, la philosophie et l'ingénierie concourent-elles de concert à faire évoluer nos concepts et la compréhension de notre place dans le monde ?
Une ouverture philosophique vers l'ingénierie ne peut donc que contribuer à améliorer la compréhension de la nature de la profession d'ingénieur. On peut, en conséquence, en attendre un certain bénéfice. Non seulement, dans la clarification de la fondation intellectuelle de la profession d'ingénieur, mais aussi de la contribution de l'ingénierie au développement de la société et de la connaissance.
Ainsi, pour rendre compte de cet « état des liens » existant entre la philosophie et l'ingénierie, la première partie de cet article se propose de décrire certaines des relations existant entre quatre domaines :
-
philosophie ;
-
ingénierie ;
-
science ;
-
technologie.
La deuxième partie s'attache à examiner deux thèmes traditionnels qui traversent la réflexion philosophique orientée vers l'ingénierie : la thèse de la « neutralité » de la technologie et la question de l'éthique. Ces deux thèmes, à eux seuls, suffiraient à justifier l'attention mutuelle que la philosophie et l'ingénierie feraient bien d'entretenir.
Enfin, la dernière partie, examinant deux aspects contemporains qui montrent l'entrelacs des deux domaines, à savoir la question de l'esprit et la notion de « technoscience », essaie de montrer, plus qu'une attention mutuelle, la nécessité d'établir une véritable relation entre ces champs disciplinaires.
KEYWORDS
technologies | engineering | post-humanism | ethics | artificial intelligence | technosciences
DOI (Digital Object Identifier)
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4. Conclusion
L'idée, défendue dans cet article, est que l'analyse et la réflexion philosophique ne peuvent plus rester à la périphérie des préoccupations des ingénieurs. Et à l'inverse, que si la philosophie n'a pas accordé jusque-là suffisamment d'attention à l'ingénierie, ou seulement sur le mode de la critique, le temps est venu pour elle de considérer la technologie et l'ingénierie comme phénomènes et objets d'étude. La philosophie se doit donc de proposer une collaboration raisonnable qui ne peut plus être le soupçon. Pour cela, elle ne doit pas chercher à accentuer un système de défense représenté par la culture contre le développement de la technologie, mais plutôt se libérer du point de vue que la technologie ferait peser une menace sur nos formes anciennes de culture.
Sans verser dans un angélisme, qui verrait dans le développement de la technologie l'avènement d'un monde nouveau, il s'agit néanmoins de construire une relation de co-présence entre l'homme et la technologie. Et pour cette tâche, l'ingénieur et le philosophe ont un rôle essentiel à jouer. La charge de la philosophie n'est pas de dire à elle seule ce qu'il y a à dire au sujet des idées.
Les idées changent, elles évoluent. Les concepts ont des histoires et ne sont pas inscrits dans le marbre. Le développement technologique influence ce changement. Nous avons besoin de penser comment la philosophie, la science et l'ingénierie peuvent interagir afin de partager des bénéfices mutuels.
Il se pourrait cependant que beaucoup de professionnels et de futurs ingénieurs demeurent encore sceptiques quant au bien-fondé d'une interaction entre la philosophie et l'ingénierie, ou l'introduction d'un parcours philosophique dans un cursus d'école d'ingénieur.
Nous avons cependant montré que les deux disciplines ne pouvaient plus s'ignorer. Non seulement autour de sujets communément autorisés, comme les questions de l'éthique professionnelle ou de l'impact de la technologie dans la société, mais bien au-delà, jusqu'au cœur du métier d'ingénieur : la conception.
Consulter aussi les ouvrages de Didier, Ihde et Latour ...
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BIBLIOGRAPHIE
-
(1) - HEIDEGGER (M.) - La question de la technique. - Dans Essais et conférences, Gallimard (1958).
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(2) - ELLUL (J.) - Le bluff technologique. - Hachette (1998).
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(3) - MARCUSE (H.) - L'homme unidimensionnel. - Éditions de Minuit (1968).
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(4) - DAVIS (M.) - Thinking like an engineer. - Oxford University Press (1998).
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(5) - SEARLE (J.) - Minds, brains, and programs. - Dans Behavioral and Brain Sciences (1980).
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(6) - CHALMERS (D.) - L'esprit conscient. - Ithaque (2010).
-
(7) - HOTTOIS (G.) - Philosophie des sciences, philosophies des techniques. - ...
DANS NOS BASES DOCUMENTAIRES
ANNEXES
• DUPUY (J.-P.) – Quand les technologies convergeront. https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2004-1-page-408.htmf
• IESF http://www.cnisf.org/page_dyn.php?page_id=MDAwMDAwMDA2Mg==
• LOTH (F.) – Métaphysique, ontologie, esprit http://www.francoisloth.com/
• MITCHAM (C.) – The importance of philosophy to engineering. http://www.oei.es/salactsi/teorema02.htm
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