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EnglishRÉSUMÉ
L’intégration de la science dans le processus législatif environnemental est un des défis les plus complexes auxquels les scientifiques et législateurs sont confrontés. Elle implique le partage et des échanges de connaissances entre une large palette de disciplines et d’acteurs. Dans de nombreux cas, le manque de communication et d'identification des cibles appropriées et de mécanisme de coordination fait que les résultats de la recherche sont souvent non utilisés ou simplement méconnus des législateurs et parties prenantes, et que les besoins de recherche en soutien au processus législatif ne sont pas communiqués aux scientifiques de manière adéquate. Cet article discute de l’intégration des avancées scientifiques et techniques dans le processus de développement et de mise en œuvre des législations environnementales européennes, en utilisant l’exemple de la politique de l’eau de l’Union européenne. Il illustre les besoins et la complexité de développer une approche basée sur une interface opérationnelle entre la science et la législation environnementale.
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Philippe QUEVAUVILLER : Docteur en océanologie - Docteur et HDR en chimie de l'environnement - Professeur associé à la Vrije Universiteit Brussel (VUB)
INTRODUCTION
Une série de conférences sur le thème « la science rencontre la législation en Europe » organisée en 1998 a souligné les difficultés d'établir des liens entre la science et la législation , en particulier :
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les législations ne peuvent pas être développées sans une base solide de connaissances ;
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le processus législatif ne peut pas traiter des problèmes identifiés par la science ;
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la science ne peut pas tenir compte (et donc y répondre) des besoins législatifs urgents ;
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les résultats de la recherche scientifique ne sont pas forcément orientés vers des applications d'ordre législatif ;
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une communication inappropriée empêche d'établir des ponts entre les mondes scientifiques et législatifs.
Dans un même temps, le développement et la mise en œuvre des législations représentent un des défis croissants pour le secteur privé, les ONG, les associations de citoyens et les organisations professionnelles qui sont sous pression vis-à-vis de l'accès à l'information sur des faits scientifiques liés aux orientations législatives. La tendance vers une approche « basée sur l'évidence » exige désormais une utilisation plus sophistiquée et structurée de la science. À cet égard, comme discuté plus loin, l'interface entre la science et la législation est perçue comme une nécessité croissante par les législateurs.
Durant la dernière décennie, des avancées significatives ont reflété la prise de conscience croissante du besoin d'amélioration du rôle que la science joue dans le processus législatif environnemental . Néanmoins, de nombreuses barrières restent à résoudre pour permettre à la science de contribuer pleinement au développement de législations robustes. Ces barrières peuvent être groupées en six catégories :
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1. Communication et compréhension mutuelle entre les communautés législatives et scientifiques : le monde des législateurs et celui des scientifiques ont des cultures, des langues, des motivations et des contraintes différentes. Un manque de compréhension de ces différences peut conduire à une rupture de communication. Un défi particulier est de communiquer les incertitudes et les différences d'opinion.
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2. Liens entre les besoins des législations et les programmes de recherche : la cartographie des correspondances entre les programmes cadres de recherche (financés par l'Union européenne) et les programmes d'actions environnementaux montre que les liens sont nombreux mais souvent peu consolidés. Des améliorations de ces liens passeront par une meilleure planification des programmes de recherche, la considération des aspects législatifs dans la sélection et la gestion des projets, et les mécanismes de transfert de connaissances permettant d'utiliser les résultats de la recherche dans le processus législatif.
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3. Accès aux connaissances : le volume important des résultats de recherche peut représenter un frein vis-à-vis de leur prise en compte dans le processus législatif. Ce paradoxe est exacerbé par la façon dont la recherche est le plus souvent publiée et par la diversité et une qualité variable de l'information scientifique. Des procédures effectives doivent être développées pour l'évaluation systématique et la synthèse des faits scientifiques qui peuvent être communiqués aux législateurs dans un format et avec un échéancier compatibles pour assurer un soutien effectif à la législation.
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4. Transparence de l'intégration de la science dans le processus législatif : une force directrice pour la législation amenant à construire une confiance/transparence vis-à-vis des parties prenantes est désormais considérée comme une condition nécessaire (bien que non suffisante). Alors que des documents d'orientation sont en place pour améliorer la transparence des informations au niveau de la Commission européenne et des États membres, le développement et la prise en compte effective de « bonnes pratiques » liées à ces documents sont à un stade peu avancé. Le rôle des « traducteurs » et des organisations citées restent à clarifier et institutionnaliser pour établir un mécanisme opérationnel d'amélioration de la transparence et de la synthèse des connaissances existantes.
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5. Besoins d'ouverture de l'intégration de la science dans la législation : des interactions plus fréquentes sont indispensables pour une meilleure intégration de la science dans le processus législatif, depuis la formulation du cadre de travail jusqu'à l'identification de besoins de recherche, l'évaluation des résultats et la formulation de recommandations. Les défis concernent l'amélioration du dialogue entre les législateurs, les scientifiques et le public, et les incitations pour les scientifiques de s'engager dans le processus législatif.
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6. Besoins d'une plus grande interdisciplinarité : le caractère des approches visant à résoudre les problèmes dans le domaine environnemental exige des contributions d'un grand nombre de disciplines. Les initiatives jointes sont reconnues comme complexes et nécessitent d'être développées. Le manque d'utilisation des sciences socio-économiques est souvent cité comme problématique. Il est reconnu qu'une approche interdisciplinaire pourrait permettre des contributions plus importantes en soutien au processus législatif en établissant une « vision panoramique » des problèmes et en fournissant des alertes précoces vis-à-vis des menaces environnementales et des opportunités.
MOTS-CLÉS
législation environnementale intégration de la science à la législation interface science-législation
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6. Conclusions, perspectives
6.1 Besoins de reconnaissance de la fonction de « médiateur/traducteur »
L'importance d'un dialogue continu entre les scientifiques et les législateurs a été soulignée dans de nombreuses interviews. Les interactions doivent s'établir tout au long du développement des activités de recherche. Un aspect important de ce dialogue est l'établissement d'un climat de confiance mutuelle. Des barrières persistent pourtant, limitant les contacts « familiers » entre les scientifiques et les législateurs.
La question de « traduction » des connaissances scientifiques pour leur application dans le processus législatif est largement débattue. De nombreux intéressés pensent qu'une nouvelle race de « traducteurs » (ou « médiateurs ») est nécessaire pour permettre d'établir un pont entre la science et la législation. Ces médiateurs demandent une expertise et une vision holistique différente de celle généralement développée par les chercheurs (qui sont souvent spécialisés dans une discipline donnée). L'approche suivie doit être plus « horizontale » que « verticale » et doit permettre de comprendre à la fois les apports de la science et les besoins et exigences de la législation. Le processus d'assimilation et de synthèse des informations pertinentes et de leur communication sous une forme accessible est considéré être un défi majeur. Beaucoup pensent que les chercheurs n'ont souvent pas les compétences et les motivations suffisantes pour s'engager dans une traduction et une dissémination effective.
Ce rôle de médiation devrait être reconnu comme un besoin continu et non comme une action à entreprendre lors de l'émergence d'un problème urgent. Une fonction pérenne devrait permettre de suivre et évaluer les résultats et découvertes scientifiques, de les rassembler, et de les traduire dans un format accessible aux législateurs et autres utilisateurs. Ainsi, les traducteurs doivent être aptes à comprendre les langages et conventions à la fois de la science et de la législation. Le travail de traduction requiert des compétences de synthèse et communication car il faut assimiler de grandes quantités d'informations, identifier l'essence de ces informations et les communiquer à des non-spécialistes. Un acte de traduction signifie que les points de détails des avancées scientifiques sont souvent omis, et le risque encouru doit être considéré...
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BIBLIOGRAPHIE
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(1) - SCOTT (A.), HOLMES (J.), STEYN (G.), WICKHAM (S.), MURLIS (J.) - Science meets policy in Europe. - London, nov. 2005 http://www.theknowledgebridge.com.
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(2) - Report of the « Science-Meets-Policy ». - Conference, London, nov. 2005 http://www.theknowledgebridge.com.
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(3) - * - Proceedings of the workshop on Research and Technology Integration in support of the Water Framework Directive, Envir. Sci. and Pol., vol. 8, no 3 (2005).
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(4) - QUEVAUVILLER (Ph.) Ed - Water system science and policy interfacing. - RSC Publishing, Cambridge, ISBN 978-1-84755-861-9 (2010).
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(5) - * - 6th Environment Action Programme, European Commission (2002-2012) http://ec.europa.eu/environment/newprg/index.htm.
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(6) - * - Directive 2000/60/EC of the European Parliament and of the Council of 23 october 2000 establishing...
ANNEXES
WISE-RTD, portail d'information sur les projets de recherche liés à l'eau (et les politiques de l'eau) http://www.wise-rtd.info/en
EUGRIS, portail d'information sur les projets de recherche liés à la gestion des sols et de l'eau http://www.eugris.info/
EuroAquae, activités de recherche et d'éducation dans le domaine de l'hydroinformatique et de la gestion de l'eau http://www.euroaquae.eu/
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Conférence FloodRisk2012, Rotterdam, 20-22 novembre 2012
3e conférence internationale sur la Directive cadre sur l'eau, Lille, 3-5 juin 2013
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Activité CIS-SPI, interface entre la science et la législation dans le contexte de la stratégie commune de mise en œuvre de la directive cadre sur l'eau contact : [email protected]
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