Présentation
EnglishRÉSUMÉ
La navigation consiste à déterminer des informations sur le déplacement d’un mobile par rapport à un repère de référence. La navigation inertielle repose sur des capteurs inertiels, tels que des accéléromètres et des gyromètres, complétés souvent par des magnétomètres. Cette technique est autonome et permet une navigation à l’estime à tout instant sans dépendre de sources extérieures. En revanche, ces capteurs sont sujets à des bruits et des incertitudes qui détériorent la connaissance des états de navigation.
Dans ce contexte, cet article présente deux approches de filtrage de Kalman pour la navigation magnéto-inertielle qui exploitent des techniques de l’intelligence artificielle afin d’améliorer la précision d’estimation. Ces approches sont validées lors de scénarios de vol d’un drone et d’une marche piétonne.
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Lire l’articleAuteur(s)
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Hassen FOURATI : Maître de conférences - Université Grenoble Alpes, CNRS, INRIA, Grenoble INP, GIPSA-Lab, Grenoble, France
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Christophe PRIEUR : Directeur de recherche - Université Grenoble Alpes, CNRS, Grenoble INP, GIPSA-Lab, Grenoble, France
INTRODUCTION
Le mouvement d’un corps rigide mobile dans son environnement qu’il soit terrestre, aérien ou marin, peut être déterminé à l’aide de techniques de navigation. Il est alors nécessaire d’estimer des états dynamiques de ce corps dans un espace bidimensionnel (2D), voire tridimensionnel (3D), tels que la position, la vitesse ou l’attitude. L’estimation de ces états est fondamentale pour que le mobile puisse se localiser, calculer la distance parcourue, et plus généralement assurer sa mission comme le suivi d’une trajectoire.
On distingue quatre types de navigation :
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la navigation par cheminement ;
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la navigation par erreur systématique ;
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la navigation à l’estime ;
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la détermination du cap, de la dérive et de la vitesse sol.
La navigation à l’estime, une des techniques de navigation la plus couramment utilisée actuellement en navigation pédestre ou de drones, permet de déterminer ces états spécifiques à la navigation en mesurant récursivement leur évolution par rapport à leurs valeurs initiales. La nécessité d’une navigation à l’estime découle des limites de techniques typiques de positionnement par satellites (GPS par exemple) nécessitant une ligne de vue directe entre le récepteur satellitaire et au moins quatre satellites pour déterminer les états de navigation.
La navigation inertielle se distingue par l’utilisation de capteurs inertiels d’accélération et de rotation, couplés à la technique de navigation à l’estime, afin de déterminer le mouvement absolu du corps mobile. En effet, si on peut mesurer, par ces capteurs, la force résultante exercée sur un corps en mouvement à l’aide de la deuxième loi de Newton, les taux de mouvements linéaires et/ou rotationnels peuvent être déduits. La navigation inertielle date du 17e siècle avec le développement de ces appareils de mesures. Elle présente l’avantage d’être totalement autonome mais les performances d’estimation dépendent très étroitement de la qualité des capteurs utilisés.
Le système inertiel présente ainsi des erreurs pouvant dégrader ses performances à long terme. Comparé aux autres systèmes de navigation, il reste le système le plus efficace pour la navigation et peut, par ailleurs, être hybridé à des systèmes complémentaires, comme le GPS par exemple. La navigation inertielle est communément utilisée aujourd’hui dans la navigation pédestre, aérienne et sous-marine par exemple. Un marché prometteur est en train de se développer autour de cette technique pour la santé, la sécurité et le sauvetage de personnes, les objets connectés, etc.
Les capteurs inertiels sont classés selon deux catégories principals : les accéléromètres et les gyromètres. Les accéléromètres mesurent des forces (la somme du vecteur gravité et du vecteur d’accélération linéaire), tandis que les gyromètres mesurent des vitesses angulaires.
Lorsqu’il est monté suivant des formes géométriques spécifiques et attaché rigidement au corps, l’ensemble des capteurs inertiels est appelé unité de mesure inertielle (« inertial measurement unit » (IMU)). Une IMU est couplée à un processeur de traitement de données à bord pour convertir les mesures brutes en forces spécifiques sensibles et vitesses angulaires. Une IMU typique comprend une triade d’accéléromètres et de gyromètres, montée autour de trois axes mutuellement orthogonaux et elle est souvent complétée par une triade de magnétomètres pour mesurer le champ magnétique terrestre, afin d’obtenir une référence par rapport au nord magnétique.
Les mesures issues de l’IMU sont mathématiquement représentatives de variations de position, de vitesse et d’orientation pour le corps mobile. Par conséquent, les états de navigation peuvent être accumulés au fil du temps pour identifier la position, la vitesse et l’orientation à tout instant donné. Le système qui utilise les mesures d’une IMU pour calculer en ligne les états de navigation est la centrale de navigation inertielle (« inertial navigation system » (INS)). Une INS inclut une IMU, ainsi que de l’électronique embarquée, pour traiter les mesures et fournir/estimer une solution de navigation complète. Le marché des IMUs et INSs est en plein essor et plusieurs solutions sont commercialisées par des entreprises comme Xsens Technologies, ST Microelectronics, InvenSense, etc.
Dans une INS ou IMU, les mesures de capteurs magnéto-inertiels sont souvent soumises à des erreurs systématiques et/ou aléatoires. Ces erreurs incluent le facteur d’échelle des biais, la non-linéarité de ce facteur d’échelle et le couplage croisé des mesures d’axes sensibles. Néanmoins des processus de calibration de capteurs magnéto-inertiels peuvent être mis en place afin de corriger ces erreurs. Les erreurs aléatoires, d’autre part, défi principal dans ce contexte, se manifestent par des bruits variés et peuvent être d’origine électrique et mécanique, selon la conception et la fabrication de ces capteurs. L’ordre de grandeur et l’impact de ces erreurs sur les solutions de navigation magnéto-inertielle dépendent de la technologie employée.
La technologie à base de systèmes microélectromécaniques (micro electro mechanical systems (MEMS)) est actuellement la plus répandue en navigation magnéto-inertielle. Elle offre une miniaturisation de ces capteurs et un coût de fabrication réduit. En contrepartie, ces capteurs souffrent souvent d’un niveau de bruit et biais élevés. À cela s’ajoutent d’autres types de problèmes, tels que les accélérations linéaires mesurées par les accéléromètres et les perturbations magnétiques auxquelles sont souvent soumis les magnétomètres. Ces problèmes rendent les mesures des variations des états erronées et biaisées dans le temps.
La recherche s’est intensifiée depuis plusieurs années autour du développement de nouvelles méthodes de fusion de mesures magnéto-inertielles MEMS pour l’estimation des états de navigation avec des IMUs et INSs. Une littérature abondante existe avec des méthodes incluant principalement des filtres de Kalman, des filtres complémentaires et des observateurs non-linéaires. Dans de nombreux cas, il n’est pas facile d’estimer l’état exact du système pour de nombreuses raisons telles que les incertitudes des capteurs, l’imperfection des modèles dynamiques considérés, et les paramètres inexacts des estimateurs.
Dans ce contexte, les techniques d’intelligence artificielle (IA) ont été appliquées à de nombreux algorithmes d’estimation de la littérature pour compenser des problèmes liés aux réglages de paramètres et à l’estimation de pseudo-mesures par exemple. Cela est devenu possible grâce à l’avantage des techniques d’IA qui ont la capacité d’associer une soi-disant « boîte noire » entre l’entrée et la sortie. Comme nous le montrons dans cet article, l’IA offre de nouvelles perspectives pour la recherche en filtrage magnéto-inertiel.
Cet article présente deux approches récentes de navigation magnéto-inertielle aidée par de l’IA, pour traiter deux problèmes différents liés à l’estimation, améliorer l’observabilité et mieux ajuster les matrices de covariances. La première approche consiste à coupler un filtre de Kalman étendu (EKF) magnéto-inertiel à un réseau de neurones récurrents à mémoire court-terme et long-terme (« bidirectional long-short term memory » (BiLSTM)) pour améliorer l’estimation du système dynamique en question. En effet, ce réseau apprend à partir de mesures inertielles pour calculer la vitesse, vitesse qui est ensuite ajoutée au vecteur de mesures ce qui permet d’améliorer la qualité des estimés de vitesse et position. La deuxième approche se focalise sur le développement d’un EKF magnéto-inertiel couplé à une méthode d’adaptation appropriée des matrices de covariance de bruits provenant de l’apprentissage par renforcement, à savoir la méthode du Q-Learning. En effet, le réglage du filtre de Kalman repose notamment sur le bon choix des matrices de covariances et cette tâche est souvent ardue. Ces approches sont validées par des simulations utilisant des données expérimentales issues de capteurs magnéto-inertiels lors de scénarios de vol d’un drone et d’une marche piétonne.
Cet article est organisé comme suit. Dans le chapitre 1, les définitions et les principes de fonctionnement des capteurs inertiels et magnétiques sont présentés. Dans le chapitre 2, le principe général d’un EKF ainsi que son algorithme sont expliqués. Le chapitre 3 se focalise sur la première approche qui synthétise un EKF magnéto-inertiel basé sur un réseau BiLSTM. Le chapitre 4 est dédié à la deuxième approche qui s’articule autour d’un EKF magnéto-inertiel avec adaptation des matrices de covariance de bruits par Q-Learning.
Cet article se termine par une conclusion générale et une ouverture vers les évolutions technologiques futures dans le domaine. Un glossaire et une liste des acronymes utilisés viennent compléter l’article respectivement aux chapitres 6 et 7.
MOTS-CLÉS
capteurs intelligence artificielle accéléromètre drones apprentissage par renforcement navigation magnéto-inertielle filtrage de Kalman gyromètre
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2. EKF : principe général et algorithme
Une approche commune pour reconstruire l’état d’un mobile à partir de mesures fournies par des capteurs magnéto-inertiels consiste à construire un filtre de Kalman. De nombreux travaux sont ainsi disponibles dans la littérature proposant notamment des validations expérimentales, par exemple. Rappelons, dans un premier temps, le principe du filtre de Kalman avant de nous pencher vers sa version non linéaire.
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Le filtre de Kalman
Le filtre de Kalman est un algorithme de filtrage de données utilisé pour estimer l’état d’un système dynamique à partir de mesures incomplètes et bruitées. Il utilise des techniques de l’automatique et de traitement du signal pour combiner des observations à différents moments dans le temps afin d’obtenir une estimation plus précise de l’état du système.
Le filtre de Kalman est largement utilisé dans des applications comme la navigation, le contrôle de systèmes et la reconnaissance de formes. Ce filtre porte le nom du mathématicien et informaticien américain d’origine hongroise Rudolf Kalman.
Le filtre de Kalman en contexte discret est un estimateur récursif. Cela signifie que, pour estimer l’état courant, seules l’estimation de l’état précédent et les mesures actuelles sont nécessaires. L’historique des observations et des estimations n’est ainsi pas requis.
Le filtre de Kalman est composé de deux phases distinctes : prédiction et mise à jour. La phase de prédiction utilise l’état...
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BIBLIOGRAPHIE
-
(1) - SAINT-MARTIN (P.) - Applications de la géolocalisation – Une technologie qui change le monde. - (2022).
-
(2) - ESCHER (A.-C.) - Intégration du GPS avec les systèmes de navigation inertielle. - (2020).
-
(3) - TITTERTON (D.), WESTON (J.) - Strapdown Inertial Navigation Technology. - Institution of Electrical Engineers (2004).
-
(4) - BEEBY (S.P.), ENSEL (G.), KRAFT (M.) - MEMS Mechanical Sensors. - Artech House (2004).
-
(5) - WERTZ (J.R.) - Spacecraft Attitude Determination and Control. - Springer Dordrecht (2002).
-
(6) - FOURATI (H.) - Contributions à l’estimation d’attitude chez l’animal ou l’homme par fusion de données inertielles et magnétiques : de la reconstitution de...
DANS NOS BASES DOCUMENTAIRES
ANNEXES
Constructeurs – Fournisseurs – Distributeurs (liste non exhaustive)
Sysnav, entreprise française innovante de très haute technologie spécialisée dans les solutions de navigation, de géolocalisation et de capture du mouvement.
France
Xsens Technologies B.V., fournisseur de produits de capture de mouvement 3D, de capteurs portables et de capteurs inertiels basés sur la technologie de capteurs inertiels MEMS miniatures.
Pays-Bas
SBG Systems, fabrique des centrales inertielles de navigation, IMU, AHRS, très performantes et économiques.
https://www.sbg-systems.com/fr/
Qualisys, premier fournisseur de systèmes de capture de mouvement pour enregistrer et analyser numériquement les mouvements.
Suède
STMicroelectronics, multinationale franco-italienne, qui conçoit, fabrique et commercialise des puces électroniques (semi-conducteurs).
Suisse
https://www.st.com/content/st_com/en.html
InvenSense Inc., société américaine d’électronique grand public qui fournit des systèmes pour la capture de mouvement sur puce pour les appareils électroniques grand public tels que les smartphones, les tablettes, les appareils portables, les appareils de jeu, la stabilisation optique de l’image et les télécommandes pour les téléviseurs intelligents.
États-Unis
Organismes – Fédérations – Associations (liste non exhaustive)The National Centers for Environmental Information (NCEI)
États-Unis, agence du gouvernement des États-Unis,...
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