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EnglishRÉSUMÉ
Cet article expose deux piliers fondamentaux de l'analyse économique : la théorie des jeux et l'économétrie. Les bases de la théorie des jeux non coopératifs reposent sur la notion d'équilibre de Nash déterminée à partir des modèles de forme normale ou développée et décrivant les interactions individuelles. La démarche économétrique est, quant à elle, d'abord décrite dans le cadre traditionnel du modèle linéaire à variable endogène quantitative, puis étendue au modèle logit multinomial à variable endogène qualitative qui permet de cerner les déterminants des choix individuels discrets. Au final, il est démontré comment le modèle logit multinomial peut être utilisé pour tester la rationalité des comportements stratégiques et en révéler les principales incitations.
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Pascal BOUYAUX : Maître de conférences, Université de Rennes I
INTRODUCTION
La théorie économique cherche à comprendre l'importance des motivations sous-jacentes aux décisions des individus vivant en société. Raisonnant dans le cadre de modèles, les théoriciens formulent des hypothèses sur ces motivations dont ils déduisent, par une analyse logique, des comportements rationnels d'agents représentatifs d'un système économique tels que les consommateurs, les producteurs ou diverses institutions étatiques. La représentation idéale du fonctionnement des économies de marché ainsi développée se veut descriptive, générant des explications et des prédictions des décisions humaines. Mais les agents économiques, disposant de capacités cognitives limitées, se comportent-ils comme les théoriciens l'ont imaginé ? Les résultats obtenus dans les modèles doivent être confrontés à des faits observés pour en tester la validité. Ce n'est que si ces tests sont positifs que l'on peut envisager d'utiliser les analyses formelles comme moyen d'action sur le réel, notamment comme outil d'aide à la décision dans un environnement économique et social.
L'économétrie a pour objet de procéder à une mise à l'épreuve des modèles théoriques, en appliquant les méthodes statistiques à des observations relatives aux comportements d'agents économiques impliqués dans des situations d'échange sur les marchés. La démarche employée consiste à construire des relations de nature empirique, entre des variables suggérées par la théorie, et relatives aux motivations et décisions des individus. La mesure des paramètres introduits dans ces relations pour exprimer leur direction et leur force, réalisée à l'aide de techniques statistiques appropriées, permettra d'évaluer l'adéquation entre les expériences de pensée développées par les théoriciens et la réalité du fonctionnement d'une économie. Les données révélant les valeurs des variables d'intérêt peuvent être générées par des enquêtes de terrain, enregistrant des motivations et des décisions non influencées par le modélisateur-économètre. Ces données ont l'avantage d'intégrer les contraintes auxquelles sont réellement confrontés les acteurs économiques, mais elles sont très souvent coûteuses et/ou difficiles à obtenir. Aussi la démarche économétrique est-elle encore mise en œuvre à partir de données expérimentales, obtenues dans des conditions contrôlées de laboratoire, qui permettent une évaluation plus fine des déterminants des décisions individuelles. Leur emploi constitue généralement une première étape avant la réalisation d'un test lourd sur données de terrain. La nature des variables enregistrées dans les données a des conséquences sur la complexité des relations empiriques traitées en économétrie. Les décisions individuelles dont on cherche à comprendre les motivations expriment essentiellement des choix entre différentes options ; ces choix sont naturellement traduits à l'aide de variables qualitatives et mis en relation avec leurs motivations dans des modèles appartenant au domaine de l'économétrie des variables qualitatives.
La recherche des motivations des décisions individuelles doit, pour mieux s'accorder à la réalité, prendre en compte le fait que les agents économiques sont la plupart du temps immergés dans des situations de jeux. Un jeu est une situation où le résultat associé à chaque décision individuelle n'est pas indépendant des décisions d'autrui. Dans ces conditions, chaque acteur cherche à raisonner stratégiquement, en intégrant dans ses motivations les différentes décisions d'autres individus plongés dans le même contexte. Les interactions stratégiques sont présentes sur les marchés des biens, du capital et du travail qui fonctionnent souvent selon une concurrence imparfaite : les agents économiques ont alors un pouvoir sur la fixation des prix, les termes de l'échange n'étant pas indépendants de leurs décisions. La théorie des jeux est le cadre naturel pour étudier ce genre de problème. Cette méthodologie mathématique propose des modèles et des concepts d'équilibre permettant d'analyser logiquement le comportement d'individus cherchant à agir au meilleur de leur intérêt étant donné leur information, donc à être rationnels dans des jeux tels que décrits plus haut. Elle permet notamment une représentation des principales tensions stratégiques que peuvent rencontrer les acteurs économiques, soulignant de la sorte les problèmes de coordination liés aux interactions humaines. Le contenu empirique de la théorie des jeux est naturellement précisé à partir d'études expérimentales en laboratoire. On peut en effet tester directement cette approche en organisant des sessions dans lesquelles des individus recrutés pour la circonstance doivent chacun sélectionner une stratégie dans un contexte qui leur est spécifié. Les données ainsi collectées vont permettre d'apprécier selon la hauteur des motivations contrôlées par l'expérimentateur, les écarts entre les prédictions théoriques et les comportements observés. Mais la théorie des jeux se prête aussi à une confrontation à des données de terrain cherchant à déterminer les principales variables sous-jacentes aux motivations stratégiques. L'économétrie des variables qualitatives mentionnée plus haut permet d'atteindre ces objectifs empiriques, donnant à la théorie des jeux un rôle important pour comprendre les interactions et être utilisée pour les influencer dans un sens favorable à un intérêt individuel ou collectif.
La lecture des articles [AF 168] et [AF 170] est indispensable pour une bonne compréhension de la démarche économétrique. L'article [AF 605] offre une perspective complémentaire quant à la mise en œuvre de cette démarche.
MOTS-CLÉS
équilibre de Nash Théorie des jeux non coopératifs Jeux sous forme normale et développée modèle économétrique linéaire multinomial logit model données expérimentales et de terrain
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1. La science des interactions stratégiques
1.1 Objet de la théorie de jeux
La théorie des jeux est une branche des mathématiques analysant le comportement d'individus – qualifiés de joueurs – dans des situations d'interaction stratégique où le résultat obtenu par chaque protagoniste dépend de sa propre décision et de celles d'autrui. Elle considère deux catégories de jeux : les jeux non coopératifs et les jeux coopératifs. Si le jeu est non coopératif, chaque joueur choisit une stratégie pour le meilleur de son intérêt, indépendamment des autres. Si le jeu est coopératif, les joueurs se groupent dans des coalitions, chaque coalition cherchant à obtenir le meilleur résultat possible sans que le détail des stratégies suivies soit précisé. Les situations correspondant à des jeux non coopératifs sont les plus nombreuses dans le monde économique et social où la loi interdit très souvent la formation des coalitions. Ce sont donc les éléments de la théorie des jeux non coopératifs qui sont exposés ci-dessous.
HAUT DE PAGE1.2 Modèle fondamental et notion d'équilibre de Nash
Un jeu non coopératif sous forme normale (ou stratégique), noté J, est défini par trois élements :
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un ensemble de joueurs N = {1,…, i,…, n} composé d'un nombre fini (n ≥ 2) de protagonistes ;
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pour chaque joueur i e N, un ensemble de stratégies pures Si ; chaque stratégie pure du joueur i, e S i , est un plan complet d'actions indiquant une action pour chacune des circonstances où le joueur i peut se trouver dans le jeu. Dans la suite, par abus...
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La science des interactions stratégiques
BIBLIOGRAPHIE
-
(1) - VON NEUMANN (J.), MORGENSTERN (O.) - Theory of games and economic behavior - . Princeton University Press, édition du soixantième anniversaire. (2004)
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(2) - NASH (J.) - Non-coopérative games - . Annals of Mathematics, 54,2, p 286-295 (1951)
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(3) - SCHELLING (T.C.) - The strategy of conflict - . Harvard University Press, Cambridge, Massachusetts and London, England. (1980)
-
(4) - GLICKSBERG (I.) - A further generalization of Kakutani's fixed point theorem - . Proceedings of the American Mathematical Society, 3, p 170-174 (1952)
-
(5) - McKELVEY (R.D.), McLENNAN (A.M.), TUROCY (T.L.) - Gambit : software tools for game theory - , version 02010.09.01. http://w.w.w.gambit-project.org.
-
(6) - McKELVEY (R.D.), McLENNAN (A.M.) - Computation...
DANS NOS BASES DOCUMENTAIRES
ANNEXES
BIERLAIRE(M.) - BIOGEME : a free package for the estimation of discrete choice models. - Proceeding of the 3rd Swiss Transportation Research Conference, Ascona, Switzerland. (2003)
HEISS (F.) - Structural choice analysis with nested logit models - . The Stata Journal, 2, 3, p 227-252 (2002)
PARK (H.M.) - Categorical dependant variable models using SAS, STATA, LIMDEP, and SPSS. - The Trustees of Indiana University. (2003-2005), disponible à http://www.indiana.edu
HAUT DE PAGE
« Discrete Choice Analysis : Predicting Demand and Market Shares »
Cours organisé chaque année, depuis 10 ans, à l'École Polytechnique Fédérale de Lausanne par les meilleurs spécialistes des modèles de choix discrets, dont Daniel McFadden (prix Nobel d'économie 2000), Moshe Ben-Akiva et Michel Bierlaire. Toutes les informations sont disponibles sur : http://transp-or.epfl.ch/dca
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