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EnglishRÉSUMÉ
Même si les violences urbaines ou les embarras de Paris ont été commentés il y a déjà plusieurs siècles, la notion de « risques urbains » n’est utilisée en France que depuis les années 1990. Cet article revient sur sa genèse et ses ambiguïtés, et décrit son évolution, en particulier au fur et à mesure de développements technologiques divers. Il montre comment cette notion à la fois persiste et se transforme au contact d’autres évolutions ou impératifs majeurs : la multiplication des acteurs privés dans la gestion des villes, la lutte contre le terrorisme, la participation des citoyens eux-mêmes à l’avènement de villes durables, résilientes, ou intelligentes.
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Jean-Pierre GALLAND : Sociologue Chercheur associé au Laboratoire techniques, territoires, et sociétés (LATTS) École des Ponts ParisTech, Marne-la-Vallée, France
INTRODUCTION
C’est la concentration urbaine qui crée les risques urbains : tel est, en langage moderne, le résumé que l’on pourrait faire des propos tenus par Jean-Jacques Rousseau dans sa célèbre réponse à Voltaire, lequel avait rédigé un poème sur le désastre de Lisbonne, un tremblement de terre survenu le 1er novembre 1755 qui avait détruit la partie basse de la ville et occasionné plus de 20 000 victimes. La catastrophe avait en effet provoqué de nombreuses réactions parmi les philosophes européens, et deux phrases en particulier, dans la réponse de Rousseau à Voltaire, sont passées à la postérité : « Sans quitter votre sujet de Lisbonne, convenez, par exemple, que la nature n’avait point rassemblé là vingt mille maisons de six à sept étages, et que, si les habitants de cette grande ville eussent été dispersés plus également et plus légèrement logés, le dégât eût été beaucoup moindre et peut être nul. Tout eût fui au premier ébranlement, et on les eût vus le lendemain à vingt lieues de là, tout aussi gais que s’il n’était rien arrivé ». On y ajoutera, un peu plus bas dans cette même lettre datée du 18 août 1756 deux autres phrases essentielles : « Vous auriez voulu que le tremblement de terre se fût fait au fond du désert plutôt qu’à Lisbonne. Peut-on douter qu’il s’en forme aussi dans les déserts ? Mais nous n’en parlons point, parce qu’ils ne font aucun mal aux Messieurs des villes, les seuls hommes dont nous tenions compte ». En bref, si l’on suit Rousseau, il n’y a de risque qu’urbain. Dans ces conditions, l’expression « risques urbains » constituerait en fait un pléonasme, alors qu’il faut bien constater qu’elle est régulièrement utilisée, en tout cas en France, depuis quelques décennies.
L’objet de cet article est de retracer l’histoire française de la notion de risques urbains depuis et même un peu avant son apparition dans la littérature académique, dans les années 1990, et de montrer comment elle a évolué et s’est complexifiée, au fur et à mesure d’évolutions technologiques, économiques et politiques. Dans la première section, nous reviendrons sur les bases sur lesquelles, semble-t-il, s’est fondée la notion, dans les années 1980 : l’entrée dans la « société du risque », croisée avec une importante décentralisation du pouvoir politique en France, ainsi qu’à la réémergence du « génie urbain ». Les années 1990 (section 2) sont celles d’une focalisation progressive de la recherche sur la ville et ses réseaux techniques, avec en parallèle les premières apparitions du terme « risques urbains » dans la littérature académique. La question se complique une première fois, pour schématiser, dans les années 2000 (section 3), avec la résurgence du terrorisme sous des formes inédites, avec aussi la multiplication d’acteurs privés dans la gestion des réseaux techniques, et avec la découverte de vulnérabilités additionnelles (effets domino dans des réseaux interconnectés, possibilités de catastrophes « NaTech »). La section 4 sera consacrée non plus seulement à la prévention des risques urbains, mais plutôt à la cohabitation, voire à l’adaptation des populations avec le risque, cela notamment en corollaire de la montée en puissance du concept de résilience. Enfin, la section 5 sera l’occasion d’essayer de croiser la question des risques urbains avec les solutions amenées par la « ville intelligente » : si les développements technologiques en cours aident sans doute à gérer plus « intelligemment » certains risques urbains traditionnels, il n’est pas exclu que ces mêmes développements ne génèrent pas de nouveaux risques d’une toute autre nature.
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3. Problèmes additionnels et question des infrastructures critiques
À la fin des années 1990 et début des années 2000, la question des risques urbains se trouve reconfigurée et complexifiée par le constat, tant au niveau français qu’international, d’évolutions notables, cela à trois niveaux différents : l’apparition de formes inédites de terrorisme, l’interconnectivité croissante des réseaux techniques avec ses possibles effets « domino » lors de dysfonctionnements, les conséquences de la tendance à une dérégulation générale (privatisations) des réseaux techniques.
3.1 Nouvelles formes de terrorisme
La ville a sans doute toujours été, par périodes tout au moins, le lieu privilégié d’actes terroristes de natures et de raisons diverses. Les Trente Glorieuses ont cependant constitué une période de calme relatif de ce point de vue, en tout cas en France (sauf dans le cadre de la fin de la guerre d’Algérie). Mais la fin des années 1990 a été marquée par la résurgence d’actes terroristes, de surcroît d’un type plutôt nouveau : les terroristes ne s’attaquent pas seulement ou plus tellement à des lieux emblématiques du pouvoir, mais peuvent aussi prendre pour cible de grands réseaux techniques (RER, métro, avions, gares ou aéroports), tout comme des espaces publics ou privés consacrés à la consommation ou au divertissement. De surcroît, certains de ces actes relèvent désormais d’un « terrorisme suicidaire » : les auteurs ultimes de ces actes n’hésitent plus à se suicider en même temps qu’ils les réalisent, ce qui d’un côté assure de leur point de vue une meilleure efficacité de leurs projets, et de l’autre change profondément le problème vu du côté des responsables de la prévention de tels actes. Ainsi, même s’il n’est sans doute pas le premier acte terroriste « moderne » qui réponde à cette dernière caractéristique, l’attentat du World Trade Center à New York du 11 septembre 2001, de par son caractère inattendu et l’ampleur de ses conséquences, a marqué un tournant, d’abord aux États-Unis bien sûr, mais aussi dans le reste du monde. Et la quête de la prévention de tels actes a engendré à la fois l’invention de dispositifs nouveaux de détection (portiques dans les aéroports ou plus généralement dans les...
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BIBLIOGRAPHIE
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(1) - BECK (U.) - Risikogesellschaft - . Suhrkamp Verlag, Frankfurt am Main (1986) ou La société du risque. Sur la voie d’une autre modernité. Aubier (2001).
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(2) - NATIONAL RESEARCH COUNCIL - Risk assessment in the federal government. - Managing the process (1983).
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(3) - BOUDIA (S.), DEMORTAIN (D.) - La production d’un instrument générique de gouvernement. Le « livre » rouge de l’analyse des risques. - Gouvernement et action publique 2014/3, vol. 3, p. 33-53 (2014).
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(4) - CASTEL (R.) - La gestion des risques. De l’antipsychiatrie à l’après psychanalyse. - Éditions de Minuit (1981).
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(5) - LAGADEC (P.) - La civilisation du risque. Catastrophes technologiques et responsabilité sociale. - Éditions du Seuil (1981).
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DANS NOS BASES DOCUMENTAIRES
ANNEXES
Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) https://www.cerema.fr
Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS) http://ineris.fr
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