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EnglishRÉSUMÉ
Les sols représentent une ressource non renouvelable, limitée et fragile, porteuse d’une multitude de fonctions écologiques et environnementales qu’il convient de gérer de manière durable. Face aux nombreuses pressions et à la difficulté de concilier les enjeux socioéconomiques et de préservation de la qualité des sols forestiers, ces sols subissent d’importantes dégradations affectant les fonctions et les services qu’ils procurent. Cet article traite des spécificités des sols forestiers, des services qu’ils rendent, des menaces qui pèsent sur eux et présente des outils de diagnostic opérationnels visant à préserver le fonctionnement des sols et des forêts. En effet, la plupart des dégradations pourraient être évitées via la mise en œuvre de pratiques adaptées aux caractéristiques des sols.
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Lire l’articleAuteur(s)
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Noémie POUSSE : Chargée de R et D pédologie et stations en climat changeant - Office national des forêts, pôle Recherche, développement et innovation de Chambéry, France
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Christophe CALVARUSO : Responsable scientifique - Greenback SAS, agence de notation de la santé des sols, Lisors, France - EcoSustain, bureau d’étude recherche et développement en environnement, Mercy-Le-Bas, France
INTRODUCTION
Des écosystèmes forestiers sains fournissent un large éventail de services à l’origine de nombreux besoins fondamentaux, processus économiques et valeurs culturelles ou spirituelles de la société . Outre, la fourniture de bois (énergie et matériau) et de produits non ligneux, la forêt constitue un habitat pour une grande diversité d’organismes vivants, contribue à l’atténuation du changement climatique en stockant le carbone atmosphérique, régule le cycle de l’eau, produit de l’eau potable et procure de nombreux avantages récréatifs.
Le fonctionnement et la santé des forêts tempérées sont intimement liés à la qualité* du sol qui la supporte. En effet, le sol représente le réservoir prospectable par les racines pour l’ancrage et l’alimentation minérale et hydrique de l’arbre. Mais le sol, de par sa position à l’interface entre l’atmosphère, l’hydrosphère*, la lithosphère* et la biosphère*, est bien plus qu’un simple support pour la croissance des plantes, il est à l’origine de sept fonctions écologiques en interactions :
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habitats pour les organismes du sol et régulation de la biodiversité des sols : support d’habitat pour les organismes du sol et interactions entre les organismes influençant leur abondance et leur diversité (patrimoine biologique) ;
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rétention et fourniture d’éléments nutritifs essentiels aux organismes vivants et à leur développement : azote, phosphore, potassium, calcium, magnésium, oligoéléments, etc. ;
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stockage, recyclage et transformation des matières organiques qu’elles soient endogènes ou exogènes ;
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infiltration, rétention et circulation de l’eau : réserve utile, lixiviation, ruissellement, percolation… ;
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filtre, tampon et dégradation des contaminants organiques et inorganiques. Notons que la rétention de contaminants dans le sol, si elle permet d’épurer l’eau, induit un risque de transfert de ces contaminants vers la végétation ou les autres organismes du sol (exemple des éléments traces métalliques) ;
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support physique stable permettant l’implantation et le développement de végétaux (ancrage et croissance des racines) ;
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contrôle de la composition chimique de l'atmosphère via les échanges gazeux et contribution aux processus climatiques via les échanges d’énergie entre le sol et l’atmosphère.
Pour être fonctionnel et procurer ces multiples services, le sol doit être sain. Or, les sols forestiers font face à de nombreuses pressions et perturbations qui résultent notamment de la difficulté de concilier les enjeux socioéconomiques, à savoir la mécanisation pour augmenter la productivité et réduire la pénibilité du travail, un travail à flux tendu pour optimiser les approvisionnements et rentabiliser les équipements, la récolte de bois-énergie pour rentabiliser l’exploitation…, et les enjeux de préservation de la qualité des sols forestiers. Ces évolutions technologiques et pratiques ont des impacts sur le fonctionnement des sols et des écosystèmes forestiers, auxquelles s’ajoutent d’autres perturbations telles que le changement climatique, les attaques biotiques et la pression du gibier (abroutissement*, frottis*, écorçage*, affouillement*) qui peuvent aggraver le dépérissement des peuplements en fragilisant le fonctionnement de l’écosystème forestier .
Ces pressions croissantes sont à l’origine de dégradations importantes des sols, parfois irréversibles, telles que la perte de fertilité chimique, de matière organique et de biodiversité, le tassement et l’érosion hydrique . Dans la majorité des cas, ces dégradations résultent de la mise en œuvre de pratiques inadaptées qui vont altérer une ou plusieurs fonctions du sol. Pourtant, il existe des outils de diagnostic opérationnels et robustes qui permettent de caractériser les sols, d’identifier les pratiques et les itinéraires sylvicoles adaptés aux conditions d’un site avec pour finalité une gestion durable des sols et des forêts. Mais pour diverses raisons, ces diagnostics sont encore peu réalisés. Un enjeu majeur est donc de sensibiliser sur l’importance de préserver les sols, et de déployer les outils d’aide à la décision au sein de la filière forêt-bois. En effet, les connaissances sur les impacts de la mise en œuvre de pratiques inadaptées renforcent l’acceptation de la transition vers des pratiques qui soient à la fois cohérentes d’un point de vue social et économique et qui préservent le bon fonctionnement des écosystèmes et leur résilience.
Dans cet article, nous allons revenir sur la diversité et les spécificités des sols forestiers qui influent à la fois sur leurs potentialités agronomiques en lien avec le fonctionnement de l’écosystème forestier et sur leurs sensibilités face à diverses pressions. Nous identifierons et caractériserons ensuite les principales menaces qui pèsent sur ces sols. Enfin, nous décrirons les approches permettant une gestion durable des sols forestiers basée sur l’utilisation d’outils d’aide à la décision développés spécifiquement pour ces sols, à partir des connaissances acquises par la recherche.
* un glossaire est présenté en fin d'article.
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2. Menaces pesant sur les sols forestiers
Les sécheresses prolongées, les températures extrêmes dues au changement climatique et les conséquences des feux de forêts affectent les propriétés des sols telles que l’activité biologique, la structuration en horizons, ou encore l’infiltration et la rétention en eau. Elles fragilisent le fonctionnement de l’écosystème forestier, entraînant des crises sanitaires et des dépérissements au sein des peuplements forestiers, et augmentant les risques d’incendies en forêt. La diminution de la couverture du sol induite par ces phénomènes va favoriser l’érosion.
Mais, les pressions issues des activités humaines de gestion forestière sont la principale source de dégradation de l’état de santé des sols forestiers. Notamment, les pratiques de récolte en forêt ont évolué sous l’effet des contraintes économiques et de changements sociétaux . Ainsi, l’acquisition de machines forestières représente un investissement de plus en plus lourd et les flux financiers pour amortir cet investissement sont faibles, nécessitant une activité d’exploitation sur toute l’année. D’autre part, les métiers de l’exploitation et des travaux forestiers, souvent pénibles, perdent en attractivité. Les réponses à ces enjeux consistent en des innovations technologiques (mécanisation pour augmenter la productivité, réduire la pénibilité du travail…) et l’optimisation des approvisionnements (flux tendus). Ces pratiques, dont les incidences sur l’intégrité des sols forestiers peuvent être directes ou indirectes, ont pour conséquence d’accélérer et d’accroître des phénomènes naturels de dégradation qui relèvent du très long terme et dont le caractère est difficilement réversible. À l’extrême, un changement d’occupation des sols (défrichement...
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Menaces pesant sur les sols forestiers
BIBLIOGRAPHIE
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(1) - EFESE - L’évaluation française des écosystèmes et des services écosystémiques français. - Les écosystèmes forestiers (2018).
-
(2) - KIRILENKO (A.P.), SEDJO (R.A.) - Climate change impacts on forestry. - Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 104, p. 19697-19702 (2007).
-
(3) - GUEGAN (J.-F.), DE THOISY (B.), GOMEZ-GALLEGO (M.), JACTEL (H.) - World forests, global change, and emerging pests and pathogens. - Current Opinion in Environmental Sustainability, 60, p. 101266 (2023).
-
(4) - ROONEY (T.P.) - Deer impacts on forest ecosystems : a North American perspective. - Forestry, 74, p. 201-208 (2001).
-
(5) - SAMEC (P.), KUCERA (A.), TOMESOVA (G.) - Soil degradation processes linked to long-term forest-type damage. - In : Forest degradation under global change, ed. Samec, P. (2022).
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DANS NOS BASES DOCUMENTAIRES
ANNEXES
Quelques chiffres clés de la forêt française métropolitaine :
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28 % du territoire métropolitain est couvert de forêts ;
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3,2 millions de propriétaires privés se partagent 12 Mha, soit 75 % de la forêt ;
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plus de 15 600 collectivités sont propriétaires de 2,9 Mha, soit 16 % de la forêt ;
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l'État possède 1,7 Mha de forêts domaniales, soit 9 % de la forêt ;
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la forêt publique représente un quart de la forêt française ;
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5,1 millions d'ha sont écocertifiés PEFC ;
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la forêt française séquestre chaque année 45 millions de tonnes de CO2 net, soit 8 % du total des émissions nationales de gaz à effet de serre ;
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la forêt abrite 40 % des zones Natura 2000 ;
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la forêt accueille plus de 500 millions de visiteurs chaque année ;
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la diversité des climats (océanique, continental, méditerranéen et montagnard), du relief et des stations forestières permet à la France d’avoir des forêts très variées comparativement à ses voisins européens. Près de 190 espèces différentes d’arbres se répartissent sur le territoire ;
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la forêt est composée majoritairement de feuillus (67 % des peuplements). Le chêne est l’essence feuillue la plus fréquente. Les conifères se situent essentiellement en zone montagneuse (surtout Alpes, Massif central, Jura, Vosges), dans le massif landais et dans les plantations assez récentes de l’ouest de la France.
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