Présentation
En anglaisRÉSUMÉ
Les bases de la chimie des actinides en solution aqueuse sont ici présentées. Leur structure électronique leur permet d’adopter plusieurs degrés d’oxydation stables, sous la forme de cations simples et d’ions moléculaires actinyles, offrant des similitudes et des différences avec les lanthanides ou certains métaux de transition. La spéciation des actinides peut être évaluée selon une approche thermodynamique, basée sur les équilibres de formation des espèces. Après quelques rappels, nous nous attachons à présenter les principales réactions chimiques en jeu pour les actinides Th, U, Np, Pu, Am, Cm, en milieux aqueux : oxydo-réduction, hydrolyse, interactions avec des ligands inorganiques, solubilité, sorption sur des surfaces minérales, et enfin interactions avec des ligands organiques.
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The basics of the chemistry of actinides in aqueous solution is presented. Their electronic structure enables them to adopt several stable oxidation states, in the form of simple cations and actinyl molecular ions, which offers similarities and differences with lanthanides or transition metals. The speciation of actinides can be assessed following a thermodynamic approach based on species formation equilibria. After a brief presentation of thermodynamics, we focus in this article on the main chemical reactions for the actinides Th, U, Np, Pu, Am, Cm, in aqueous media: oxidation-reduction, hydrolysis, interactions with inorganic ligands, solubility, sorption onto mineral surfaces, and finally interactions with organic ligands.
Auteur(s)
-
Thomas VERCOUTER : Ingénieur-chercheur, expert senior - Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternative (CEA), Saclay, France -
INTRODUCTION
Les actinides sont des éléments du bloc f, comme les lanthanides, et ont une position particulière dans le tableau périodique des éléments établi par Mendeleïev, insérés au niveau de la 3e colonne et de la 7e ligne. La série des éléments actinides est composée de 15 éléments, débute avec l’actinium (Z = 89) et se termine au laurencium (Z = 103). Ce sont des radioéléments, au sens que tous leurs isotopes sont instables, donc radioactifs. La durée de vie de ces isotopes est donnée par leur période radioactive ou demi-vie, elle varie considérablement d’un isotope à un autre. Des isotopes peu radioactifs de thorium (232Th) et d’uranium (238U et 235U) existent naturellement puisque leur demi-vie est comparable ou supérieure à l’âge de la Terre, respectivement 14, 4,5, et 0,7 milliards d’années. Ils se désintègrent très lentement, donnant lieu à la formation d’autres isotopes d’actinides. Ces trois chaînes de décroissance radioactive naturelle sont notées par famille 4n (232Th), 4n + 2 (238U) et 4n + 3 (235U) qui correspond au nombre de masse de tous les nucléides de la chaîne. La famille 4n + 1 dont le nucléide père est 237Np a aujourd’hui disparu car la demi-vie radioactive du 237Np est d’environ 2,1 millions d’années. En outre, des réactions nucléaires naturelles ont participé à la formation d’isotopes. On trouve naturellement les isotopes 234U, 230Th et 231Pa. Les isotopes artificiels proviennent des bombes nucléaires et des réacteurs nucléaires. Ces derniers produisent surtout les isotopes 237Np, 239Pu formés à partir de 238U, 234U et 236U formés à partir de 235U, ainsi que 238Pu, 240Pu, 241Pu, 242Pu, 241Am, 243Am et 244Cm.
La manipulation des actinides impose des précautions au regard de leur radioactivité (nature des rayonnement et activité) en suivant des exigences de sûreté et de sécurité. Travailler avec des analogues chimiques non radioactifs peut s’avérer utile, c’est pourquoi des conseils d’analogues sont indiqués dans cet article. Certains isotopes d’actinides ont toutefois une période radioactive très grande, de plusieurs milliards d’années (par exemple 4,47 milliards d’années pour 238U) ; ils présentent davantage une dangerosité chimique comme éléments lourds que radiologique. Au-delà du numéro atomique Z = 104, les éléments sont appelés transactinides ou éléments super-lourds, dont les isotopes ont des durées de vie au maximum de quelques secondes (à l’exception du dubnium dont certains isotopes ont des demi-vies de plusieurs heures).
Dans l’industrie, la chimie (ou la géochimie) des actinides intervient principalement dans des contextes ou pour des objectifs variés qui suivent le cycle du combustible nucléaire : recherche de gisements d’uranium ou de thorium ; traitement du minerai ; enrichissement isotopique de l’uranium pour accroître la teneur en 235U fissile ; fabrication de combustible ; comportement en milieux à haute température et haute pression en cas de relâchement dans les circuits caloporteurs des réacteurs ; retraitement de combustibles irradiés ; conditionnement et stockage de déchets radioactifs ; évaluation de l’impact environnemental et sur l’homme des activités industrielles.
Dans le domaine de la recherche, de nombreuses études sont conduites sur les actinides sur des aspects fondamentaux, la chimie des actinides étant particulièrement riche, ou appliqués en conditions physico-chimiques très diverses. La chimie des actinides en milieux aqueux intervient en particulier dans des contextes environnementaux (calculs d’impact, stockage de déchets en surface ou en milieux géologiques profonds), dans des milieux biologiques (contamination, toxicité), ou dans des procédés analytiques ou industriels le plus souvent en solutions de fortes acidités ou basicités. La gestion des anciennes installations industrielles ou de recherche en phase d’assainissement et de démantèlement pose aussi des questions relatives au comportement chimique d’actinides dans des milieux souvent complexes, comme par exemple des effluents de cuves.
KEYWORDS
solution chemistry | complexation | speciation | redox
VERSIONS
- Version archivée 1 de juil. 1999 par Pierre VITORGE
DOI (Digital Object Identifier)
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1. Réactivité chimique des actinides
1.1 Structures électroniques, liaisons chimiques et degrés d’oxydation
La configuration électronique des actinides est représentée dans le tableau 1. Les électrons de cœur ont la même configuration que celle du radon (Rn). Les électrons de valence occupent des orbitales 5f, 6d ou 7s selon l’élément et son degré d’oxydation. Les liaisons covalentes sont décrites avec des fonctions 5f et 6d dans des proportions variables le long de la série. Par exemple, le caractère 5f n'est prédominant qu'à partir de Pa pour les ions moléculaires du début de la série (Anz+ = Th4+, Pa5+, U6+). La position en énergie des orbitales à l’état fondamental peut être déterminée par spectroscopie ou par calcul quantique. Comme tout métal, les actinides ont une forte propension à céder des électrons pour se stabiliser, en particulier en solution, sous formes de cations oxydés, à différents degrés d’oxydation. Les principaux étant + III, + IV, + V et + VI. Il est remarquable de constater que U, Np et Pu sont stables à ces quatre degrés d'oxydation. Ces propriétés d'oxydoréduction des actinides les moins lourds, les différencient des lanthanides. Dans des conditions très oxydantes, des composés de Np(VII) et Am(V) peuvent être obtenus. Am et les actinides plus lourds – à l'exception de No2+ – sont généralement les plus stables au degré d'oxydation + III, comme les lanthanides. Il en résulte une chimie relativement riche et complexe, au niveau des configurations électroniques, des propriétés d’oxydoréduction et de réactivité chimique avec d’autres composés.
Quels que soient leurs degrés d’oxydation, les ions actinides sont des cations, dits acides durs au sens de Lewis (voir le concept acide-base de Pearson ou la théorie HSAB (Hard and Soft Acids and Bases)). Cela signifie d'une part qu’ils sont, sauf pour les réactions d'oxydoréduction, analogues chimiques entre eux lorsqu'ils sont au même degré d'oxydation ; d'autre part qu'ils vont interagir préférentiellement avec des bases dures comme les fluorures ou les donneurs oxygénés minéraux (O2-,...
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BIBLIOGRAPHIE
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(2) - DOLG (M.), Ed - In Computational Methods in Lanthanide and Actinide Chemistry. - M. Dolg, Editor, Wiley (2015).
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(3) - ALTMAIER (M.), VERCOUTER (T.) - Aquatic chemistry of the actinides, in Radionuclide behaviour in the natural environment : Science, impacts and lessons for the nuclear industry. - C. Poinssot and H. Geckeis, Editors. Woodhead. p. 44-69 (2012).
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(4) - ALLEN (P.G.), BUCHER (J.J.), CLARK (D.L.), EDELSTEIN (N.M.), EKBERG (S.A.), GOHDES (J.W.), HUDSON (E.A.), KALTSOYANNIS (N.), LUKENS (W.W.) et al - Multinuclear NMR, Raman, EXAFS, and X-ray diffraction studies of uranyl carbonate complexes in near-neutral aqueous solution. X-ray structure of [C(NH2)3]6[(UO2)3(CO3)6]6,5H2O. - Inorg. Chem., 34(19) : p. 4797-4807 (1995).
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(5) - ISHIGURO (S.), UMEBAYASHI (Y.), KATO (K.), TAKAHASHI (R.), OZUTSUMI (K.) - Strong...
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Fiches IRSN des radionucléides
https://www.irsn.fr/FR/Larecherche/publications-documentation/fiches-radionucleides
Projet Thermochemical DataBase (TDB) de l’Agence pour l’énergie nucléaire
https://www.oecd-nea.org/dbtdb/
PHREEQC (Version 3), A Computer Program for Speciation, Batch-Reaction, One-Dimensional Transport, and Inverse Geochemical Calculations, U.S. Geological Survey (USGS) [gratuiciel, version pour Windows, Linux et Apple OSX]
https://wwwbrr.cr.usgs.gov/projects/GWC_coupled/phreeqc/
ORCHESTRA Geochemical modelling [gratuiciel, version pour Windows, Linux et Apple OSX]
HYTEC, Mines ParisTech, pôle Géochimie-Transport
https://pgt.geosciences.mines-paristech.fr/
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