Présentation
RÉSUMÉ
L’industrie 4.0 vise la numérisation de l’usine. Mais aussi les nouvelles pratiques des « makers » s’inventent avec des formes de « débrouille » économique. Ils agissent avec des machines 3D de faible coût et exploitent les logiciels libres : alors, chacun avec un bon design peut utiliser des données numériques pour réaliser un objet. Ils s’appuient sur des principes d’économie ouverte qui reposent sur des contributeurs ne cherchant pas en premier lieu un profit immédiat et participent, souvent via des Fab-Labs, à l’attractivité des technologies 3D. On montre pourquoi et comment l’impression 3D favorise ce mouvement de cyberculture, avec des liens scientifiques, technologiques et commerciaux, possiblement conflictuels, avec les milieux plus traditionnels de la fabrication additive.
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The 4.0 industry aims the digitization of the factory. But, new “makers” practices are being invented with forms of resourceful economy. They act with low cost 3D machines and operate with free software: then, each maker, with an adapted design can use numerical data for the realization of an object. They are exploiting open economy principles which are based on contributors who are not searching an immediate financial profit and they contribute, often through Fab-Labs, to the attractive development of the 3D technologies. This paper show why and how the 3D printing promotes this cyber-cultural movement with scientific, technologic and commercial links with the 3D traditional bodies, sometime with possible conflicts.
Auteur(s)
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Jean-Claude ANDRÉ : Directeur de recherche au CNRS
INTRODUCTION
Après la machine à vapeur, l’électricité et l’automatisation, la « robolution » est une révolution industrielle incluant la fabrication additive. En travaillant dans un monde digital et virtuel, il est possible de refaire le chemin inverse par impression 3D et de revenir à la matière réelle.
Le concept centralisateur 4.0 correspond à une nouvelle façon d’organiser les moyens de production : l’objectif est la mise en place d’usines dites « intelligentes » (smart factories) plus flexibles, disposant d’une plus grande adaptabilité dans la production et d’une allocation plus efficace des ressources. Elle se caractérise par une interconnexion des machines et des systèmes au sein des sites de production, mais aussi entre eux et l’extérieur (clients, partenaires, autres sites de production). À travers le recours à l’Internet des objets, aux systèmes cyber-physiques et à la fabrication additive, c’est-à-dire aux réseaux virtuels servant à contrôler des objets physiques, cette nouvelle façon de produire se caractérise par une communication continue et instantanée entre les différents outils et postes de travail intégrés dans les chaînes de production et d’approvisionnement (Wikipédia, 2015 ; Hinks, 2015).
Dans le même temps, des amateurs qui se définissent comme des « makers » œuvrent avec des machines 3D de faible coût et exploitent les logiciels libres : chacun peut alors, avec un bon design, utiliser des données numériques pour réaliser/créer un objet. Ils s’appuient sur des principes d’économie ouverte qui reposent sur des contributeurs ne cherchant pas en premier lieu un profit immédiat et participent, souvent via des FabLabs, à l’information du public et à l’attractivité des technologies 3D.
L’impression 3D favorise ce mouvement de cyberculture avec des évolutions sociales diverses, tout en développant des liens scientifiques, technologiques, commerciaux et sociaux, possiblement conflictuels, avec les milieux socioéconomiques plus traditionnels de la fabrication additive. Ainsi, la fabrication additive ne se limite pas à l’entreprise, elle dispose de champs d’usage et d’utilisateurs beaucoup plus vastes. Ce cadre étant rappelé, il est intéressant de savoir pourquoi et comment on en est arrivé là ; c’est le propos de cet article.
« Dans cette société de passeurs, nous sommes capables de faire émerger de l’inattendu, de fertiliser et de transformer les idées en envies, puis en projets, et enfin en réalisations. Nous pouvons vivre avec plus d’efficience et d’harmonie. C’est une société plus juste, qui réinterroge les critères d’évaluation de réussite, où nous sommes plus heureux et moins superficiels, une société où nous arrivons à organiser et partager l’abondance. Le faire ensemble devient un plaisir libre. C’est une société où le plaisir, loin d’être absent, serait un principe fondamental, un droit essentiel » (Novel et Riot, 2013).
« Il y a assez de ressources sur cette planète pour répondre aux besoins de tous, mais pas assez pour satisfaire le désir de possession de chacun » (Gandhi).
« Dès lors que chacun est invité, voire fortement incité, à rechercher l’innovation dans une société ou dans une organisation, on peut escompter, par simple effet de nombre, une amélioration de l’efficacité globale et donc, à terme, de la productivité. Nouvelles procédures, nouveaux usages, nouveaux circuits, nouveaux objets, assortis d’une expertise permanente et d’un souci constant de la perfection, maintiennent en éveil le souci du progrès et l’idéologie même de la progression. L’avenir est livré comme un territoire à conquérir, riche de promesses d’abondance et de bonheur » (Rouquette, 2007).
« On croit volontiers que l’influence vient des lieux de pouvoir, qu’il faut être au cœur d’un réseau, faire partie de l’élite. Pour innover, il faudrait se conformer. Mais pour les psychologues sociaux, les véritables innovations fleurissent au contraire dans les marges et se propagent par le bas. Et le numérique renforce ce phénomène en donnant à chacun les moyens d’agir. Une innovation originale est immédiatement transmise et partagée » (Augagneur et Rousset, 2015).
« C’est contre elle-même que l’humanité doit être protégée, en faveur de la perpétuation de l’étrange équilibre dont elle est capable entre le fragile et le puissant, le subtil et l’utile » (Chabot, 2013).
« Une nouvelle génération d’objets manufacturés, pensés par des designers professionnels et « terminés » grâce aux data de l’utilisateur final peut voir le jour. Ce sont des e-objets. Ces objets d’un nouveau genre, issus du numérique et fabriqués à la demande grâce à la technologie de l’impression 3D, s’adaptent aux besoins de l’utilisateur final et annoncent ce monde merveilleux à la mesure de chaque homme, où la production de masse laisse la place à la personnalisation de masse » (Moreau, 2014).
« Intégrante et unificatrice, l’information mondialisée [...] renforce la tendance moderne à l’atomisation du corps social : elle rapproche les lieux, mais elle disjoint les groupes » (Breton, 1991).
« La technologie se propose d’être l’architecte de nos intimités » (Turkle, 2015).
KEYWORDS
additive manufacturing | Social Impact | Collaborative Economy | Social innovation
VERSIONS
- Version courante de juil. 2022 par Jean-Claude ANDRÉ
DOI (Digital Object Identifier)
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Présentation
1. Technologie 3D et fabrication additive
L’ « impression 3D » ou « fabrication additive » recouvre en réalité toute une série de procédés qui ont en commun de fabriquer des objets par dépôt de couches successives extrêmement fines de matière [ou plus simplement d’ajouts comme des fils fondus], lesquelles sont solidifiées au fur et à mesure par une source d’énergie (laser, par exemple) [...]. Elle est définie par l’AFNOR (2011) comme « l’ensemble des procédés permettant de fabriquer, couche par couche, par ajout de matière, un objet physique à partir d’un objet numérique ».
L’impression 3D est considérée aujourd’hui comme l’une des technologies liées au numérique susceptible de transformer profondément [...] les modes de production et, par conséquent, les modèles économiques actuels (Ingelaere, 2015 ; Gebler, Schoot-Uiterkam et Visser, 2014 ; Weller, Kleer et Piller, 2015 ; blackmagic3D, 2014 ; Mertz, 2013 ; Technopolis, 2015 ; Mora, 2014 ; Académie des Technologies, 2015 ; Berchon et Luyt, 2014 ; Barlier et Bernard, 2015 ; CCI Paris-IdF/Conseil général de l’Armement, 2015 ; Hausman et Horne, 2014 ; Hoskins, 2014 ; Gibson, Rosen et Stucker, 2015 ; Sculpteo, 2015 b ; Hlavin, 2014 ; Panetta, 2013 ; Kaziumas, 2014 ; Ratto et Ree, 2012 ; etc.).
Il s’agit, au sens de Star et Griesemer (2008), d’un nouvel « objet-frontière » intégré depuis peu dans la mémoire du public, que l’on parle d’impression 3D, de photocopie 3D, de 3D printing ou de fabrication additive... (« Suffisamment plastique pour s’adapter aux besoins locaux et aux contraintes des divers groupes qui l’utilisent, tout en étant suffisamment robuste pour maintenir une identité commune d’un site à l’autre »). L’Institut Gartner place, pour l’année 2016, la fabrication additive dans les dix priorités stratégiques pour les pays développés (Alex, 2015). Les innovations dans le domaine devraient permettre des développements industriels dans le spatial, la mécanique, les transports, l’énergie, les matériels militaires et la médecine. Selon cet auteur, une augmentation de plus de 60 % par an pour les entreprises est attendue jusqu’en 2019, avec un marché annuel actuel de l’ordre de 5 à 15 milliards d’euros.
De surcroît, l’US Government Accountability Office – GAO (2015) place, dans...
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Technologie 3D et fabrication additive
BIBLIOGRAPHIE
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(1) - ACADÉMIE DES TECHNOLOGIES - Les enjeux stratégiques de la fabrication additive : positionnement de l’Académie des technologies - (2015). http://academie-technologiesprod.s3.amazonaws.com/2015/06/18/08/31/49/22/Avis_de_l_AT_sur_Fabrication_additive_juin_2015_1_.pdf
-
(2) - AFNOR - NF E 67-001 (octobre 2011) : fabrication additive – Vocabulaire. - Paris (2011).
-
(3) - AKRICH (M.) - Comment sortir de la dichotomie technique/société ; présentation de diverses sociologies de la technique. - In LATOUR (B.) et LEMONNIER (P.) Éd. – De la préhistoire aux missiles balistiques ; l’intelligence sociale des techniques. La Découverte Éd., Paris, p. 105-131 (1994).
-
(4) - ALEX - Gartner places 3D printing among the top 10 strategic technology trends for 2016 - (2015). http://www.3ders.org/articles/20151224-gartner-places-3d-printing-among-the-top-ten-strategic-technology-trends-for-2016.html
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(5) - ALEXANDRE (L.) - La mort de la mort ; comment la techno-médecine va bouleverser...
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