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David QUÉRÉ : Directeur de recherche au CNRS Physique de la matière condensée Collège de France
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Le mouillage, qui est l’étude du comportement des liquides sur les solides, recouvre de nombreuses situations pratiques.
Une première grande classe de problèmes concerne les dépôts de films, où l’on cherche à couvrir un solide de liquide. Le liquide peut être une peinture, un vernis, une colle, une encre ou un lubrifiant ; il peut aussi former la base d’un film mince destiné à engendrer des propriétés spécifiques (couche antireflet, antigivre ou antisalissures, par exemple). Le solide sera parfois lisse à l’échelle moléculaire (verre), ou légèrement rugueux (acier poinçonné, mur enduit), voire poreux et désordonné (tissu, papier, ensemble de grains ou tas de sable). Dans tous ces exemples, le dépôt peut être un but en soi (lissage d’une surface rugueuse par un vernis, couverture d’une surface par une peinture) ou, au contraire, être le préalable à des opérations ultérieures (d’adhésion, par exemple, dans le cas d’une colle, ou de dispersion, si l’on pense à un solvant envahissant une poudre).
Une autre famille importante de problèmes est celle où l’on cherche à jouer sur les propriétés de surface d’un solide pour modifier la qualité du mouillage. On peut vouloir rendre un solide mouillant, comme dans les exemples déjà recensés, mais on cherchera parfois, au contraire, à éviter le mouillage, en particulier vis-à-vis de l’eau : pensons à un revêtement de baignoire ou de lavabo, au fond d’une poêle antiadhésive, ou encore à certains tissus particulièrement imperméables.
Le plan de cet article se fonde sur les classifications naturelles qui découlent de cette première liste d’exemples. Il nous a d’abord paru indispensable d’introduire la notion clé de tension superficielle et d’analyser ensuite les situations d’équilibre que les phénomènes de mouillage ou d’imprégnation induisent. Puis nous présenterons les lois du mouillage (comment une goutte se comporte sur un solide) et nous discuterons comment moduler ce comportement, du mouillage total (étalement et filmification) au mouillage nul. Les conditions dans lesquelles un solide poreux ou une surface rugueuse s’imprègnent seront ensuite étudiées. Notre but, dans ces deux parties, est aussi de décrire comment le point de vue académique, où les systèmes sont idéaux (solide parfait sur lequel on pose un liquide pur), s’est vu élargi, ces dernières années, vers des systèmes plus proches de la réalité et des applications pratiques.
La dernière partie montrera comment ces différentes situations d’équilibre sont approchées, d’un point de vue dynamique. Ces questions de cinétique sont souvent aussi importantes que celles de statique : il ne suffit pas, en général, de connaître les conditions d’imprégnation d’une encre par un papier ; il faut aussi comprendre à quelle vitesse l’imprégnation a lieu (ce qui permettra, par exemple, de distinguer plusieurs encres les unes des autres). De même, le fait qu’une peinture soit formulée pour s’étaler sur un support ne dispense pas de s’interroger sur la dynamique de son dépôt, dont nous verrons qu’elle détermine la quantité de peinture déposée. Dans cette même partie, les questions de démouillage (comment un film se rétracte sur un support non mouillant) seront abordées et les instabilités interfaciales brièvement introduites, en choisissant l’exemple de l’instabilité d’un cylindre liquide. Dans tous les cas, nous nous en tenons à une présentation élémentaire des phénomènes, et le lecteur désireux d’approfondir ces questions trouvera en annexe une bibliographie le renvoyant à des publications plus spécialisées.
La partie pratique sera étudiée dans l’article [J 2142].
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3. Lois de l’imprégnation
3.1 Loi de Jurin
Si un petit tube (rayon r ) est mis en contact avec un liquide mouillant, du liquide s’élève dans le tube. Cette manifestation spectaculaire de l’existence des forces capillaires (qui deviennent grandes devant les forces de gravité, si le tube a un rayon inférieur à la longueur capillaire définie par l’équation [7]) a joué un rôle historique considérable, puisqu’elle fut à l’origine de la science de la capillarité. Laplace, en particulier, fut le premier à comprendre la loi de la montée (pourtant appelée en France loi de Jurin, du nom d’un physiologiste anglais qui l’étudia au début du XVIIIe siècle).
Le liquide s’élève si le tube sec a une énergie de surface γ SV supérieure à celle du tube mouillé γ SL : alors, il est « intéressant » (énergétiquement) de remplacer du sec par du mouillé, et donc de remplir le tube. Cette condition (γ SV > γ SL) est équivalente, d’après la relation de Young (équation [4]) à la condition sur l’angle de contact : θ < 90˚. Dans le cas contraire (beaucoup plus rare), le liquide descend dans le tube.
Le critère d’imprégnation est donc beaucoup moins contraignant que le critère d’étalement (S > 0). Cela est conforme aux observations courantes.
s’il est rare qu’un liquide s’étale spontanément sur un solide, il est fréquent qu’une éponge boive un liquide. C’est une des raisons pour lesquelles on prépare un substrat avant de le peindre : pour les murs par exemple, on passe un enduit qui forme un revêtement microporeux susceptible de boire la peinture. La peinture sera donc finalement posée non pas sur un solide plan, mais sur un patchwork de solide et de liquide, où l’étalement sera plus facile et l’adhésion renforcée.
La montée se produit...
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BIBLIOGRAPHIE
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(1) - PLATEAU (J.) - Statique expérimentale et théorique des liquides soumis aux seules forces moléculaires - . Gauthier-Villars, Paris (1873).
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(2) - POINCARÉ (H.) - Capillarité - . G. Carré, Paris (1895).
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(3) - BOUASSE (H.) - Capillarité et phénomènes superficiels - . Delagrave, Paris (1924).
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(4) - ADAMSON (A.W.) - Physical chemistry of surfaces - . John Wiley and Sons, New-York (1976).
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(5) - ROWLINSON (J.), WIDOM (B.) - Molecular theory of capillarity - . Oxford University Press, Oxford (1982).
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(6) - de GENNES (P.G.) - * - Rev. Mod. Phys., 57, p. 827 (1985).
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