Présentation
En anglaisRÉSUMÉ
La conception de parfums, qu’ils soient destinés à la parfumerie fine ou la parfumerie fonctionnelle, fait intervenir de nombreuses compétences en chimie de synthèse, chimie analytique et formulation. Cet article traite en particulier de la formulation des parfums, qui pour être appréhendée dans toute sa complexité nécessite tout d’abord des connaissances de base sur les matières premières, naturelles ou synthétiques. En plus de contraintes physico-chimiques, l’art de la formulation des parfums répond également à des codes esthétiques, dans la façon de mélanger les fragrances, et réglementaires.
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The art of making perfumes, whether for the fine fragrance market or for functional fragrances, requires widely varied expertise in synthetic chemistry, analytical chemistry and formulation. This article addresses in particular the question of formulation, which to be fully understood, needs basic knowledge on perfumery ingredients, of both natural and synthetic origin. In addition to its physical and chemical aspects, the formulation of perfumes also follows several esthetic codes governing the proper way of mixing fragrances, as well as official regulations and good practices.
Auteur(s)
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Xavier FERNANDEZ : Docteur es sciences, HDR - Professeur des Universités, Université Nice Sophia Antipolis - Directeur du Master 2 Professionnel Chimie formulation, analyse et qualité (FOQUAL) Institut de chimie de Nice UMR 7272 CNRS, Université Nice Sophia Antipolis, Nice
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Sylvain ANTONIOTTI : Docteur es sciences, HDR - Chargé de recherche CNRS Institut de chimie de Nice UMR 7272 CNRS, Université Nice Sophia Antipolis, Nice
INTRODUCTION
Dès l'âge du Bronze, les hommes ont rendu grâce aux dieux à l'aide de résines ou de bois odorants dont la combustion à l'odeur agréable permettait de les attirer dans leurs temples. De même, les représentations telles que les statues érigées sur les lieux de culte étaient « olfactivement » embellies avec des huiles parfumées.
Les parfums représentent une composante essentielle des cultures antiques, répondant à une large gamme de besoins parmi lesquels ceux liés à la pratique du culte et de la médecine, sans occulter leur fonction de base en matière de séduction et de distinction sociale. Ces fonctions sociales, les seules qui subsistent véritablement aujourd'hui, ont un lien très fort avec la sexualité.
Les odeurs corporelles, naturelles ou artificielles, véhiculent une information qui provoque un stimulus réflexe. Chez les animaux aussi proches de nous que les singes, la sécrétion de substances grasses odoriférantes sert à communiquer entre individus de la même espèce, et surtout entre mâles et femelles. Chez l'espèce humaine, le phénomène est beaucoup plus compliqué du fait du développement extraordinaire de notre cerveau et de notre conscience. La tension créée entre le désir biologique et sa régulation sociale s'exprime aussi dans l'attitude permissive ou répressive envers le parfum et dans les types de parfums dont l'usage fut progressivement codifié et modifié.
Aujourd'hui, le parfum désigne à la fois une perception sensorielle et un produit du commerce. On perçoit ainsi le parfum d'une plante, d'un proche mais on achète également des produits manufacturés vendus sous le même nom. Dans notre société moderne, le parfum est partout et jalonne des étapes de notre vie quotidienne.
Le produit le plus connu est le parfum de parfumerie fine ou alcoolique, obtenu par dilution d'un concentré de parfum ou « jus », mélange de composés odorants de synthèse et d'extraits naturels, dans de l'alcool éthylique à 90°.
Cependant, de nombreux autres produits sont parfumés en particulier pour les produits d'usage courant, produits cosmétiques, détergents, produits d'usage ménager ou autres ; on parle alors de parfumerie fonctionnelle.
L'industrie de la parfumerie constitue un domaine d'activité dynamique et puissant où les grandes multinationales et de très petites sociétés cohabitent. Il est difficile de le distinguer du domaine des arômes alimentaires car de très nombreuses entreprises développent à la fois des matières premières et compositions parfumantes et aromatisantes. Le marché mondial des arômes et des parfums était estimé à 16,2 milliard d'euros en 2011 .
Il compte plus de 500 entreprises au niveau mondial. Les quatre acteurs les plus importants représentent plus de 55 % des parts de marché mondial. Il s'agit de Givaudan (Suisse, 20 % du marché mondial), Firmenich (Suisse, 13 %), International Flavors and Fragrances (IFF, États-Unis, 12 %) et Symrise (Allemagne 12 %). Parmi le top 10, on retrouve également deux sociétés françaises (V. Mane & Fils et Robertet) dont le siège est à Grasse et deux sociétés japonaises (Takasago et Hasegawa).
Cet article a pour objectif de présenter les différents secteurs de la parfumerie, les matières premières utilisées pour formuler les parfums, les étapes de la création et les différentes formulations de parfums et leurs applications.
L'origine des parfums est à chercher dans les civilisations du Moyen-Orient, probablement au cours du Néolithique. Les plus anciennes sources dont nous disposons aujourd'hui remontent aux débuts de la documentation écrite et figurée, en Égypte et en Mésopotamie et indiquent bien que le phénomène de mise au point des bases de la parfumerie leur est antérieur. Des archives sur tablettes cunéiformes antérieures à 1760 avant J.-C. montrent que la fabrication des parfums était une activité courante dans les palais mésopotamiens avec la fabrication d'huiles aromatisées à la myrte, au cyprès, au cèdre, à l'opoponax, au roseau odorant, au styrax ou au ladanum basée sur la macération à chaud ou à froid.
En Égypte, la préparation des parfums et le remplissage de flacons de pierre sont attestés dès l'antiquité. Une bonne part des ingrédients utilisés dans la préparation des huiles étaient locaux : huiles de coloquinte, de raifort, de sésame, de ben (Moringa peregrina) et plus tard d'olive, de vin de palme et de vigne dont l'alcool dissout les essences. Les usages des huiles parfumées étaient multiples : médicaments, embaumement, onction des statues de culte, offrandes aux dieux et aux morts, aux participants aux cérémonies. Mais au-delà de ces emplois religieux, le parfum fut très tôt employé par les femmes de la haute société que l'on voit représentées sur les parois des tombes des nobles à Thèbes.
En Crète, à l'Âge du Bronze moyen, la fabrication des parfums tenait déjà une place importante, à en juger par le nombre de vases à parfum et par quelques installations de parfumeurs, mais il faut attendre la période mycénienne, aux XIV e et XIII e siècles avant J.-C., pour que cette activité soit éclairée par de nombreux textes. L'époque hellénistique vit à la fois une ouverture plus vaste des approvisionnements en provenance d'Inde et d'Orient ainsi qu'une démocratisation de l'usage des parfums de base, produits dans chaque ville.
Sous l'empire romain, entre la fin du IIIe siècle et le milieu du Ier siècle avant J.-C., la mode des parfums suivra les légions, et les parfumeurs s'installeront dans les villes nouvelles et même dans les camps militaires.
Au cours du Moyen-Âge, les effets conjugués de l'appauvrissement et l'influence du clergé ont entraîné une forte régression de la parfumerie en Occident. Durant le Haut Moyen Âge, l'usage des parfums se restreint aux huiles saintes et médicamenteuses. Tout autre emploi que ces usages religieux ou médicamenteux était réprouvé, en premier lieu à cause de la valeur érotique, diabolique et condamnable des parfums. En revanche, la tradition de se parfumer resta très forte dans la culture orientale. Le savoir conservé en Orient revint en Occident par l'Italie et l'Espagne. L'usage des onguents thérapeutiques se développe dans cette période marquée par des épidémies, en particulier la peste. L'apparition de la peste noire conduisit à un renouveau de l'utilisation du parfum car les médecins, pensant que l'eau ouvrait les pores de la peau et l'exposait à la maladie, conseillaient de se nettoyer plutôt avec des produits parfumés.
L'augmentation de la consommation des aromates et des huiles parfumées est liée aux Croisades. Les croisés rapportèrent des senteurs d'Orient, principalement l'eau de rose dont les Arabes étaient producteurs et grands consommateurs. Ils avaient perfectionné l'alambic dont l'usage se répandit en Europe dès le XII e siècle à partir de la région de Salerne et l'Andalousie.
En France, le commerce et l'élaboration des senteurs étaient alors monopolisés par plusieurs corporations : les pharmaciens, les herboristes et les tanneurs. À la fin du XII e siècle, la corporation des gantiers-parfumeurs se développa dans les villes de Montpellier et Grasse. Montpellier devint haut lieu de la parfumerie du royaume de France et c'est entre Salerne et Montpellier que se produisit une des principales avancées de la parfumerie : la distillation alcoolique. Jusqu'alors, la base des parfums était un corps gras, généralement une huile végétale ; l'utilisation d'éthanol offrit un excipient volatil et neutre du point de vue olfactif. L'eau de la Reine de Hongrie, créée vers 1370, est le plus ancien parfum ayant une base alcoolique.
La Renaissance marqua un nouvel essor de la parfumerie : la redécouverte des écrits antiques grâce aux manuscrits rapportés par les croisés, les avancées scientifiques, la distillation, firent progresser l'art de la parfumerie tandis que l'alchimie cédait peu à peu sa place à la chimie.
À la fin du XVIe siècle, la France reprit le flambeau de la parfumerie donnant des produits puissants destinés à couvrir les odeurs corporelles et pallier le manque d'hygiène de l'époque. Les eaux florales et les odeurs de violette ou de lavande étaient alors très appréciées. Les dames de la noblesse et de la haute bourgeoisie cachaient sous leurs vêtements des sachets parfumés ou des pétales de fleurs. Les substances odorantes continuaient d'être utilisées pour leurs vertus médicales et désinfectantes. Les parfumeurs étaient mis à contribution pour désinfecter les villes, les maisons et habitants par des fumigations d'aromates. Sur soi, on portait des vêtements parfumés, notamment des ceintures et des gants. Cette mode fut le déclencheur des activités de la parfumerie et de la tannerie grassoises : en 1614, la corporation des gantiers-parfumeurs fut créée. À Versailles, les produits parfumés se déclinaient sous de nombreuses formes : éventails, sachets, mouchoirs, perruques, chapelets, gants... Pour répondre à la demande, la région grassoise se couvrit de plantes à parfums : bigaradier, rose, œillet, jasmin, tubéreuse, violette. Les compagnies françaises des Indes orientales et occidentales importèrent de nombreuses matières premières exotiques.
Vers le milieu du XVIIIe siècle, le goût commença à changer : des parfums plus légers furent de mode. Hormis l'ambre gris, les senteurs animales furent de moins en moins utilisées au profit de senteurs de fleurs et d'agrumes.
La parfumerie devint dès lors une véritable « science » avec ses règles et le nombre des matières premières augmenta. Les techniques d'extraction progressèrent ensuite avec l'hydrodistillation et à l'enfleurage à froid sur des graisses animales. Le parfumeur disposait ainsi d'une palette de matières premières plus étendue et surtout il pouvait s'affranchir des saisons en préparant des formules avec des extraits qui, à la différence de la majorité des matières premières, se conservent plus longtemps.
CAS Registry number : numéro d'enregistrement unique d'une substance dans la base de données de l'American Chemical Society (Chemical Abstract Service ).
COLIPA : COmité de LIaison de la PArfumerie
CSSC : Comité Scientifique pour la Sécurité des Consommateurs
ECHA : European CHemical Agency
FDA : Food and Drug Administration
IFRA : International Fragrance Association
INCI : International Nomenclature of Cosmetic Ingredients
NCS : Natural Complex Substances
PCPC : Personal Care Products Concil
REACH : Registration, Evaluation, Authorisation of Chemicals
RIFM : Research Institute for Fragrance Materials
KEYWORDS
cosmetic | perfumery | detergency | formulation | extraction | synthesis | biotransformation
DOI (Digital Object Identifier)
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9. Glossaire
Absolue ou essence absolue
Extrait préparé à partir des essences concrètes par dissolution à chaud dans de l'éthanol (lavage). Les composés insolubles (ou « cires ») sont précipités à froid (glaçage) puis écartés par filtration. Après évaporation de l'éthanol, on obtient un liquide épais, ou parfois une pâte visqueuse, parfaitement soluble dans l'éthanol, ce qui permet son utilisation dans la formulation de parfums alcooliques.
Accord
Effet olfactif obtenu par le mélange de plusieurs matières premières ou notes simples. La qualité de son harmonie dépend de l'équilibre des proportions et de l'intensité olfactive de chacune d'elles. Certains accords classiques sont couramment utilisés, d'autres plus rarement ou selon les modes.
Aldéhyde
Nom utilisé en parfumerie pour désigner les aldéhydes aliphatiques (obtenus par synthèse). Leur utilisation est à l'origine des parfums dits « aldéhydé ».
Ambre
Matière première animale appelée ambre gris provenant des concrétions pathologiques formées dans l'estomac des cachalots.
Ambré
Regroupement de parfums ayant des notes douces, poudrées, vanillées, ciste labdanum, animales, très marquées. Le terme « orientaux » est parfois utilisé comme synonyme.
Aromatique
Terme qui peut avoir plusieurs définitions en parfumerie.
Substance aromatique : substance présentant une structure chimique dérivée du benzène utilisée en parfumerie et en arômes alimentaires.
Plantes aromatiques : végétaux odorants dont on tire des extraits naturels utilisables en parfumerie.
Effet aromatique : perception olfactive obtenue par association de produits naturels et de synthèse à dominante camphrée.
Base
Structure olfactive élémentaire. Elle constitue un élément précomposé facilitant au créateur l'élaboration d'un parfum.
Capiteux
Terme utilisé pour décrire une odeur, une composition ou un parfum qui produit une surexcitation des sens.
Caractère
Distingue et personnalise une note, un accord, un parfum.
Chypre
Classe olfactive ayant pour origine le parfum que François Coty a ainsi appelé à sa sortie en 1917. Son succès en a fait le chef de file d'une grande famille qui regroupe...
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Glossaire
BIBLIOGRAPHIE
-
(1) - SEERUTTUM (A.) - L'industrie de la parfumerie. - Financière de la cité, 60 p. (2012).
-
(2) - TEISSEIRE (P.-J.) - Chimie des substances odorantes. - Technique et Documentation, Lavoisier, 480 p. (1991).
-
(3) - OHLOFF (G.), PICKENHAGEN (W.), KRAFT (P.) - Scent and chemistry. - Verlag Helvetica Chimica Acta, 350 p. (2011).
-
(4) - FERNANDEZ (X.), ANTONIOTTI (S.), BUSSOTTI (E.) et al - Parfum, chimie et création. - Actual. Chim., n° 323-324, p. 42-51 (2008).
-
(5) - BERTHOUD (F.), GHOZLAND (F.), D'AUBER (S.) - Enjeux et métiers de la parfumerie. - Éd. d'Assalit, Toulouse, vol. 1, p. 256 (2007).
-
(6) - CHAVIGNY (C.) - Parfumerie fonctionnelle. - Parfums cosmétiques actualités, n° 167,...
DANS NOS BASES DOCUMENTAIRES
ANNEXES
Au parfum http://www.auparfum.com/ (page consultée le 3 juillet 2015)
Blog sur le parfum http://www.auparfum.com/Blog-parfums(page consultée le 3 juillet 2015)
CNRS Image – Film Le Parfum retrouvé http://videotheque.cnrs.fr (page consultée le 3 juillet 2015)
L'Observatoire des cosmétiques https://cosmeticobs.com/fr/ (page consultée le 25 mai 2015)
Musées de Grasse http://www.museesdegrasse.com/ (page consultée le 3 juillet 2015)
Parfums, tendances et Inspirations http://parfums-tendances-inspirations.com/ (page consultée le 3 juillet 2015)
CPNP (Cosmetic Product Notification Portal) https://webgate.ec.europa.eu
HAUT DE PAGE
Règlement cosmétique européen http://eur-lex.europa.eu (page consultée le 5 juillet 2015)
Réglementation cosmétique américaine...
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