Présentation
EnglishRÉSUMÉ
Bien qu'extrêmement durable, le papier est, comme tout matériau organique, soumis au vieillissement chimique. La diminution du degré de polymérisation de la cellulose est la cause principale de la fragilisation et de l'affaiblissement du papier. Afin d'identifier les procédés du vieillissement du papier, il est donc important de comprendre la structure moléculaire de la cellulose et la structure morphologique et des fibres. Une première partie définit les liaisons mises en jeu ainsi que le rôle de l'eau sorbée. Les propriétés physico-chimiques du papier et les moyens de les mesurer sont expliqués. Dans une seconde partie, les phénomènes réactionnels impliqués dans le vieillissement du papier et leur cinétique sont exposés ainsi que les paramètres influençant la vitesse de dégradation.
Lire cet article issu d'une ressource documentaire complète, actualisée et validée par des comités scientifiques.
Lire l’articleAuteur(s)
-
Anne-Laurence DUPONT : Docteur ès Sciences, HDR, chercheur au CNRS - Centre de recherche sur la conservation des collections (CRC, USR 3224), Sorbonne -Universités, Muséum national d’Histoire naturelle, Ministère de la Culture et de la -Communication, CNRS, Paris, France
-
Gérard MORTHA : Professeur des Universités - Laboratoire de Génie des Procédés Papetiers (LCP2 – UMR CNRS 5518), École nationale du Papier, de la Communication Imprimée et des Biomatériaux, Institut Polytechnique de Grenoble, Université Grenoble – Alpes, Saint Martin d’Hères, France
INTRODUCTION
Le papier n’a jamais cessé d’être, quelles que soient les époques, un véhicule privilégié de l’expression artistique, de l’acquisition et de la dissémination de la connaissance et de la culture ; il est le support matériel d’une part importante de la mémoire de l’humanité. C’est un matériau extrêmement durable puisque quantité d’œuvres et ouvrages sur papier ont perduré pendant plusieurs siècles pour nous parvenir souvent en bon état de conservation.
Les propriétés chimiques et physiques du papier varient selon les matières premières et les modes de production utilisés au cours des différentes périodes historiques. La technologie de fabrication, apparue en Chine vraisemblablement au IIe siècle avant notre ère, a évolué au fur et à mesure de son expansion progressive d’abord au Moyen-Orient à partir du VIIIe siècle, puis vers l’Occident. Cependant ce sont les innovations papetières occidentales au XIXe siècle qui ont le plus radicalement modifié la composition du matériau et les modes de fabrication. La transformation d’un mode de production artisanal vers une papeterie industrielle moderne a eu un impact socio-économique et culturel considérable mais des conséquences néfastes sur la stabilité et la durabilité du matériau. Le remplacement par le bois des sources utilisées anciennement comme matières premières (plantes annuelles orientales et moyen-orientales et plus tard chiffons de lin, de chanvre et de coton occidentaux), et l’utilisation massive d’encollage colophane-alun succédant aux encollages traditionnels le plus souvent à base de gélatine ou amidon en sont les deux causes principales. Les premiers papiers fabriqués industriellement destinés à l’imprimerie de la moitié du XIXe siècle jusqu’à la moitié du XXe siècle posent souvent de graves problèmes de conservation, contrairement aux pâtes contemporaines qui, selon leur usage, peuvent être très durables, les facteurs qui influencent la durée de vie du matériau étant maintenant mieux connus.
Comme tout matériau organique le papier est soumis au vieillissement. Le vieillissement se définit comme un phénomène d’évolution lente et irréversible de la structure et/ou de la composition d’un matériau sous l’effet de son instabilité propre, de l’interaction avec l’environnement (irradiations UV, irradiations ionisantes, pollution…) ou de sollicitations mécaniques [AM 3150]. Le vieillissement chimique, qui sera plus particulièrement développé dans cet article, concerne tout mode de vieillissement impliquant des modifications de la structure chimique des macromolécules de cellulose.
Ainsi, la source végétale de cellulose et le procédé de fabrication des papiers jouent les rôles principaux dans la durabilité et le vieillissement du produit fini. D’autre part, des facteurs extrinsèques, tels que les conditions de conservation ambiantes (thermohygrométrie, lumière, qualité de l’air), la pollution atmosphérique ou la contamination biologique et la manutention, influent également sur le vieillissement du papier.
Les propriétés mécaniques et les propriétés chimiques des polymères sont liées, leur masse molaire jouant un rôle prépondérant dans cette relation. En général, une masse molaire élevée est corrélée avec une résistance mécanique élevée. La fragilisation et l’affaiblissement mécanique du papier dérivent donc de la diminution d’une caractéristique chimique fondamentale de la cellulose des fibres qui est son degré de polymérisation moyen . La cause principale de cette diminution est la réaction d’hydrolyse catalysée par les acides, aboutissant à la coupure des chaînes macromoléculaires, mécanisme réactionnel aléatoire prédominant pendant le vieillissement du papier et qui se déroule selon des principes de cinétique chimique connus. Des réactions d’oxydation ont lieu également et agissent de façon synergique avec l’hydrolyse pendant le vieillissement, mais elles sont en général secondaires dans l’affaiblissement mécanique du papier en conditions usuelles de conservation (hors présence de media agressifs contenant des métaux de transition tels que les encres ferrogalliques). Cet article est consacré aux modifications chimiques induisant des modifications mécaniques ; la question des modifications optiques du papier et du jaunissement dû au vieillissement ne sera pas abordée.
Afin de comprendre le vieillissement des papiers et celluloses, il est donc important avant tout de comprendre la chimie et la physico-chimie de la cellulose et du matériau papier. Les premiers paragraphes sont consacrés à cette tâche ainsi qu’aux méthodes de mesurage de ces propriétés physico-chimiques. Cet article ne prétend pas pour autant faire une liste exhaustive des propriétés du papier mais plutôt préciser celles qui ont un impact significatif sur la conservation à long terme des biens culturels cellulosiques et qui sont les plus pertinentes dans les recherches scientifiques ayant trait à l’analyse de la cellulose et au vieillissement du papier. Dans une seconde partie, les phénomènes réactionnels impliqués dans le vieillissement du papier et leur cinétique sont exposés.
MOTS-CLÉS
conservation du patrimoine cellulosique chromatographie d'exclusion stérique structure fibreuse
DOI (Digital Object Identifier)
CET ARTICLE SE TROUVE ÉGALEMENT DANS :
Accueil > Ressources documentaires > Mesures - Analyses > Techniques d'analyse > La science au service de l'art et du patrimoine > Chimie des processus de vieillissement des papiers et celluloses > Propriétés physico-chimiques du papier
Accueil > Ressources documentaires > Matériaux > Bois et papiers > Papiers et cartons > Chimie des processus de vieillissement des papiers et celluloses > Propriétés physico-chimiques du papier
Accueil > Ressources documentaires > Sciences fondamentales > Physique Chimie > Chimie organique et minérale > Chimie des processus de vieillissement des papiers et celluloses > Propriétés physico-chimiques du papier
Cet article fait partie de l’offre
Corrosion Vieillissement
(96 articles en ce moment)
Cette offre vous donne accès à :
Une base complète d’articles
Actualisée et enrichie d’articles validés par nos comités scientifiques
Des services
Un ensemble d'outils exclusifs en complément des ressources
Un Parcours Pratique
Opérationnel et didactique, pour garantir l'acquisition des compétences transverses
Doc & Quiz
Des articles interactifs avec des quiz, pour une lecture constructive
Présentation
1. Propriétés physico-chimiques du papier
1.1 Structure moléculaire et morphologique de la cellulose
Le papier est un matériau fibreux, chaque fibre étant composée de plusieurs centaines de microfibrilles, regroupant quelques centaines de molécules de cellulose. Une fibre de coton fait en moyenne 30 mm de longueur et 10 μm de diamètre . Une fibre de bois de conifères, appelée trachéide, a une longueur moyenne de 2 à 4 mm ; une fibre de bois de feuillu est deux à trois fois plus courte (longueur moyenne 1 mm) et fait de 50 à 100 μm de largeur .
La cellulose est un homopolymère linéaire polydispersé composé exclusivement de monomères de D-glucopyranose (appelés unités anhydroglucose, AGU) reliés par des liaisons β-1,4 glycosidiques. Chaque unité anhydroglucose adopte une configuration chaise avec les groupes hydroxyles en position équatoriale et les atomes d’hydrogène en position axiale (figure 1).
Selon la source végétale, une molécule de cellulose native peut contenir jusqu’à 20 000 unités anhydroglucose, sa masse molaire peut donc être supérieure à 3 × 106 g.mol–1. La dimension d’une unité anhydroglucose étant de 0,515 nm (5,15 Å) en longueur, une molécule de cellulose native peut donc dépasser les 10 μm .
Les propriétés physico-chimiques du papier découlent...
Cet article fait partie de l’offre
Corrosion Vieillissement
(96 articles en ce moment)
Cette offre vous donne accès à :
Une base complète d’articles
Actualisée et enrichie d’articles validés par nos comités scientifiques
Des services
Un ensemble d'outils exclusifs en complément des ressources
Un Parcours Pratique
Opérationnel et didactique, pour garantir l'acquisition des compétences transverses
Doc & Quiz
Des articles interactifs avec des quiz, pour une lecture constructive
Propriétés physico-chimiques du papier
BIBLIOGRAPHIE
-
(1) - OLSSON (C.), WESTMAN (G.) - Direct Dissolution of Cellulose : Background, Means and Applications. - Ch. 6, Cellulose – Fundamental Aspects, Ed. Theo van de Ven et Louis Godbout, 2013, p. 143-178
-
(2) - VALLETTE (P.), de CHOUDENS (C.) - Le bois, la pâte, le papier, - 3e édition Ch.I.2, Centre Technique du Papier, Grenoble, France (1992), p. 16-17
-
(3) - WAKELYN (P. J.), BERTONIÈRE (N. R.), FRENCH (A. D.) et al - Cotton fibers, - Ch. 9 Handbook of fibre chemistry, third edition. Ed Menachem Lewin, CRC Press (2007), p. 521-666
-
(4) - LI (Q.), RENNECKAR (S.) - Supramolecular structure characterization of molecularly thin cellulose I nanoparticles. - Biomacromolecules. 12(3) (2011), p. 650-659
-
(5) - HEARLE (J.W.S.) - A fringed fibril theory of structure in crystalline polymers. - Journal of Polymer Science 28(117) (1958), p. 432-435
-
...
DANS NOS BASES DOCUMENTAIRES
The Book and Paper Group Annual, American Institute for Conservation of Historic &&&& Artistic Works, Editeur du site Eliza Gilligan, University of Virginia Libraries : http://cool.conservation-us.org/coolaic/sg/bpg/annual/
PORCK Henk J. – Rate of Paper Degradation. The Predictive Value of Artificial Aging Tests, European Commission on Preservation and Access, Amsterdam (2000), pp. 40, http://www.ica.org/download.php?id=604
HAUT DE PAGE
ISO 287 (2009), Papier et carton – Détermination de la teneur en humidité d’un lot – Méthode par séchage à l’étuve
ISO 5626 (1993), Papier – Détermination de la résistance au pliage
ISO 1924-2 (2008), Papier et carton – Détermination des propriétés de traction – Partie 2 : Méthode à gradient d’allongement constant (20 mm/min)
ISO 15361 (2000), Pâtes – Détermination de la résistance à la traction à mâchoires jointives, à l’état humide ou sec
ISO 187 (1990), Papier, carton et pâtes – Atmosphère normale de conditionnement et d’essai et méthode de surveillance de l’atmosphère...
Cet article fait partie de l’offre
Corrosion Vieillissement
(96 articles en ce moment)
Cette offre vous donne accès à :
Une base complète d’articles
Actualisée et enrichie d’articles validés par nos comités scientifiques
Des services
Un ensemble d'outils exclusifs en complément des ressources
Un Parcours Pratique
Opérationnel et didactique, pour garantir l'acquisition des compétences transverses
Doc & Quiz
Des articles interactifs avec des quiz, pour une lecture constructive