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Article

1 - NÉCESSAIRES CLARIFICATIONS CONCEPTUELLES

2 - UNE ENTRÉE DANS LA RÉFLEXION ÉTHIQUE PAR LES ACCIDENTS ET AUTRES SCANDALES

3 - DÉONTOLOGIES PROFESSIONNELLES

  • 3.1 - Organisation de la profession en France
  • 3.2 - États-Unis : un modèle ancien
  • 3.3 - Autres modèles
  • 3.4 - Un ordre, un code pour quoi faire

4 - VERS UNE ÉTHIQUE DE L’INGÉNIERIE

  • 4.1 - Des discours sur l’agir technique
  • 4.2 - Et les ingénieurs dans tout ça

5 - GLOSSAIRE – DÉFINITIONS

Article de référence | Réf : AG102 v2

Une entrée dans la réflexion éthique par les accidents et autres scandales
Éthique de l’ingénierie - Un champ émergent pour le développement professionnel

Auteur(s) : Christelle DIDIER

Date de publication : 10 juin 2024

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RÉSUMÉ

Cet article trace les contours d'un champ de réflexion académique et pratique émergent, l'éthique de l'ingénierie. Celle-ci, moins connue et plus récente que l'éthique médicale ou des affaires, porte sur l'activité dont les ingénieurs constituent une figure à la fois centrale et singulière. Après une première partie proposant de revenir sur quelques concepts utiles à la thématique, l'article présente des accidents et incidents ayant conduit la profession à mettre des mots sur leur éthique. Dans un second temps, il rend compte du développement des discours produits par et pour des ingénieurs depuis plus d'un siècle et qui ont parfois pris la forme de règles déontologiques explicites. L'article se termine avec une réflexion tournée spécifiquement vers les ingénieurs et futurs ingénieurs aujourd'hui.

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Auteur(s)

  • Christelle DIDIER : Sociologue - Maîtresse de conférences en sciences de l’éducation - Centre interuniversitaire de recherche en éducation de Lille (CIREL) – Équipe Proféor, EA 2261, Université de Lille - Collectif des Études Pluridisciplinaires Sur l’Ingénierie (EPSI)

INTRODUCTION

Il semble bien difficile de parler du développement de l’éthique de l’ingénierie en France, contrairement à d’autres pays, à commencer par les États-Unis, où ce domaine de l’éthique appliquée est établi depuis les années 1980 sous l’appellation « engineering ethics ». L’expression même « éthique de l’ingénierie » continue de susciter de l’étonnement pour un public français qu’il soit composé de non-spécialistes, d’ingénieurs voire de philosophes. Elle est pourtant utilisée depuis de longues années dans d’autres régions de la francophonie, comme le Québec. L’existence de codes de déontologie, écrits par des ingénieurs pour des ingénieurs, est par ailleurs attestée depuis le début du XXe siècle avec le plus ancien code publié au Royaume-Uni par la prestigieuse Association of Civil Engineers en 1910. C’est cependant surtout aux États-Unis que ce genre d’écrit a trouvé un contexte culturel et social particulièrement favorable pour se déployer depuis le début du XXe siècle jusqu’à ce jour.

Pourtant, les Français ne sont pas moins concernés que leurs homologues nord-américains par le dilemme entre leur devoir d’obéissance organisationnelle et leur responsabilité sociale, thématique abondamment discutée outre-Atlantique dans le milieu des ingénieurs à travers des cas de whistleblowing depuis les années 1970. La traduction en France au début des années 2000 de ce mot par « alerte éthique » ou « alerte professionnelle » n’a pas touché en premier lieu les milieux d’ingénieurs. Elle n’a pas non plus concerné d’abord le type de dilemme tant discuté par les ingénieurs états-uniens. C’est plutôt au sujet d’exactions financières que ces notions se sont diffusées, à partir des entreprises françaises travaillant avec les États-Unis, obligées de mettre en place des procédures de signalement en application de la loi Sarbanne-Oxley (2002) votée après les scandales financiers d’Enron et WorldCom.

Dans un autre contexte culturel, en Allemagne, on a vu des outils spécifiques d’évaluation des techniques être intégrés depuis les années 1980 à la réflexion des ingénieurs, témoignant d’un souci pour des questions éthiques. Or, on peut penser que celles-ci concernent autant les ingénieurs français que leurs homologues d’outre-Rhin. Ailleurs encore, on a vu se développer de nouvelles collaborations entre ingénieurs en R&D et chercheurs et chercheuses en sciences humaines et sociales sous des appellations aussi diverses que Value Sensitive Design, Constructive Technology Assessment, Political Technology Assessment, Socio-Technical Integration Research, Network Approach for Moral Evaluation. Si de tels outils que l’on trouve par exemple aux États-Unis et aux Pays-Bas ont des équivalents dans les centres de recherche français, leur diffusion reste discrète.

La façon dont sont soulevées les questions éthiques dépend certainement des contextes juridiques et culturels de chaque pays, ainsi que de l’existence d’un débat public à leur sujet. L’absence de controverse sur les organismes génétiquement modifiés aux États-Unis place les ingénieurs qui travaillent dans les biotechnologies dans un tout autre contexte qu’en Europe où l’évidence de la controverse est incontournable. En revanche, le soutien important fait en France par les gouvernements successifs à la filière nucléaire n’est pas sans incidence sur la perception qu’ont les ingénieurs de cette technologie et de ses enjeux éthiques et sociaux, indépendamment de la qualité intrinsèque des arguments avancés de part et d’autre du débat. On pourrait dire de même au sujet de la résistance du Québec à qualifier l’amiante de matière dangereuse… Ainsi, les thèmes des discussions considérées comme relevant de l’éthique de l’ingénierie diffèrent selon les lieux et les époques : certains sujets sont plus débattus que d’autres pour diverses raisons. Les scandales de collusion et corruption qui ont frappé dans les années 2000 les milieux des ingénieurs au Québec ont fait l’effet d’un électrochoc et poussé la profession à se remettre en question.

Ce qui étonne parfois en France, c’est la visibilité encore très faible des discours portés par les ingénieurs en tant que groupe socio-professionnel sur ces questions qu’on peut qualifier d’« éthiques » parce qu’elles engagent des valeurs et une certaine vision du monde. Cet article vise ainsi à mieux faire connaître l’état des réflexions développées depuis près d’un siècle dans le milieu des ingénieurs et depuis une quarantaine d’années dans le cadre de collaborations avec des philosophes, sociologues, psychologues, économistes… en éthique de l’ingénierie.

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VERSIONS

Il existe d'autres versions de cet article :

DOI (Digital Object Identifier)

https://doi.org/10.51257/a-v2-ag102


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2. Une entrée dans la réflexion éthique par les accidents et autres scandales

Le champ de l’éthique de l’ingénierie s’est développé dans un contexte de remise en question de plus en plus forte de l’équation progrès technique = progrès social. Mais il s’est d’abord développé dans des pays où existaient une déontologie formelle et une rhétorique qui définissaient l’activité des ingénieurs comme étant intrinsèquement bénéfique pour l’Humanité (§ 3.3.2). Aux États-Unis, la formation éthique des ingénieurs a été encouragée à la fin des années 70 par la National Science Foundation qui a soutenu la publication des premiers manuels d’éthique pour ingénieurs. Elle a aussi bénéficié de l’exigence formulée par l’Accreditation Board of Engineering and Technology (ABET), équivalent américain de la CTI, de mettre en place pour l’an 2000 des formations éthiques pour tous les ingénieurs. Cette demande suivie de contrôles devenus plus exigeants a contribué à légitimer et structurer le champ académique.

Les premiers cours proposés aux États-Unis comportaient l’étude de codes de déontologie et surtout des études de cas d’accidents ou incidents techniques qui ont toujours constitué un enjeu majeur pour la profession. Un autre thème a été jugé très vite incontournable du fait du statut majoritairement salarié des ingénieurs (contrairement aux membres des autres professions, la plupart du temps libéral). Ce thème, appelé whistleblowing en anglais, concerne l’éventuel devoir moral de tirer la sonnette d’alarme – quitte à se montrer déloyal envers son employeur – pour protéger des vies, éviter des catastrophes. Parmi toutes les éthiques professionnelles, c’est dans celle qui concerne les ingénieurs où l’on trouve cette question la plus débattue et depuis longtemps.

Parmi les nombreuses études de cas classiques aux États-Unis, nous avons choisi de développer ici celle d’un accident...

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BIBLIOGRAPHIE

  • (1) - SCHAUB (J.H.), PAVLOVIC (K.) -   Engineering professionalism and ethics.  -  Wiley (1983).

  • (2) - ZHU (Q.), MARTIN (M.), SCHINZINGER (R.) -   Engineering ethics.  -  Edition originale 1983, 5e édition, McGraw-Hill (2021).

  • (3) - HARRIS (C.E.), PRITCHARD (M.S.), RAY (J.), ENGELHARDT (E.), RABINS (M.J.) -   Engineering ethics: concepts and cases.  -  Edition originale 1995, 6e édition, Wadsworth (2019).

  • (4) - FLEDDERMANN (C.B.) -   Engineering ethics.  -  Edition originale 1999, 4e edition (2012).

  • (5) - DIDIER (C.) -   Les ingénieurs et l’éthique professionnelle : pour une approche comparative de la déontologie. In Sociologie des groupes professionnels. Acquis récents et nouveaux défis,  -  DEMAZIÈRE (D.) et GADÉA (C.) (dir.), La Découverte, p. 208-218 (2010).

  • ...

1 Sites Internet

Observatoire français de l’ISO 26000

https://www.iso.org/fr/iso-26000-social-responsibility.html

Objectifs du développement durable ONU (2017)

https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/objectifs-de-developpement-durable/

Guide des compétences DD&RS CPU-CGE (2016)

http://reunifedd.fr/wp-content/uploads/2021/01/Guide-de-comp%C3%A9tences-DDRS-2019.pdf

Référentiel DD&RS (2021)

https://franceuniversites.fr/wp-content/uploads/2022/02/referentiel-DDRS_2021_FR_numerique.pdf

HAUT DE PAGE

2 Normes et standards

CNISF ((1996)), Code de déontologie des ingénieurs du Conseil national des ingénieurs et scientifiques de France

...

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