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1 - LES GRANDEURS PHYSIQUES À LA BASE DU DIMENSIONNEMENT DU SYSTÈME ET DES STRATÉGIES FACES AUX RISQUES

  • 1.1 - Les quatre premiers principes découlant des grandeurs physiques
  • 1.2 - Tout commence donc avec l’adhérence et les distances d’arrêt
  • 1.3 - Précision de mesure pour les paramètres physiques : masse, puissance de freinage, position des convois et vitesse, et conséquences sur les principes de sécurité ?
  • 1.4 - Brefs éléments de compréhension de mécanique ferroviaire et leurs conséquences sur le dimensionnement et la surveillance de composants ou sous-systèmes (PSF2 et PSF3)
  • 1.5 - Quelques exemples des conséquences de violation des quatre premiers principes
  • 1.6 - Quelques exemples des conséquences de la défaillance de composants au vu des masses ou énergies mises en jeu
  • 1.7 - Les trois principes régissant les facteurs organisationnels et humains

2 - INTERACTIONS AVEC L’ENVIRONNEMENT

  • 2.1 - Risques coutumiers les plus courants
  • 2.2 - Révolution numérique
  • 2.3 - Risques terroristes

3 - CONSÉQUENCES DES QUATRE PREMIERS PSF SUR LA GESTION DE LA SÉCURITÉ AU SEIN DE CHAQUE CONVOI

4 - MÉTHODOLOGIE DES ANALYSES DE RISQUE, DES PRINCIPES DE SÉCURITÉ FERROVIAIRE (PSF), ET RÉVOLUTION DIGITALE

  • 4.1 - La méthodologie historique du ferroviaire articule trois étapes mobilisant les PSF
  • 4.2 - Possibilités et limites du big data et des inférences statistiques
  • 4.3 - Enjeux futurs des mutations technologiques pour nos inférences statistiques

5 - CONCLUSION

Article de référence | Réf : TRP3071 v1

Les grandeurs physiques à la base du dimensionnement du système et des stratégies faces aux risques
Principes de la sécurité ferroviaire - Enjeux et perspectives

Auteur(s) : Pierre MESSULAM

Date de publication : 10 nov. 2022

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RÉSUMÉ

Les énergies et les masses mises en mouvement dans le système ferroviaire et les conséquences spectaculaires et parfois dramatiques des accidents ont nécessité dès l’origine la définition de principes de sécurité pour protéger les clients, les riverains et les salariés. Les difficultés de mesure des masses, des vitesses ou des positions des convois ont conduit à des choix technologiques ou organisationnels partagés par tout le secteur. La révolution digitale conduit à réinterroger la stratification des technologies mécaniques ou électromécaniques déployées depuis 1870 en partant des principes de base qui restent toujours d’actualité.

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Auteur(s)

  • Pierre MESSULAM : Président de Semaphore SAS - Ancien directeur des Risques, de l'Audit, de la Sécurité et de la Sûreté de la SNCF

INTRODUCTION

La sécurité de tous les systèmes de transport repose sur deux grands principes : la maîtrise des énergies mises en jeu (notamment les risques d’explosion de l’énergie embarquée, ou de perte d’un composant en cours de trajectoire) et la maîtrise de la trajectoire (éviter la collision avec un autre convoi, ou avec des bâtiments ou des installations proches).

Le remplacement des locomotives à vapeur par des locomotives à moteurs thermiques puis électriques a permis une bonne maîtrise des risques énergétiques même si le risque incendie d’un convoi reste toujours un enjeu important. L’intégrité du guidage mécanique du convoi (rails et aiguillages pour l’infrastructure, roues ou essieux pour les convois) est un impératif absolu : une défaillance conduit à des chocs d’une grande violence en raison des énergies mécaniques mises en jeu.

La maîtrise de la trajectoire constitue un second enjeu fondamental. En effet, le ferroviaire étant un mode guidé unidimensionnel, l’équipage ne peut pas changer sa trajectoire pour éviter une collision : il ne peut que l’anticiper par le freinage. La détection à temps du risque de choc n’est pas toujours cohérente avec les distances d’arrêt de plusieurs centaines de mètres (en particulier pour des voies en courbe ou lors de conditions atmosphériques dégradées), conséquences du faible frottement du contact roue-rail. C’est pourquoi le système ferroviaire met un soin tout particulier à la planification détaillée des mouvements pour éviter toute trajectoire sécante entre convois, et a développé des techniques d’espacement des trains afin de garantir des distances d’arrêt suffisantes. Ce dispositif est complété par des procédures très strictes pour les aiguilleurs ou les conducteurs et le développement de technologies de communication en temps réel pour transmettre l’alerte au conducteur avant même qu’il puisse voir lui-même le danger.

Le système ferroviaire est également très vulnérable aux intrusions sur son infrastructure, que ce soit par des véhicules ne s’arrêtant pas à un passage à niveau, par des engins agricoles ou de chantier à proximité immédiate des voies, ou par des évènements géologiques ou atmosphériques venant détériorer l’infrastructure (inondations, éboulements), sans qu’elles puissent toujours être détectées avant le passage du convoi.

Les comportements des riverains ou des passagers constituent une préoccupation croissante aussi bien pour les intrusions que pour les actes malveillants.

Enfin, la généralisation des technologiques digitales accroît les risques de perturbations électromagnétiques entre circuits de puissance et réseaux digitaux à haute fréquence et ceux de cyberattaques affectant des composants clefs.

La physique du système ferroviaire constitue le fondement de ses principes de sécurité ; alors que les décélérations au freinage sont modestes, les interactions entre le matériel roulant et l’infrastructure donnent lieu très fréquemment à des accélérations verticales et transversales de plusieurs g qui peuvent conduire à des déformations plastiques ou à des phénomènes de rupture du guidage roue/rail avec des conséquences considérables en raison des énergies qui sont alors libérées. De même les réactions longitudinales au sein d’un même convoi (phénomène d’accordéon) peuvent atteindre plusieurs g lors d’un freinage et conduire à des ruptures d’attelage ou des délestages de roues provoquant des déraillements.

La méthodologie de gestion des risques du système est articulée en plusieurs étapes et visent au travers de sept principes de sécurité ferroviaire (PSF dans la suite de l’article) à empêcher des évènements redoutés, et de prévoir des dispositions constructives ou organisationnelles qui en limitent les conséquences :

  • définir a priori des familles d’évènements proscrits notamment en raison des masses ou des énergies en jeu : c’est l‘objet des PSF 1 à 4 ;

  • surveiller par une observation systématique les évènements précurseurs de défaillances critiques pour modifier la conception ou la trame de surveillance ou d’entretien et prévenir des modes de défaillance pouvant conduire à des évènements proscrits, c’est l’objet des PSF 1 à 7 ;

  • quantifier par une analyse statistique des estimations des courbes d’usure ou de ruine des composants critiques pour adapter leur surveillance et les remplacer à temps ;

  • estimer les probabilités d’occurrence d’évènements redoutés (ruptures de composants mécaniques ou métallurgiques par exemple) après combinaison de parades de différente nature notamment humaines et organisationnelles (enjeu des PSF 5 à 7).

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DOI (Digital Object Identifier)

https://doi.org/10.51257/a-v1-trp3071


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1. Les grandeurs physiques à la base du dimensionnement du système et des stratégies faces aux risques

La faible adhérence du contact roue/rail constitue un avantage énergétique considérable du mode ferroviaire mais a comme conséquence des distances de freinage extrêmement longues (la distance d’arrêt d’un TGV est 26 fois plus longue que celle d’une F1).

Contrairement aux autres modes de transport, l’équipage du train ne peut modifier sa trajectoire pour éviter un obstacle, étant dans un mode guidé. La seule stratégie possible est de freiner à temps pour s’arrêter avant l’obstacle ou du moins l’aborder à la vitesse la plus faible possible. Un choc même à vitesse réduite mettra encore en jeu des dizaines faire voire des centaines de mégajoules qui suffiront à dérailler en induisant des déformations du convoi, des risques d’incendie ou d’atteintes aux passagers ou de dispersion des marchandises (transport de matières dangereuses par exemple), et en projetant des éléments du convoi sur l’obstacle ou dans les environs proches de la voie. De plus, le conducteur est bien souvent dans l’incapacité de déceler suffisamment tôt la présence d’un obstacle : voies en courbe, tunnel, conditions atmosphériques, ou tout simplement dans les nœuds ferroviaires, impossibilité de reconnaître son itinéraire au milieu de nombreuses voies et d’un entrelacs d’aiguillages.

Ces constats physiques ont conduit dès l’origine de l’exploitation au XIXe siècle, à la définition de principes de sécurité restés intangibles jusqu’à l’arrivée de nouvelles technologies de détection vidéo, de transmission massive de données digitales qui ouvrent de nouvelles perspectives.

1.1 Les quatre premiers principes découlant des grandeurs physiques

Le premier principe de sécurité ferroviaire (PSF1) est celui du cantonnement : organiser et garantir l’espacement spatial entre deux convois qui se succèdent, avec une distance au moins supérieure à la distance de freinage du second train pour éviter toute collision par rattrapage, ou prévenir toute situation de nez à nez (deux trains circulant sur la même voie en sens opposé). Ce principe soulève deux questions fondamentales qui seront abordées au paragraphe 1.2 : comment estimer...

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BIBLIOGRAPHIE

  • (1) - ALIAS (J.) -   La voie ferrée.  -  Techniques de construction et d'entretien, Eyrolles (1984).

  • (2) - RÉTIVEAU (R.) -   La signalisation ferroviaire.  -  Presses des Ponts et Chaussées, épuisé mais toujours la référence en langue française (1987).

  • (3) - MESSULAM (P.) -   Considérations actuelles sur le pilotage automatique en ferroviaire.  -  Revue générale des chemins de fer n° 27 (2017).

  • (4) - NETWORKRAIL -   Adaptation au changement climatique.  -  Résilience aux conditions météorologiques et adaptation aux changements climatiques. Centrale de sécurité, networkrail.co.uk.

1 Réglementation

Sur les normes constructives du matériel roulant européen : voir le texte des STI (spécifications techniques d’interopérabilité) et notamment son § 4.2.2.

EUR-Lex-32014R1302-EUR-Lex (europa.eu).

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