Présentation
En anglaisRÉSUMÉ
En un peu moins de 200 ans d’histoire, la gare s’est développée, au gré de l’évolution des transports et de la transformation des villes, pour devenir aujourd’hui le moteur d’une intense activité urbaine. Parcourue par des foules de voyageurs ou de simples visiteurs, elle est le théâtre d’un brassage social, géographique et générationnel et joue un rôle clef dans la société urbaine contemporaine. Si sa conception architecturale répond à des nécessités fonctionnelles, techniques et écologiques, elle s’inscrit également dans une vision sociologique de la ville. Pour aborder ces problématiques complexes, la conception des gares relève désormais d’une approche pluridisciplinaire, où l’architecture se nourrit de sociologie et d’histoire, d’ingénieries diverses et d’études environnementales.
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For a bit less than 200 years, stations have developed at the crossing between transport and urban evolutions. They have become the seed of an intense urban activity. Flown through by travelers and visitors, stations are the scene of social, geographical and intergenerational intermingling and play a key role in urban societies.Station meet functional, technical and ecological requirements. But they also deal with a sociological vision of cities, as gathering and meeting places at the crossroad of mobilities. In order to address these challenging issues, station design relies on a multidisciplinary approach where architecture is fed by sociology and history, engineering and environmental studies.
Auteur(s)
-
Étienne TRICAUD : Architecte – Urbaniste - Ingénieur
INTRODUCTION
La gare constitue un espace public très particulier de la géographie contemporaine. C’est un point où se croisent les axes de mobilité qui traversent nos territoires, où se rencontrent les foules en transit, un creuset de sociabilité, un « hyper-lieu », pour reprendre l’expression du géographe Michel Lussault, qu’il attribue aux espaces de concentration des individus, aux espaces de densité, de diversité. S’il existe en effet un endroit où s’incarne le vivre ensemble, grand mot d’ordre politique d’aujourd’hui, c’est bien la gare, où l’on se frotte aux autres, qu’on le veuille ou non. Espaces clefs de la vie quotidienne et de la ville, la gare et son quartier sont redevenus aujourd’hui, après une longue éclipse au cours du XXe siècle, l‘objet de toutes les attentions, aussi bien des concepteurs que des pouvoirs publics.
Mais qu’est-ce réellement qu’une gare à notre époque ? Et vers quel modèle est-elle en train d’évoluer ? En cheminant à travers l’histoire de ces lieux fascinants, en évoquant leurs variations typologiques dans le temps et dans l’espace, cet article met en exergue les enjeux fonctionnels et urbains qui les caractérisent et esquisse la méthodologie de conception, technique et spatiale, qui répond à ces enjeux.
La conception des gares y est abordée sous l’angle du croisement de plusieurs disciplines : l’histoire dont il faut tirer les leçons, la sociologie qui qualifie le contexte culturel du projet, l’urbanisme qui caractérise la gare dans un système urbain, l’ingénierie des flux qui justifie le dimensionnement des espaces, les études techniques dans les domaines des transports et du bâtiment, l’architecture, enfin, qui assure la synthèse des études et propose une organisation des espaces propre à assurer la pérennité, le bon fonctionnement et l’agrément des lieux. Vitruve dirait qu’on doit remplir les trois qualités de firmitas, utilitas, et venustas ; autrement dit un projet solide, utile et beau (traité De architectura écrit vers – 15 et dédié à l’empereur Auguste).
MOTS-CLÉS
KEYWORDS
mobility | intermodality | public realm | train station
DOI (Digital Object Identifier)
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1. La gare : histoire, évolution, typologie
1.1 La gare au cœur de l’histoire des villes et des transports
Depuis son émergence au milieu du XIXe siècle, la gare nous parle de la relation de la société à l’espace où elle prend corps. Son histoire résulte de trois évolutions parallèles qui se nourrissent mutuellement : celle des sciences et techniques, celle des pratiques sociales, celle de la ville et du cadre de vie.
La dernière grande révolution technologique qui a profondément transformé les pratiques sociales et l’organisation spatiale des villes, c’est celle des mobilités mécanisées. Le transport ferré de voyageurs s’est ainsi développé en Europe dès le milieu du XIXe siècle, ailleurs dans le monde au cours du XXe siècle, pour relier progressivement toutes les grandes agglomérations puis irriguer tout le territoire.
Dans les grandes villes, la voie ferrée s’est frayée un passage dans les faubourgs pour se rapprocher au plus près du centre historique, que ce soit quand la ville est desservie en ligne, comme à Lyon ou Bordeaux, ou en terminus, comme à Orléans ou Lille. Parfois, le génie des ingénieurs est mis à contribution pour se jouer de la géographie, comme à Marseille où le rail est amené aux limites extrêmes du plateau qui domine le port. À Paris, les sept premières gares (Saint-Lazare, Nord, Est, Lyon, Austerlitz, Montparnasse et Denfert-Rochereau) s’installent en terminus, avant que le chemin de fer d’Orléans puis les RER ne les transforment en gare de passage. Là aussi, l’implantation de chaque gare est le fruit d’une approche subtile de la topographie, à la fois naturelle (certaines lignes ferrées pénètrent par des vallons, d’autres le long de la Seine) et artificielle (les tranchées de Saint-Lazare et gare de l’Est, les remblais de gare de Lyon…) pour amener la voie ferrée au plus près du centre-ville.
À l’extrémité de la voie ou au périgée de son tracé, la gare constitue le point d’accès au réseau ferroviaire depuis la ville. Initialement implantée aux limites de la zone densément urbanisée, puis progressivement absorbée dans un tissu urbain en pleine croissance, la gare se modifie au rythme des évolutions simultanées du réseau de chemin de fer et de la ville, qui elle-même voit se développer tous les transports urbains (figure 1).
Jamais auparavant les villes ne s’étaient...
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BIBLIOGRAPHIE
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(1) - LEMOINE (B.) - Une histoire des gares en France. - Éditions Archibooks (à paraître).
-
(2) - AREP/POUSSE (J.-F.) - L’invention de la gare contemporaine. - Éditions AAM Anteprima (2017).
-
(3) - AREP - Ville des possibles. - Éditions AAM Anteprima (2015).
-
(4) - RAUZIER (M.-P.) - Rêves de gare, une odyssée mondiale. - Éditions Langages du Sud (2017).
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(5) - COLLECTIF - Villes en gare. - Sous la direction d’Isaac Joseph, Éditions de l’Aube (1999).
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