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Henri ARNOUX : Ingénieur Général de l’Armement (2e section)
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Lire l’articleINTRODUCTION
Pourquoi consacrer tout un article aux pièces de rechange, et qui plus est un article relativement long ? C’est la question que le lecteur sera peut-être tenté de se poser. Pourquoi accorder tant de place à des choses aussi banales que des vis, des fusibles ou des voyants, car c’est la vision simplifiée qu’on aurait parfois des pièces de rechange. Nous avons pourtant tous entendu parler, à un moment ou à un autre, d’usines dont le fonctionnement est handicapé pour cause d’insuffisance du stock de pièces de rechange, ou même qui tombent en panne en raison de l’absence d’une pièce de rechange essentielle (situation hélas ! banale dans nombre de pays en voie de développement) ; nous avons aussi entendu parler des problèmes logistiques de pays en guerre recherchant, parfois avec beaucoup de difficultés, des pièces de rechange pour leurs chars, leurs navires ou leurs aéronefs. Ces constatations banales montrent bien que les pièces de rechange sont apparemment un élément important dans le bon fonctionnement d’une unité de production, mais elles n’en expliquent pas les raisons, et elles ne donnent pas les clés pour analyser le problème. Nous expliquerons donc pour commencer pourquoi les pièces de rechange jouent un rôle important dans la maintenance, et nous ferons ensuite une présentation d’ensemble du contenu de cet article.
On peut dire de façon schématique que tout « bien » industriel (ou plus généralement tout bien produit par la technique) est composé d’éléments constituants dont les caractéristiques générales (plans, tolérances, matériau utilisé, traitements divers..) et les spécifications d’interface avec les éléments voisins sont définies avec précision et que le respect de cette définition précise de chaque composant est une condition impérative du bon fonctionnement de l’ensemble ; c’est du moins ainsi que les choses devraient se passer. Cette philosophie de la définition d’un bien est donc à peu près incompatible avec l’idée de « réparation » d’une pièce endommagée ou périmée, parce que la réparation entraîne à peu près forcément des modifications de ces caractéristiques, donc des risques de dysfonctionnement.
Le maintien d’un matériel dans des conditions de fonctionnement satisfaisantes, le maintien si l’on préfère de sa « sûreté de fonctionnement » suppose donc que tout composant qui n’est plus conforme à ses spécifications, soit par suite d’un accident, soit du fait de l’usure entraînée par le fonctionnement, soit parce que l’âge a modifié ses caractéristiques (cas des pièces en caoutchouc), doit être remplacé par un élément neuf, ou à la rigueur reconditionné de façon à retrouver l’intégralité des caractéristiques initiales. Insistons encore sur le fait que cette identité de la pièce de rechange par rapport au composant initial ne se limite pas à sa géométrie, mais comprend toutes les caractéristiques : une pièce mécanique devra être géométriquement identique au plan de définition, mais cette identité inclura aussi la matière utilisée, les traitements thermiques qu’elle subit, l’état de surface etc. Cette parfaite identité peut dans certains cas constituer un impératif vital (vis utilisées dans la structure d’un avion par exemple).
L’utilisateur du bien doit ainsi disposer d’un stock suffisant de composants conformes aux spécifications du constructeur lui permettant de procéder à leur remplacement dans les meilleurs délais, ou à défaut il doit pouvoir les approvisionner très rapidement. La première démarche consistera donc à déterminer dans la liste des composants d’un bien quels sont ceux qui risquent, soit par usure, soit par accident, de ne plus rendre le service que l’on attend d’eux, et à connaître aussi bien que possible les lois qui régissent ces phénomènes d’usure ou de destruction accidentelle. C’est ce que nous examinerons dans les trois premiers paragraphes de cet article.
Dans cette liste des composants susceptibles de subir des défaillances, on pourra alors sélectionner la liste des composants qu’il est nécessaire de posséder en stock pour pouvoir assurer avec une probabilité satisfaisante la permanence de la « fonction requise » et pour chacun d’entre eux le nombre requis. Pour cela, on se basera notamment sur les lois d’apparition de défaillances, mais aussi sur l’expérience des utilisateurs et des responsables de maintenance. Ce sera l’objet des quatrième et cinquième paragraphes.
Nous constaterons alors que ce stock représente en général un investissement significatif, auquel il faut procéder au moment de la fabrication du bien ou de la construction de l’unité de production, si on veut éviter des surcoûts importants ou des délais rédhibitoires (dus par exemple au coût ou aux délais de la remise en fabrication). Ce stock doit être géré tout au long du « cycle de vie » du bien, en respectant un équilibre toujours difficile entre la contrainte financière, qui voudrait minimiser la valeur de ce stock improductif (improductif aux yeux des financiers), et la contrainte technique, qui recherche une sûreté de fonctionnement la plus élevée possible, ce qui conduit au contraire à majorer ce stock. Ce sera l’objet des paragraphes 6 à 8.
Nous terminerons avec les pièces de rechange en évoquant, en général pour les éliminer, quelques idées reçues au sujet des pièces de rechange 9. Enfin les dixième et onzième paragraphes traiteront de deux types de matériels indispensables pour la maintenance et dont le service maintenance doit aussi assurer la gestion : les consommables et les outillages.
Concernant les termes entre guillemets, le lecteur pourra se reporter dans ce traité au glossaire [MT 9 610].
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9. Quelques idées reçues sur les pièces de rechange
Avant de terminer cet article consacré aux pièces de rechange, on doit évoquer, pour les relativiser, ou de préférence pour les tuer, trois idées reçues sur les pièces de rechange.
La première est très répandue : les pièces de rechange sont trop chères. Il n’est pas question de nier que des industriels ont certainement abusé et abusent encore de situations de monopole pour la fourniture de pièces de rechange exclusives, mais il ne faut pas non plus négliger les charges spécifiques qui pèsent sur les pièces de rechange :
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coût de fabrication, qui peuvent être supérieurs aux coûts de fabrication initiaux, en particulier dans le cas, qui n’est pas toujours un cas d’école, où il faut relancer une chaîne de production, parfois pour des séries limitées ;
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charges financières correspondant aux intérêts du capital investi par le constructeur dans le stock de pièces de rechange qu’il est tenu de mettre à la disposition des utilisateurs de son matériel ;
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charges de stockage (location d’un espace de magasin) et de maintenance durant le stockage ;
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dans le cas de pièces soumises à péremption (articles en caoutchouc) pertes dues aux articles qu’il faut déclasser, parce qu’arrivés à péremption sans être vendus ;
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enfin, toutes les charges administratives et comptables de gestion du stock, de prise et de suivi des commandes, de conditionnement, de transport et de facturation (charges qui deviennent très lourdes en pourcentage dans le cas de petites commandes, cas qui est celui de l’acheteur non professionnel qui recherche une pièce de rechange pour son lave-vaisselle) sans oublier les charges spécifiques à l’exportation : emballage maritime et charges diverses liées au franchissement de frontières.
En fait, on peut dire qu’un acheteur de pièces de rechange n’achète pas seulement un bien matériel, mais qu’il achète également un ensemble de services dont le coût grève de façon sensible le prix de la pièce rendue chez le client, surtout lorsqu’il s’agit de pièces de faible valeur et en petit nombre.
La seconde idée, qui a surtout cours dans les pays en développement, est celle de la fabrication locale de pièces de rechange dans le pays de l’utilisateur ou dans la zone géographique à laquelle appartient ce pays. Elle semble reposer sur l’idée...
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