Article de référence | Réf : BN3865 v1

Problématiques associées aux accidents graves dans les réacteurs nucléaires
Thermodynamique appliquée aux accidents graves dans les réacteurs nucléaires

Auteur(s) : Andrea QUAINI, Marc BARRACHIN

Date de publication : 10 août 2024

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  • Andrea QUAINI : Laboratoire de Modélisation Thermodynamique et Thermochimie - Université Paris-Saclay, CEA, Service de recherche en Corrosion et Comportement des Matériaux, Gif-sur-Yvette, France

  • Marc BARRACHIN : Service des Accidents Majeurs, Institut de Radioprotection et Sûreté Nucléaire (IRSN) Saint-Paul-lez-Durance, France

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INTRODUCTION

Pour comprendre et modéliser l’ensemble des phénomènes physiques pouvant survenir lors d’un accident grave dans un réacteur nucléaire, une bonne connaissance des propriétés des matériaux du cœur du réacteur, en particulier des propriétés thermodynamiques, est indispensable. Lors d’un tel accident, des températures très élevées peuvent être atteintes (potentiellement supérieures à 3 120 K qui est la température de fusion du combustible UO2) de sorte que les matériaux des différents composants du cœur (barre de commande, gaine, combustible…) peuvent fondre et interagir pour former des mélanges complexes (mélange de matériaux communément appelé corium). Le corium est généralement caractérisé par la présence en son sein d’un grand nombre d’éléments chimiques et peut présenter un aspect multiphasique (par exemple, un mélange d’une phase liquide et de phases solides, un mélange de deux phases liquides non miscibles…).

La thermodynamique permet de connaître l’état physique à l’équilibre, la manière dont cet état se modifie avec les variables d’état, par exemple la composition et la température et par suite les conditions dans lesquelles une transformation peut se produire dans un sens déterminé. Certes elle ne dit rien des mécanismes de transformation ni de la durée de leur mise en œuvre et donc rien de la cinétique d’atteinte de l’équilibre. Mais pour pouvoir prédire l’évolution de la dégradation du cœur en situation accidentelle, il est important de pouvoir distinguer les évolutions possibles de celles qui ne le sont pas et c’est ce que la thermodynamique permet de faire de façon certaine. En particulier, elle permet de prédire l’état d’ordre du matériau (autrement dit les phases à l’équilibre thermodynamique) en fonction des variables d’état, la connaissance de cet état d’ordre étant un préalable à la mise en œuvre d’un grand nombre de modèles ou d’approches qui sont utilisés dans les codes de simulation des accidents graves.

La difficulté de l’appréhension du comportement thermodynamique des matériaux tant sur le plan expérimental que sur celui de la modélisation tient au fait qu’elle doit non seulement porter sur les matériaux des composants du cœur pris individuellement mais également sur les mélanges résultant de l’interaction de ces matériaux entre eux et ce, sur une gamme de température qui s’étend de la température nominale de fonctionnement du réacteur jusqu’à des températures pouvant atteindre la fusion du combustible (3 120 K pour UO2). On mesure aisément la difficulté de la tâche.

De manière classique et ce depuis longtemps, la connaissance de la thermodynamique d’un matériau s’appréhende par l’établissement d’un diagramme de phase qui est une représentation graphique de l’état d’ordre du matériau en fonction, généralement, de la composition et la température. Le diagramme de phase est déterminé de manière expérimentale à partir des mesures de différentes propriétés (températures de changement de phase, compositions des phases après trempe…). Des recueils répertorient ces diagrammes établis par l’expérience, pour les matériaux simples, dits systèmes binaires (c’est-à-dire composé de 2 éléments chimiques, voir par exemple ) et parfois pour les systèmes ternaires (3 éléments).

Pour le corium, la tâche est d’une toute autre ampleur compte tenu du nombre élevé d'éléments chimiques à considérer et du vaste domaine de température à couvrir. On comprend qu’une approche expérimentale ne peut répondre à elle seule à ce défi, même si elle demeure indispensable. Une approche alternative, la méthode CALPHAD  dont les principes de modélisation sont rappelés en section 2, consiste à construire les diagrammes de phase par calcul, d’abord pour les systèmes binaires puis ternaires. Elle présente alors l’avantage de pouvoir prédire la thermodynamique d’un matériau complexe (plus de trois éléments) à partir de la seule modélisation de ces systèmes de plus bas ordre, ce qui en fait une méthode très puissante. Elle permet également d’intégrer dans une fonction unique (G, enthalpie libre ou énergie de Gibbs), l’information expérimentale déduite des diagrammes de phase (limites de domaine de stabilité, températures de transition essentiellement) et celle issue de mesures des grandeurs thermodynamiques (enthalpie de formation, activité, potentiel chimique…), et ainsi d’assurer une cohérence entre ces différentes sources d’information. En ce sens, c’est la richesse de l’information expérimentale qui permet d’associer à la modélisation thermodynamique un niveau de pertinence pour le matériau ou le mélange considéré. Ainsi, nous montrerons, en section 3, la manière dont l’information obtenue dans les expériences est intégrée dans l’approche CALPHAD. Cette approche mixte, basée à la fois sur le calcul et sur l’expérience, qui est aujourd’hui très largement utilisée pour la description des matériaux complexes, a été mise en œuvre pour décrire la thermodynamique appliquée aux accidents graves avec la constitution de deux bases de données décrites en section 4, TAF-ID  développée sous les auspices de l’Agence pour l’énergie nucléaire (AEN) et NUCLEA  développée par l’Institut de radioprotection et sûreté nucléaire (IRSN). Ces bases de données, compte tenu du travail conduit depuis de nombreuses années, ont atteint un certain degré de fiabilité et quelques calculs d’applications pour l’illustrer seront présentés en section 5. Aujourd’hui, néanmoins, ces bases requièrent d’être consolidées pour être à même de répondre à la prise en compte des conséquences de l’introduction de nouveaux matériaux (gainages et combustibles dits ATF) dans les réacteurs à eau sous pression ou encore l’évaluation de nouveaux concepts (réacteurs à sels fondus par exemple, section 6).

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DOI (Digital Object Identifier)

https://doi.org/10.51257/a-v1-bn3865


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1. Problématiques associées aux accidents graves dans les réacteurs nucléaires

Les accidents graves dans les centrales nucléaires sont des événements peu probables mais aux conséquences importantes puisqu'ils peuvent entraîner des rejets radioactifs significatifs à l’extérieur de l’installation, avec un risque d’exposition pour les populations ainsi qu’un risque de contamination pour l'environnement. Malgré toutes les mesures prises pour réduire la probabilité d’occurrence de tels évènements, trois accidents nucléaires majeurs se sont produits dans l’histoire du nucléaire civil : tout d’abord l’accident du réacteur à eau sous pression à Three Mile Island (États-Unis) en 1979, l’accident du réacteur de Tchernobyl en 1986 en Ukraine de type RBMK (réacteur à eau sous pression avec utilisation du graphite comme modérateur) et plus récemment l’accident des réacteurs à eau bouillante de Fukushima Daiichi (Japon) en 2011.

Ces accidents, qui ont entraîné la fusion partielle ou totale du cœur du réacteur et qui ont conduit à des rejets radioactifs très importants dans l’environnement pour les deux plus récents (Tchernobyl et Fukushima Daiichi), ont attiré l'attention sur la nécessité de prendre en compte la possibilité d'un accident grave et ses conséquences dès le stade de la conception. C’est ce qui est fait pour les réacteurs dits de 3e Génération (les EPR par exemple). Pour les réacteurs dits de 2e génération (qui constituent le parc nucléaire français actuel), l’accident de Fukushima Daiichi a conduit à la mise en place de systèmes supplémentaires de refroidissement en cas d’urgence.

D'un point de vue général, lorsqu'un accident grave se produit dans un réacteur nucléaire (REP ou REB) dont le caloporteur est l'eau, la puissance résiduelle produite par les produits de fission ne peut plus être évacuée par l’eau du fait d’une brèche par exemple dans le circuit primaire du réacteur. Cela signifie concrètement que le cœur n'est plus refroidi. Les gaines (constituées par un alliage faiblement allié de zirconium, par exemple le Zircaloy-4, utilisé dans les réacteurs du parc français, de composition en masse Zr : 98,23 %, Sn : 1,45 %) dans lesquelles est inséré le combustible (sous forme de pastilles dioxyde d’uranium, UO2 ou de MOX, mélange de dioxyde d’uranium et de plutonium) sont exposées à la vapeur d’eau, qui conduit à une réaction...

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BIBLIOGRAPHIE

  • (1) - HANSEN (M.), ELLIOTT (R.P.), ANDERKO (K.), INSTITUTE (I.R.) -   Constitution of Binary Alloys.  -  McGraw-Hill (1958).

  • (2) - KAUFMAN (L.), BERNSTEIN (H.) -   Computer Calculation of Phase Diagrams with Special Reference to Refractory Metals.  -  Academic Press (1970).

  • (3) - GUÉNEAU (C.), DUPIN (N.), KJELLQVIST (L.), GEIGER (E.), KURATA (M.), GOSSÉ (S.), CORCORAN (E.), et al -   TAF-ID : An international thermodynamic database for nuclear fuels applications.  -  In Calphad – p. 102212 – 10.1016/j.calphad.2020.102212 (2021).

  • (4) - FISCHER (E.) -   NUCLEA Thermodynamic Database for Corium Applications.  -  Institut de Radioprotection et Sûreté Nucléaire, Saint-Paul-lez-Durance, France (2022).

  • (5) - HAYWARD (P.J.), GEORGE (I.M.) -   Determination of the solidus temperatures of Zircaloy-4/oxygen alloys.  -  In Journal of Nuclear Materials – p. 294-301 (1999).

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