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Cet article a pour ambition d’apporter des réponses à des questions que beaucoup se posent aujourd’hui: Pourquoi le prix de l’électricité est-il lié au prix du gaz naturel sur le marché de gros ? Pourquoi le tarif réglementé de vente de l’électricité ne suit-il pas la structure des coûts du mix électrique français ? Pourquoi les fournisseurs alternatifs ne répercutent-ils pas immédiatement la baisse des prix de l’électricité observée début 2023 sur le marché de gros ? Quels sont les projets de réforme du marché de l’électricité actuellement en débat en Europe ? L’article insiste particulièrement sur la formation des prix de l’électricité, les causes de leur envolée et de leur volatilité et sur les débats en cours en Europe concernant les places relatives à donner au marché et à la régulation.
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Jacques PERCEBOIS : Professeur émérite à l’université de Montpellier - Doyen honoraire de la faculté d’Économie - Directeur du Centre de recherche en Économie et Droit de l’Énergie (CREDEN) - (Art-Dev, UMR CNRS 5281), Montpellier, France
INTRODUCTION
L’électricité est à la fois une marchandise et un service public. En tant que marchandise, elle a un prix fixé par le marché et on distingue le marché de gros du marché de détail. Sur le marché de gros, qui est européen du fait des interconnexions transfrontalières, il y a un prix du mégawattheure (MWh) toutes les heures (1 MWh = 103 kWh). Sur le marché de détail les fournisseurs (44 en France début 2023) vendent l’électricité qu’ils produisent eux-mêmes pour certains, qu’ils achètent sur le marché de gros pour la plupart d’entre eux. Ce sont des contrats dits en offre de marché (OM), en général annuels, pluriannuels parfois. Mais il existe aussi des tarifs fixés par les pouvoirs publics pour les petits clients, en général domestiques et parfois professionnels, qui le souhaitent. Ce tarif réglementé de vente (TRV) concerne exclusivement des clients dont la puissance souscrite ne dépasse pas 36 kVA (kW) et il est proposé par l’opérateur historique seul, en pratique EDF et les ELD (entreprises locales de distribution, c’est-à-dire les régies municipales).
Si les activités de production et de fourniture d’électricité sont bien ouvertes à la concurrence (il existe plusieurs producteurs à côté d’EDF, tels Engie ou TotalEnergies, et de nombreux fournisseurs dont la plupart ne sont pas producteurs), ce n’est pas le cas du transport et de la distribution d’électricité qui sont des activités en situation de monopole naturel, ce qui implique que l’accès à ces infrastructures soit réglementé. Un monopole naturel est une activité à forte proportion de coûts fixes dont la duplication engendrerait une concurrence destructrice. On ne conçoit pas de dupliquer un réseau de distribution d’électricité dans une ville, alors qu’un réseau unique permet de bénéficier d’économies d’échelle. Les péages d’accès à ces infrastructures essentielles sont fixés par une commission de régulation indépendante (la CRE, Commission de régulation de l’énergie). En France, c’est RTE qui se charge du transport et Enedis de la distribution (deux filiales d’EDF). En pratique, le prix TTC du kWh est composé de trois éléments qui représentent un tiers chacun environ, mais ces proportions varient selon les années : le coût de fourniture, les péages d’accès aux réseaux et les taxes.
En 2022, les prix de gros de l’électricité ont explosé en Europe, pour l’essentiel à cause de la hausse vertigineuse du prix du gaz naturel, mais pas seulement, et beaucoup d’observateurs ne comprennent pas le lien qui peut exister entre les deux prix alors même que la part du gaz utilisé dans la production d’électricité est en France faible (moins de 10 %). En 2022, la structure de la production d’électricité française était la suivante : nucléaire (62,7 %), hydraulique (11,1 %), éolien et solaire (12,7 %), gaz (9,9 %), charbon, fioul et biomasse (3,6 %). On notera qu’en 2022 la part de l’électricité nucléaire a chuté du fait de l’arrêt d’une partie du parc nucléaire (elle variait entre 69 et 75 % les années précédentes), et pour la première fois depuis 1980 la France est devenue importatrice nette d’électricité.
Cet article a pour ambition d’apporter des réponses à des questions que beaucoup se posent aujourd’hui :
1) Pourquoi le prix de l’électricité est-il lié au prix du gaz naturel sur le marché de gros ?
2) Pourquoi le tarif réglementé de vente de l’électricité ne suit-il pas la structure des coûts du mix électrique français ?
3) Pourquoi les fournisseurs alternatifs ne répercutent-ils pas immédiatement la baisse des prix de l’électricité observée début 2023 sur le marché de gros ?
4) Quels sont les projets de réforme du marché de l’électricité actuellement en débat en Europe ?
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3. Contrats en offre de marché : opter pour un prix fixe ou un prix indexé sur le marché de gros ?
Comme cela a déjà été mentionné les fournisseurs alternatifs proposent trois types de contrats à leurs clients : 1) Des contrats dont le prix est indexé sur le TRV ; cela concerne principalement les petits clients domestiques ; 2) Des contrats à prix fixe (en général sur 1 ou 2 ans) ; cela concerne principalement les petits et moyens professionnels ; 3) Des contrats à prix variable indexé sur le prix de gros. Cela concerne en priorité les gros consommateurs. Il faut mentionner qu’EDF peut également proposer ce type de contrats à ses clients professionnels ou aux clients domestiques qui ont renoncé au TRV.
Lorsque les fournisseurs alternatifs (hormis Engie, TotalEnergies ou les filiales de groupes étrangers comme Iberdrola) ne disposent pas de production en propre, ce qui est souvent le cas pour les petits fournisseurs, ils peuvent se sourcer sur l’ARENH et doivent acheter le complément marché sur le spot. Pour cela, ils se couvrent en achetant à terme l’électricité qu’ils vendront au comptant. Cette couverture à terme les conduit à anticiper ce que sera le prix l’année ou les années suivantes et à procéder à des arbitrages. Les producteurs eux-aussi peuvent négocier des contrats à terme, en vendant l’électricité qu’ils produiront ou en achetant de l’électricité qu’ils ne produiront pas.
Prenons le cas d’un contrat à prix fixe pour l’année 2023, négocié fin 2022 entre un fournisseur et un client ; il s’agit-là d’un exemple fictif qui ne prend pas en compte les coûts de transaction, ni les coûts de réseaux, ni les taxes. Afin de garantir à son client un prix fixe sur toute la durée du contrat, le fournisseur se couvre en achetant à l’avance l’électricité sur les marchés à terme, ce qu’il fera d’ailleurs aussi s’il est producteur d’électricité. C’est cette opération de couverture qui permet de limiter l’exposition au risque de fluctuation des prix sur le marché. Le fournisseur ne réalise en principe pas de gains (ni de pertes) dans l’opération s’il s’est correctement couvert, même si dans la pratique la couverture n’est jamais parfaite. En cas de hausse des prix sur le marché, le consommateur est gagnant car il bénéficie alors d’un prix plus faible que celui des nouveaux contrats. Le raisonnement est évidemment symétrique à la baisse, le consommateur payant dans ce...
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BIBLIOGRAPHIE
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(1) - EUROPEAN COMMISSION - * - . – Proposal for Regulation to improve the Union’s electricity market (2023).
-
(2) - HEUSSAFF (C.), TAGLIAPIETRA (S.), ZACHMANN (C.), ZETTELMEYER (J.) - An assessment of Europe’s options to reduce energy prices. - Policy Contribution, Bruegel (2022).
-
(3) - HANSEN (J.P.), PERCEBOIS (J.) - Énergie : économie et politiques. - 3e édition, Ed. de Boeck (2019).
-
(4) - PERCEBOIS (J.), POMMERET (S.) - Efficiency and dependence in the European electricity transition. - Energy Policy 154, p. 112300. https://doi.org/10.1016/j.enpol.2021.112300 (2021).
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(5) - PERCEBOIS (J.), POMMERET (S.) - Marché de l’électricité : comment faire face aux épisodes de prix extrêmes ? - Revue de l’Énergie, n° 662 (2022).
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