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RÉSUMÉ
Les biofilms bactériens, définis comme des consortia de micro-organismes autoassemblés localisés à une interphase, sont omniprésents. Impliqués dans de nombreuses infections cliniques mais aussi dans de nombreux désordres sanitaires et industriels, leur éradication constitue un véritable challenge pour l’industrie des matériaux, des peintures mais aussi pharmaceutique. Cet article rappelle les principaux domaines dans lesquels les biofilms posent question, les mécanismes physico-chimiques et biologiques impliqués dans leur formation, ainsi que les stratégies de lutte, comme l’élaboration de surfaces antiadhésives ou biocides et la recherche de molécules dites "antibiofilms".
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Bacterial biofilms, defined as consortia of self-assembled microorganisms located at an interphase, are omnipresent. Involved in many clinical infections but also in some sanitary and industrial disorders, their eradication remains a real challenge not only for the materials and paints sector, but also for the pharmaceutical industry. This article reviews the main domains in which biofilms are an issue, the physical, chemical and biological mechanisms involved in their formation, and the counteraction strategies, in particular the design of antiadhesive or biocidal surfaces, and research into antibiofilm agents.
Auteur(s)
-
Thierry JOUENNE : Directeur de recherche au CNRS FRE CNRS 3101 (Rouen)
INTRODUCTION
La notion et la tradition des cultures en milieu liquide (aujourd'hui appelées planctoniques) ont constitué les fondements de la microbiologie pendant plus de 60 ans.
Naissance de la microbiologie
C'est avec minutie qu'Anton van Leeuwenhoek (1632-1723), un horloger hollandais amateur de microscopie, s'attachait à décrire les « animalcules » qu'il observait à l'aide de microscopes qu'il construisait lui-même. C'est avec l'un de ces microscopes qu'il décrivit en 1863 les différentes morphologies bactériennes connues à ce jour. C'est lui aussi qui observa pour la première fois, sur des surfaces dentaires, ce que nous appelons aujourd'hui des biofilms.
Longtemps, ces êtres microscopiques ont été supposés naître de la matière non vivante grâce à une « force vitale ». Cette théorie de la génération spontanée perdura jusqu'en 1861 lorsque Louis Pasteur (1822-1895) démontra que les contaminations observées dans les bouillons nutritifs étaient dues à des micro-organismes présents dans l'air ambiant. L'implication de ces micro-organismes dans les maladies, bien que supposée un siècle avant JC, ne fut démontrée qu'en 1835 par Agostino Bassi (1773-1856) lorsqu'il découvrit que la muscardine, maladie du ver à soie, était causée par un champignon qu'il nomma Botrytis paradoxa (aujourd'hui Beauveria bassiana). Dès lors, on oublia les miasmes et autres déséquilibres des quatre humeurs corporelles et la microbiologie prit son envol.
En 1876, le médecin allemand Robert Koch (1843-1910) publia ses travaux sur Bacillus anthracis et développa les « postulats de Koch ». Le deuxième de ces quatre postulats implique l'isolement du micro-organisme et la notion de culture pure.
Mais ce sont les travaux de Claude E. Zobell (1904-1989) qui ont ouvert une nouvelle ère dans le domaine de la microbiologie. Dès 1936, ce chercheur (considéré comme le père de la microbiologie marine) démontra que les surfaces solides sont bénéfiques au développement des bactéries lors de leur conservation dans un milieu nutritif dilué. En 1943, il montra que de très faibles quantités de nutriments organiques s'adsorbent sur le verre et que cette concentration de matière organique favorise la formation de « biofilms » sur les surfaces [1].
Les biofilms
La mise en évidence de ces biofilms est longtemps restée anecdotique, en partie parce que les méthodes d'observation n'étaient pas suffisamment performantes. Il fallut attendre la microscopie électronique et les travaux de Jones et col. [2] pour mettre en évidence que ces biofilms sont composés d'une très grande variété d'organismes [2]. C'est sous l'impulsion de W.G. Characklis (décédé en 1992) puis de J.W. Costerton (actuellement directeur du Centre sur les biofilms à la Faculté dentaire de Californie du Sud) que l'étude des biofilms a pris véritablement son essor. Dès 1973, Characklis mit en évidence que des slimes microbiens provenant de circuits d'eaux industrielles étaient hautement résistants aux désinfectants et, en particulier, au chlore [3]. En 1978, Costerton et col. proposèrent les premières hypothèses sur les mécanismes impliqués dans l'adhésion des micro-organismes [4]. Depuis, un nombre croissant d'études ont été consacrées aux biofilms, aussi bien dans le domaine industriel et environnement que dans le domaine médical, comme le montre la figure 1.
MOTS-CLÉS
KEYWORDS
resistance | adhesion | bacteria | fouling
VERSIONS
- Version archivée 2 de nov. 2016 par Thierry JOUENNE
- Version courante de août 2019 par Thierry JOUENNE
DOI (Digital Object Identifier)
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1. Qu'est-ce qu'un biofilm ?
Étymologiquement, le mot vient du grec « bios », la vie, et de l'anglais « film » qui signifie pellicule. Un biofilm est donc, étymologiquement parlant, « une pellicule de vie ». Dans la littérature scientifique, on trouve de nombreuses définitions, plus ou moins semblables. Le plus souvent, on définit un biofilm bactérien comme un ensemble de microcolonies bactériennes engluées dans leurs propres exopolymères (EPS pour ExtraPolymeric Substances ) et adhérant à une surface inerte ou vivante. Ces EPS renferment majoritairement des polysaccharides complexes macromoléculaires et, en moindre mesure, des protéines, d'autres hydrates de carbone comme par exemple l'acide uronique, ainsi que de petites quantités de lipides et d'acides nucléiques [5]. L'unité structurale du biofilm est la microcolonie (petit amas de cellules bactériennes identiques) [6]. La composante bactérienne représente 10 à 25 % du biofilm, les 75 à 90 % restants étant principalement composés par la gangue polymère. Les bactéries au sein de la microcolonie sont caractérisées par l'absence de mouvements browniens. Un biofilm peut être constitué d'une seule espèce bactérienne mais, le plus souvent, plusieurs voire un grand nombre d'espèces coexistent au sein de la structure. Le biofilm est parcouru par une multitude de pores et canaux aqueux qui constituent un système circulatoire primaire, assurant ainsi l'acheminement des nutriments jusqu'aux bactéries et l'évacuation des produits de dégradation. Au sein des biofilms, des gradients très marqués apparaissent. Ces gradients d'oxygène, de substrats, de pH ou autre, conduisent au développement et à la juxtaposition de communautés bactériennes clairement délimitées et différentes sur le plan physiologique, induisant des processus biologiques et physico-chimiques multiples et une complexité structurelle. Outre les bactéries, les champignons (Candida albicans, par exemple), les microalgues et certains protozoaires sont capables de former des biofilms.
1.1 Où trouve-t-on les biofilms ?
Dans...
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BIBLIOGRAPHIE
-
(1) - ZOBELL (C.E.) - The effect of solid surfaces upon bacterial activity. - Journal of Bacteriology, 46, p. 39-56 (1943).
-
(2) - JONES (H.C.), ROTH (I.L.), SAUNDERS (W.M III.) - Electron microscopic study of a slime layer. - Journal of Bacteriology, 99, p. 316-25 (1969).
-
(3) - CHARACKLIS (W.G.) - Attached microbial growths-II. Frictional resistance due to microbial slimes. - Water Research, 7, p. 1249-58 (1973).
-
(4) - COSTERTON (JW), GEESEY (G.G.), CHENG (K.-J.) - How bacteria stick. - Scientific American, 238, p. 86-95 (1978).
-
(5) - BRANDA (S.S.), VIK (A.), FRIEDMAN (L.), KOLTER (R.) - Biofilms : The matrix revisited. - Trends in Microbiology, 13, p. 20-6 (2005).
-
(6) - COSTERTON (J.W.) - Introduction to biofilm. - International Journal of Antimicrobial Agents, 11, p. 217-21 (1999).
- ...
COQUET (L.) - Survie de Yersinia ruckeri dans les bassins piscicoles sous la forme de biofilm. Incidence de l'adhésion sur le protéome bactérien. - Thèse de l'université de Rouen, 9 juil. 2002.
VILAIN (S.) - Comparaison des protéomes de la bactérie Pseudomonas aeruginosa cultivée en suspension et en biofilms. - Thèse de l'université de Rouen, 20 oct. 2003.
STEYN (B.) - Proteomic analysis of the biofilm and biofilm-associated phenotypes of Pseudomonas aeruginosa cultured in batch. - PhD thesis, University of Pretoria, South Africa (2005).
KEBIR (N.) - Élaboration de nouveaux polyuréthanes à partir de cis-1,4-oligoisoprènes hétérocarbonyltéléchéliques issus de la dégradation contrôlée du cis-1,4-polyisoprène de haute masse. Étude de leurs propriétés mécaniques, thermiques et biocides. - Thèse de l'université du Maine (2006).
LEROY (C.) - Lutte contre les salissures marines : approche par procédés enzymatiques. - Thèse de l'Institut national des sciences appliquées de Toulouse, 2 fév. 2006.
PINEAU (S.) - Interactions entre les communautés bactériennes et les processus de corrosion accélérée des structures métalliques en environnement marin. - Thèse de l'université de Compiègne (2006).
SEYER (D.) - Influence de l'adhésion sur le sous-protéome membranaire de Pseudomonas aeruginosa. - Thèse de l'université de Rouen (2006).
COLLET (S.) - Rôle du gène rpoS sur le protéome d'Escherichia coli cultivée sous la forme...
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