Nombreux sont les opérateurs et les industriels à rêver d’une révision de la réglementation établie par la DGAC (Direction générale de l’aviation civile), afin de faire voler leurs drones sur de plus longues distances, si possible hors-vue (hors de la vue du télépilote), avec des charges plus lourdes.
La France fait partie des 63 pays ayant déjà adopté une réglementation sur les drones, et fait figure de pionnière en la matière. Aujourd’hui, l’on dénombre dans l’hexagone quelque 2300 opérateurs, pour 4200 drones professionnels. A des fins de sécurité, une réglementation a été mise en place en 2012. “Elle instaurait une certaine lourdeur administrative, car il fallait déclarer les vols de drones aux aéroports, à la DGAC et aux entités de la défense. C’était très lourd”, se souvient François Legrand, chargé de la réglementation aérienne pour Airinov, premier opérateur français des drones agricoles.
Des scénarios de vol favorables aux drones agricoles
Plusieurs arrêtés ont considérablement allégé ces “lourdeurs” en 2015 et 2016. Désormais, les drones civils professionnels sont identifiés et leur utilisation est distinguée de celles des drones de loisirs. “Les procédures auprès des préfectures ont été simplifiées, et les délais des demandes d’autorisations de vols ont été raccourcis”, précise Stéphane Morelli, président de la Fédération professionnelle du drone civil (FPDC).
En zones non peuplées (scénario de vol S1), il est désormais possible de voler de nuit, avec un plafond de vol limité à 200 mètres d’éloignement du pilote, au lieu de 100 mètres avant 2016. Le vol peut être hors-vue : il s’agit du scénario de vol S2, dans lequel le drone peut évoluer dans un rayon de 1 kilomètre autour du télépilote, à une altitude inférieure à 150 mètres. “Dans le cas des drones agricoles, c’est amplement suffisant pour couvrir les parcelles d’exploitations allant de 30 à 40 hectares. La réglementation est donc favorable aux drones pour l’agriculture”, indique François Legrand.
Un usage des drones professionnels en ville limité
En revanche, les vols S3, qui concernent le survol (à vue) de zones de population, restent très contrôlés, pour des raisons de sécurité. Comme en 2012, les drones ne peuvent s’éloigner plus de 100 mètres du télépilote. Il faut aussi faire une déclaration à la préfecture afin d’obtenir une autorisation, et déclarer les plans de vol à la DGAC. Dans le cas des drones agricoles, amenés parfois à survoler des villages ou des champs situés à côté d’aéroports ou d’aérodromes ( la réglementation interdit de survoler et de voler à proximité de ces lieux), les opérateurs passent des accords avec les aéroports et les aérodromes,. “Autrefois, il fallait passer par la préfecture ou la DGAC lorsqu’il s’agissait de voler au dessus d’exploitations agricoles proches de ces ‘no fly zones’ : désormais, c’est beaucoup plus simple”, précise le chargé de la réglementation d’Airinov.
Dans le cas des vols de drones professionnels utilisés pleinement en ville, par exemple dans le secteur (porteur) du bâtiment, “la réglementation reste très contraignante et limite clairement leur usage, quand ces appareils gagnent chaque année en durée de vol, en précision et en fiabilité”, regrette Rodolphe Jobard, directeur de l’opérateur Dronea, spécialisé dans le BTP. En ville, il réalise des cartographies, des modélisations et des inspections thermiques de bâtiments. “Mais la réglementation confine les drones sur des distances bien trop courtes. On peut monter à la verticale, prendre des photos et redescendre, mais si l’on veut faire de la photogrammétrie, il faut survoler ce que l’on veut scanner, et l’interdiction de survol de personnes et la limitation de distance à 100 mètres du pilote rendent cela très difficile”, ajoute-t-il. Résultat : “certaines entreprises trichent et volent plus loin que permis, pour distancer la concurrence, il ne faut pas le cacher”.
Rodolphe Jobard ne cache pas sa déception, car pour lui, c’est dans le survol des chantiers et des bâtiments en ville que le potentiel économique des drones est le plus grand. “Mais si vous voulez scanner une ville entière, afin de repérer les bâtiments mal isolés, vous ne pourrez pas parce que cela sera légalement impossible avec des drones. Survoler de grandes étendues reste l’apanage des avions, qui peuvent voler et scanner des dizaines de km2”, note-t-il.
Le hors-vue en zones non-peuplées encore trop restreint ?
Dans le cas du survol de lignes électriques, le hors-vue n’est pas permis. Ce qui n’est pas le cas pour l’inspection des gazoducs, ou des voies ferrées, la SNCF et GRTgaz pouvant utiliser des drones certifiés S4. Ce scénario de vol concerne les vols longue distance, dans des zones non peuplées, qui peuvent se dérouler sans pilotes. “Mais même là, les drones ne peuvent pas voler plus loin que 1 kilomètre, alors qu’il s’agit de centaines de kilomètres d’installations. Résultat, il faut morceler son vol en plusieurs étapes… C’est la raison pour laquelle les drones ont encore du mal à s’imposer face aux hélicoptères pilotés par des humains, qui peuvent voler sur des centaines de kilomètres en une journée. Économiquement, ce n’est pas encore très rentable…”, estime Rodolphe Jobard.
Prendre exemple sur la simplification américaine
En attendant une révision de la réglementation, et pourquoi pas une harmonisation européenne des réglementations, les USA ont adopté durant l’été 2016, des règles qui encadrent l’utilisation des drones civils commerciaux. “De quoi faire exploser le marché américain qui devrait très vite se hisser au premier rang mondial”, selon Emmanuel de Maistre, co-fondateur de l’opérateur Redbird.
Parmi les mesures phares de la Federal Aviation Association (FAA) : la simplification des procédures à suivre pour faire voler un drone dans le cadre d’une activité commerciale, et la réduction des délais d’attente (qui pouvaient atteindre jusqu’à 6 mois auparavant) pour recevoir les autorisations de vol correspondantes. Selon Emmanuel de Maistre, la France, qui reste en “tête de file du secteur” des drones civils, risque de perdre du terrain si sa réglementation n’évolue pas et ne prend pas exemple sur la simplification américaine.
Pour le fondateur de Redbird, “des flous subsistent sur la définition des zones peuplées”, et le scénario S4 “n’est pas significativement modifié, alors qu’il représente une opportunité économique majeure” – en particulier pour les secteurs de la construction, des mines et des carrières.
Par Fabien Soyez
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