Article de référence | Réf : AG126 v1

Implications écologiques des activités numériques
Le numérique face à ses responsabilités planétaires - Un état des lieux

Auteur(s) : Fabrice FLIPO, Jacques COMBAZ

Date de publication : 10 août 2024

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RÉSUMÉ

Cet article se propose de cadrer le problème du déploiement des technologies numériques et de leurs usages, dans leur rapport à leurs implications écologiques. Il montre que le secteur pose et posera toujours plus de choix difficiles, en raison d’une trajectoire peu compatible avec l’objectif de zéro émissions net fixé tant au niveau français qu’européen, et d’une production de déchets mal maîtrisée. Il indique les principales réglementations en vigueur et leurs limites. Il conclut à la nécessité d’une sobriété numérique.

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ABSTRACT

Digital technologies and their global responsibilities - An assessment

In this article we propose to frame the issue of expansion of digital technologies and their applications with respect to their ecological implications. We show that this sector is facing critical choices, being on a trajectory hardly compatible with net zero emissions targets set at both French and European levels, and a source of mismanaged wastes. We point the main relevant regulations and their limitations. We conclude that following a “digital sufficiency” is necessary.

Auteur(s)

  • Fabrice FLIPO : Ingénieur, Professeur de philosophie des techniques - LCSP/Université de Paris, Institut Mines-Télécom, Evry

  • Jacques COMBAZ : Ingénieur de recherche en informatique - Université Grenoble Alpes, CNRS, Grenoble INP, VERIMAG, Grenoble

INTRODUCTION

Les technologies numériques sont désormais omniprésentes, comme l’illustre le fait que le syndicat français du secteur, Numéum, regroupe des entreprises travaillant dans la quasi-totalité des secteurs économiques. Mais quelles sont les implications écologiques d’une telle activité ? Cet article organisé en cinq parties tente d’éclairer cette problématique. La première partie rappelle ce qu’est le numérique et de quelles dynamiques il émerge. Le numérique désigne la machine dite « de Von Neumann » mise au point dans les années 1940, composée d’un processeur, d’une mémoire et d’une interface. Elle accomplit principalement deux fonctions : informer et commander. Elle transforme donc tant les espaces publics (de toutes tailles) que la commande des machines et les chaînes logistiques. La seconde partie documente les principales implications écologiques de cette évolution. Le secteur numérique consomme de la matière et de l’énergie en quantités croissantes. Sans décision politique, ses émissions de gaz à effet de serre (GES) pourraient doubler ou tripler d’ici 2050. Que faire ? Le débat s’organise généralement selon trois axes : verdir le numérique (« green IT »), utiliser le numérique pour verdir les autres secteurs (« IT for green ») et faire preuve de sobriété. La troisième partie situe donc les trois grandes réponses réglementaires, qui visent à rendre le numérique plus « vert » : l’efficacité énergétique, l’économie circulaire cherchant à récupérer la matière, et l’élimination des substances toxiques. Il s’avère qu’elles ne contraignent pas l’expansion du numérique. La quatrième partie s’intéresse aux implications indirectes. Facilitent-elles vraiment le « verdissement » des autres secteurs ? Rien n’indique qu’une telle dynamique soit à l’œuvre, au contraire : le numérique permet la croissance économique qui accroît à son tour les implications écologiques, notamment de GES. Les raisonnements qui soutiennent l’inverse (notamment issus des industries) sont défaillants sur un point clé : la dynamique des usages. Ils imaginent des trajectoires qui rompraient avec les tendances historiques, sans expliquer comment une telle bifurcation se produirait, ni sous l’effet de quel type de réorientation des investissements industriels. L’incohérence est patente. Cette partie clarifie le concept « d’effet rebond », souvent employé dans ce débat. Il désigne les cas dans lesquels des gains locaux en efficacité sont tout ou en partie compensés par des implications indirectes des politiques qui sont menées. La dernière partie s’intéresse aux perspectives d’avenir, c’est-à-dire aux principaux scénarios qui ont été élaborés pour anticiper les trajectoires possibles. La conclusion générale est que la dynamique actuelle de déploiement du numérique à l’échelle globale comme à l’échelle nationale complique sérieusement tant l’atteinte des objectifs de réduction des GES dans le cadre de l’Accord de Paris que la transition écologique et sociale.

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KEYWORDS

GreenIT   |   digital   |   ecology   |   sufficiency

DOI (Digital Object Identifier)

https://doi.org/10.51257/a-v1-ag126

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2. Implications écologiques des activités numériques

Le numérique peut être caractérisé par trois opérations principales, dérivées des théories classiques de la communication : la production d’informations (processeurs), leur transmission (réseau), la réception et le stockage (disques durs, mémoire physique). On distingue généralement trois grandes classes de matériel assurant ces opérations : les terminaux utilisateurs (ordinateurs, téléphones, écrans, etc.), les réseaux, et les centres de données qui hébergent des serveurs et des données. On peut décomposer le cycle de vie de ce matériel en une phase de fabrication (incluant la production des matières premières), une phase de transport, une phase d’usage notamment consommatrice d’électricité, et une phase de fin de vie.

L’évolution du numérique depuis les années 1940 présente quelques grandes tendances : miniaturisation, croissance très forte du nombre d’éléments utilisés (aujourd’hui plus de 70 éléments ), diffusion du numérique dans tous les secteurs économiques et dans les modes de vie, mobilité (nomadisme), gains spectaculaires en termes d’efficacité énergétique . L’ENIAC consommait 150 kW pour environ 500 flops (opérations flottantes par seconde), soit environ 3,3...

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BIBLIOGRAPHIE

  • (1) - BRETON (P.) -   Une histoire de l’informatique.  -  Paris, Points (1990).

  • (2) - AGHION (P.), ANTONIN (C.), BUNEL (S.) -   Le pouvoir de la destruction créatrice.  -  Paris, Odile Jacob (2020).

  • (3) - COMMISSION DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE -   IA : notre ambition pour la France  -  (2024). https://www.gouvernement.fr/actualite/25-recommandations-pour-lia-en-france

  • (4) - WIENER (N.) -   La cybernétique. Information et régulation dans le vivant et la machine (1947).  -  Paris, Seuil (2014).

  • (5) - FLIPO (F.) -   L’impératif de la sobriété numérique.  -  Paris, Editions Matériologiques. (2020).

  • (6) - KLEINROCK (L.) -   Information flow in large communication nets.  -  Proposal...

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