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Robert BOTET : Chargé de recherche au CNRS, UMR 8502 - Laboratoire de physique des solides d’Orsay
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Lire l’articleINTRODUCTION
Dans un livre célèbre, B. Mandelbrot introduisait, en 1975, les fractales dans notre vision du monde. La diffusion de ce concept a suivi des trajets aussi étranges que les objets eux-mêmes. Parti d'une notion mathématique, ce concept s'est répandu lentement dans les diverses branches des Sciences. Non qu'on ne reconnût pas bientôt ces objets en Physique ou en Biologie, mais une connotation métaphysique a rendu cette idée suspecte aux yeux de nombreux scientifiques. C'est une histoire qui s'est pourtant déjà déroulée dans d'autres circonstances, et pour d'autres objets. Il y a maintenant si longtemps que nous l'avons presque oubliée : les sceptiques grecs niaient l'utilité de la Géométrie euclidienne, car cette science était basée, selon eux, sur des concepts abstraits et inimaginables. « La ligne droite est inconcevable » écrivait Sextus Empiricus, et il argumentait cette assertion par l'impossibilité de représenter – et même, de se représenter mentalement – un tel objet infini et d'épaisseur nulle. Pour les fractales, nous sommes confrontés à des vertiges similaires. On y trouve une nouvelle sorte d'infini, qui fut rapidement récupéré par notre inconscient collectif ; je ne parlerai même pas de l'introduction des fractales dans l'art, qui a permis une focalisation supplémentaire du grand public sur cette notion. On commence à deviner ici quel effort doit faire le scientifique pour s'affranchir d'un tel poids métaphysique et rester à un niveau pragmatique. Et l'on excusera ceux qui ont été tentés de dire un jour avec un certain dédain : « les gens voient maintenant des fractales partout ! ». Même si ce genre de réflexion a freiné la diffusion d'une idée qui se révèle pourtant chaque jour plus féconde.
Alors, doit-on voir des fractales partout ou doit-on nier leur existence réelle ? Heureusement, il existe une « voie du milieu »: les fractales réelles existent dans un certain domaine de longueurs. En deçà de ces limites, nous voyons un objet fractal et les propriétés physiques reflètent fidèlement la fractalité de la structure. Au-delà, l'objet redevient commun. C'est cette approche, résolument orientée Physique, que nous allons voir dans cet article, sur des exemples réels, et le lecteur sera donc exempté de cet exercice mental éprouvant : essayer d'imaginer ces objets qui, comme la ligne droite, doivent en principe être matériels et structurés, bien que de volume exactement nul...
Le parti pris volontaire de cet article est donc limité aux objets fractals volumiques étudiés en Physique. On y parlera volontiers d'agrégats, qu'il faut entendre dans le sens général d'objets fabriqués à partir d'entités microsco-piques (les particules). Cela signifie que, pour des raisons d'homogénéité d'écriture, sera exclue de cette étude la description des surfaces et des lignes fractales, bien qu'elles aient, bien sûr, en principe droit de cité en Physique. Il faut bien se rendre compte qu'il existe des livres entiers dédiés à la simple géométrie des fractales et que, pour rentrer un peu dans les détails, nous sommes obligés de restreindre ici le nombre d'exemples. Même si l'on ne parle pas de lignes fractales, les idées fondamentales, et les outils d'étude, restent globalement similaires pour ces objets.
La notion de fractalité est, à la base, géométrique. Nous nous contenterons ici d'une telle description de la morphologie de ces objets, les propriétés physiques de ces fractales sortant du cadre d'un article aussi court. Nous suivrons ainsi ce qu'a été plus ou moins l'approche historique des fractales en Physique. Pendant longtemps, on n'a reconnu en effet ces objets que par leurs structures particulières. Il faut dire que, très souvent, on les connaissait depuis longtemps, mais, par manque d'approche théorique permettant de les caractériser quantitativement, ils étaient relégués au rang d'objets sans intérêt. Tel a été le rôle discret des poussières, fumées et autres boues, autant de matériaux qui ne commencent que maintenant à acquérir leur statut d'objets intéressants. Faciles à visualiser, ils furent des candidats de choix pour tester les hypothèses fractales de leur morphologie, et ils n'ont pas déçu.
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7. Conclusion
Dans ce bref exposé sur les fractales en Physique, nous venons de voir le rôle particulier joué par les agrégats fractals. Non qu'il n'existe pas d'autres sortes de fractales (en turbulence ou dans l'analyse des fluctuations, par exemple), mais ceux-ci sont tout de même représentatifs d'une large palette de phénomènes physiques. De plus, ils ont une particularité très importante de « simplicité », quant à leurs propriétés physiques. Bien que cela dépasse un peu le cadre de cet article, disons que, souvent, les propriétés physiques des agrégats de particules peuvent se déduire des propriétés d'une particule et de la manière (fractale) dont ces particules sont réparties à l'intérieur de l'agrégat. Cette étude en deux temps simplifie grandement le problème, par rapport aux difficultés attendues pour les autres objets désordonnés.
Donnons une illustration : on sait résoudre exactement le problème de la diffusion de lumière par ces agrégats, alors qu'on ne connaît pas la solution du problème similaire pour le cube.
D'ailleurs, nous pouvons élargir un peu cette idée. Le concept de dimension fractale géométrique a été naturellement une grande avancée pour l'étude de ces objets si particuliers, mais il ne faut pas oublier qu'elle n'est pas suffisante pour reconstruire toute la structure de la fractale. Sans même aller dans les multifractales, on conçoit bien que la connectivité, par exemple, n'est pas prise en compte, alors qu'elle peut être fondamentale dans certaines propriétés physiques, comme les conductivités électrique ou thermique. Plus généralement, on s'attend à ce que les propriétés physiques puissent dépendre d'autres exposants fractals que la dimension fractale géométrique. Nous en connaissons d'autres (en Optique, par exemple, ou dans l'analyse des vibrations des fractales), et il faut garder en tête qu'une dimension fractale ne peut pas caractériser entièrement de tels objets.
La critique régulièrement formulée : « maintenant, on voit des fractales partout ! » a tendance à disparaître, parce qu'on s'est rendu compte que la description en termes de morphologie fractale d'objets très irréguliers – quand celle-ci est fondée – permet de mettre en évidence des matériaux aux propriétés très particulières, souvent étonnantes, du moins dans un certain domaine de longueurs. Peu importe si ce domaine est...
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BIBLIOGRAPHIE
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(1) - MANDELBROT (B.) - Les objets fractals, forme, hasard et dimension. - 1975, Flammarion, Paris.
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(2) - MANDELBROT (B.) - The Fractal Geometry of Nature. - 1982, Freemann.
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(3) - VICSEK (T.) - Fractal Models for Diffusion-Controlled Aggregation. - J. Phys. A, 16 : L647-L650, 1983.
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(4) - FOURNIER D’ALBE (E.) - Two New Worlds, I - The Infra-World, II - The Supra-World. - 1907, Longmans Green, London.
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(5) - JONES (H.) - Fractals before Mandelbrot - A Selective History. - Fractals and Chaos, 1 / 7-34, 1991.
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(6) - BÉLAIR (J.), DUBUC (S.) - Fractal Geometry and Analysis. - 1991, Kluwer Academic.
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