Présentation
En anglaisAuteur(s)
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Patrick TROCELLIER : Docteur d’État, Ingénieur CEA Laboratoire Pierre Süe, CE Saclay
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Philippe TROUSLARD : Ingénieur CEA Institut national des sciences et techniques nucléaires, CE Saclay
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Lire l’articleINTRODUCTION
Quelle que soit son origine, un solide minéral ou organique subit différentes transformations ou contraintes tout au long de son histoire. Depuis leur synthèse et jusqu’à leur éventuelle disparition, les matériaux naturels comme les minéraux, les roches, les molécules organiques et les édifices biologiques contenus dans les êtres vivants mais aussi les matériaux élaborés par l’homme comme les métaux, les alliages, les semiconducteurs, les céramiques ou les polymères voient leur composition chimique se modifier. Ces modifications de composition peuvent être seulement superficielles ou bien concerner une épaisseur de matière importante.
La répartition spatiale d’un ou plusieurs constituants du solide considéré peut avoir été altérée, des éléments nouveaux, absents du matériau au départ, peuvent y avoir été incorporés. La connaissance de la composition initiale du matériau et de son évolution en fonction des paramètres clés des transformations et des contraintes subies constitue un ensemble d’informations déterminant pour la compréhension des phénomènes physico-chimiques majeurs susceptibles de se manifester lors de son élaboration, lors de son utilisation propre ou bien lors de son vieillissement naturel. De nombreuses disciplines scientifiques sont ainsi concernées : sciences des matériaux, sciences de la terre et de l’univers, sciences de la vie (biologie, médecine, botanique), sciences de l’environnement, sciences humaines (archéologie, œuvres d’art), etc. Bien sûr, la mesure de la composition seule n’est pas en mesure en général de résoudre complètement le problème posé, des données complémentaires sur la morphologie et la structure du matériau ainsi que sur l’environnement chimique de ses constituants se révèlent souvent nécessaires.
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De nombreuses méthodes d’analyse élémentaire, destructives ou non, se sont développées en permettant l’accès à la composition moyenne pour une quantité de matière comprise entre le milligramme et le gramme, à la composition superficielle, à des teneurs locales dans un volume de matière de quelques µm3 ou à des profils de concentration en fonction de la profondeur. Parmi elles, les techniques d’analyse par faisceau d’ions, en anglais Ion Beam Analysis (IBA) Methods, ont depuis le début des années 1960 pris un essor important à cause de leur souplesse analytique, de leur sensibilité intrinsèque et de leur relative indépendance vis-à-vis de l’environnement chimique de l’élément ou des éléments à caractériser. Au début des années 1970, la naissance de la microanalyse par faisceaux d’ions, où le faisceau incident de quelques mm2 était remplacé par un faisceau focalisé à quelques µm2 que l’on pouvait automatiquement déplacer à la surface de l’échantillon, a renforcé l’intérêt de ces techniques pour les techniciens, les ingénieurs et les chercheurs, toutes disciplines confondues. En effet, le balayage rapide (kHz) à la surface de la cible autorise la construction d’images élémentaires de distribution 2D voire 3D par combinaison avec un découpage en énergie des signaux détectés.
Les problèmes majeurs à résoudre pour un analyste résident le plus souvent dans la complexité du matériau étudié (présence simultanée d’éléments de masse légère, moyenne ou lourde de la classification périodique avec des propriétés physiques et chimiques fort différentes), dans le niveau de performance à atteindre (analyse qualitative, analyse quantitative relative ou absolue, sensibilité maximale, discrimination selon la profondeur) ainsi que dans le caractère souvent unique ou précieux de l’échantillon examiné (caractérisation préalable à une expérience destinée à tester le comportement du matériau dans des conditions précises, objet issu d’une collection de musée). Les méthodes basées sur l’emploi des faisceaux d’ions offrent la possibilité de suivre le comportement des éléments légers voire de leurs isotopes parallèlement à celui des éléments plus lourds grâce au couplage des différents modes spectroscopiques disponibles.
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Accélérés entre 100 kV et 4 MV au moyen d’un accélérateur électrostatique de type Van de Graaff, les ions positifs légers de masse comprise entre 1 et 4 (protons, deutérons, hélions-3 et hélions-4) sont susceptibles de sonder la matière grâce aux interactions qu’ils engendrent avec les atomes rencontrés sur leur parcours. La majeure partie de ces interactions se traduit par des collisions avec les électrons des cortèges et se solde par des excitations et des ionisations. Le retour à la situation initiale s’accompagne de l’émission d’électrons secondaires et de photons X. La détection de ces derniers sert de support à la technique baptisée PIXE (Particle Induced X-ray Emission) [1] [2]. Quelquefois cependant, la répulsion coulombienne entre le noyau du projectile et les noyaux des atomes cibles peut être en partie vaincue et des interactions nucléaires ont alors lieu. Elles peuvent prendre la forme d’une simple diffusion élastique de l’ion incident accompagnée d’un recul simultané du noyau cible. Ainsi naissent les méthodes s’appuyant sur les collisions élastiques appelées RBS (Rutherford Backscattering Spectrometry) pour des angles supérieurs à 90˚, FSS (Forward Scattering Spectrometry) vers l’avant et ERDA (Elastic Recoil Detection Analysis) [3] [4] [5]. On peut assister plus rarement à la capture partielle ou totale du projectile par un noyau cible. Un tel événement bouscule l’arrangement des nucléons et conduit à l’émission de particules (protons, neutrons ou particules alpha) et de photons gamma de désexcitation. Deux autres techniques sont alors disponibles, l’observation directe de réactions nucléaires ou NRA (Nuclear Reaction Analysis) et l’émission gamma induite ou PIGE (Particle Induced Gamma-ray Emission) [6] [7] [8] [9] [10].
Pour résoudre un problème analytique donné, les méthodes d’analyse par faisceaux d’ions offrent en mode millifaisceau tout comme en mode microfaisceau des possibilités tout à fait remarquables. Ceci leur confère une place à part entière parmi les outils de caractérisation globale ou de microanalyse des matériaux à la disposition de l’ingénieur ou du chercheur. De nombreuses analogies existent avec les techniques basées sur l’exploitation des interactions entre un solide et un faisceau de photons (fluorescence X par exemple), d’électrons (émission X induite et cartographie élémentaire) ou d’ions de basse énergie (profils en profondeur). Les performances autorisées et la gamme d’éléments analysables se complètent utilement.
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Cependant, quelques spécificités qui constituent finalement les principaux atouts de la spectrométrie de collisions élastiques et de l’observation directe de réactions nucléaires méritent d’être relevées :
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le caractère multiélémentaire ;
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la spécificité vis-à-vis des éléments légers voire de leurs isotopes, de Z = 1 jusqu’à Z = 17 ;
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la dépendance de l’information détectée avec la profondeur où s’est produite l’interaction ;
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le couplage possible de plusieurs modes de détection ;
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la large gamme de profondeur analysable, de quelques nanomètres à plusieurs dizaines de micromètres ;
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la possibilité de profiler un élément sous la surface d’un échantillon avec une résolution en profondeur performante, de quelques dizaines de nanomètres à quelques dixièmes de micromètre ;
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la possibilité d’analyser la composition d’un objet enterré sous la surface d’un matériau hôte sans être gêné par le signal de ce milieu hôte, en exploitant en particulier le phénomène de résonance ;
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la sensibilité à l’existence de couches superficielles superposées ;
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la possibilité de réaliser des analyses quantitatives à l’air ou sous atmosphère contrôlée grâce à un dispositif d’extraction du faisceau ;
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la possibilité de réaliser des analyses quantitatives absolues sans étalon, moyennant la connaissance parfaite de la géométrie de détection et l’utilisation de codes de calcul du type « reconstitution-itération ».
Certaines limitations doivent cependant être signalées comme :
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l’absence d’information de nature chimique ;
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l’absence d’information à caractère structural, mis à part le cas de la canalisation d’ions qui sera abordé au paragraphe 2.4 ;
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le caractère endommageant de l’analyse localisée à l’échelle du µm3 avec un faisceau de forte densité de courant ;
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l’accès relativement limité aux installations expérimentales compte tenu de la lourdeur de l’appareillage et des dispositifs associés ;
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enfin, lors du dépouillement d’une expérience avec faisceau d’ions à l’aide d’un code de calcul, il est tout à fait possible d’aboutir à un jeu de solutions différentes permettant de simuler tout aussi correctement le spectre expérimental. Il faut alors avoir recours soit à une seconde expérience faisceau d’ions en utilisant un autre mode de détection (couplage RBS-NRA par exemple) soit disposer de données issues d’une autre technique de caractérisation (fluorescence X ou microsonde électronique).
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Cet article a pour but de montrer comment on peut exploiter à des fins d’analyse les collisions élastiques et les réactions nucléaires. La première partie sera consacrée à des généralités sur le passage des particules chargées dans la matière. Dans les deux parties suivantes du texte, chacune des deux grandes familles d’interactions ions/matière va être décrite en termes de mécanismes physiques et de formalisme mathématique. Puis on s’attachera à préciser les conditions expérimentales dans lesquelles les techniques vont pouvoir s’appliquer et à discuter les performances autorisées. Une quatrième partie, dans [P 2 561], sera consacrée à des exemples d’application dans des disciplines aussi diverses que les Sciences des Matériaux, les Sciences de l’Univers, les Sciences de l’Environnement, les Sciences de la Vie ou les Sciences Humaines. L’emploi de millifaisceaux (de taille millimétrique), de microfaisceaux (de quelques micromètres carrés) et même de faisceaux extraits dans l’air ou dans une atmosphère contrôlée sera considéré. Une bibliographie substantielle permettra ultérieurement aux lecteurs d’approfondir leurs connaissances dans les différents domaines abordés.
Le lecteur pourra utilement se reporter à un article de synthèse comparable publié en 1975 par Wolicki [11] ainsi qu’aux travaux de Gossmann [12] et Dunselman [13] et aux revues publiées depuis 1985 [14] [15] [16] [17].
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