Présentation
En anglaisRÉSUMÉ
L'éthique des nanosciences et nanotechnologies (NST) appelle à remettre en question le partage entre la neutralité des objets et la moralité des usages. Les NST nous poussent par conséquent à une sorte de nouvelle « révolution copernicienne », nous faisant passer d'une situation où le sujet est le seul être moral à une situation où les objets entrent de plain-pied dans le champ de la philosophie morale. Le présent article montre comment l'analyse épistémologique du mode d'existence des nano-objets permet de renouveler le questionnement éthique sur des terrains à chaque fois singuliers. La démonstration se fera sur la base de quatre cas concrets de nano-objets, conceptualisés comme des « objets relationnels » : les machines moléculaires artificielles, les nanovecteurs de médicament, la bio et l'éco-toxicologie des nanoparticules, et les biomarqueurs pour la médecine personnalisée.
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The ethics of nanoscience and nanotechnology (NST) challenges the division between the neutrality of objects and the morality of uses. NST leads us towards a new kind of “Copernican revolution”, taking us from a situation where the subject is the only moral being to a situation where objects fully enter the field of moral philosophy. This article shows how the epistemological analysis of the mode of existence of nano-objects can renew ethical issues in several singular fields. The demonstration will be based on four case studies of nano-objects, conceptualized as “relational objects”: artificial molecular machines, drug nanocarriers, bio- and eco-toxicology of nanoparticles, and biomarkers for personalized medicine.
Auteur(s)
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Sacha LOEVE : Agrégé de philosophie et docteur en épistémologie, histoire des sciences et des techniques. - Centre d'études des techniques, des connaissances et des pratiques (CETCOPRA), Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
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Xavier GUCHET : Maître de conférences en philosophie. - Centre d'études des techniques, des connaissances et des pratiques (CETCOPRA), Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
INTRODUCTION
La première partie du dossier « Éthique et épistémologie des nanotechnologies » [RE 244] a mis en évidence les limites des approches courantes de l'éthique des nanosciences et nanotechnologies (NST), qui se distribuent en définitive selon le partage établi par Brice Laurent entre l'éthique-vérité (celle du Fait scientifique et de la Valeur morale) et l'éthique-politique dans sa variante procédurale mais aussi expérimentale. Ces approches ont en commun de perpétuer une séparation métaphysique que toute la philosophie essaie de remettre en question depuis le début du XXe siècle : celle du sujet et de l'objet. Ces éthiques tiennent en effet pour une évidence que seuls les sujets peuvent être soumis à une évaluation morale. Les objets demeurent à l'extérieur du champ de la philosophie morale ou sont réduits au statut de moyens. Il est vrai que certains êtres non humains sont récemment entrés dans le champ de la philosophie morale alors qu'ils en étaient auparavant exclus, et que partant les éthiques appliquées ne sont plus stricto sensu des éthiques anthropocentriques. On pense ici aux animaux ou aux écosystèmes, qui ont donné naissance à deux nouvelles branches de l'éthique appliquée : l'éthique animale et l'éthique environnementale. Toutefois, les objets techniques n'ont pas connu ce sort : ils sont restés exclus du champ de l'éthique, seuls les usages que nous (c'est-à-dire nous « les sujets ») faisons de nos objets techniques sont supposés relever d'une réflexion de type éthique. Certes, il y a bien une éthique des techniques institutionnalisée à l'échelle internationale, avec ses approches diversifiées, ses colloques et ses revues, mais il s'agit toujours d'une éthique centrée sur les sujets – alors que nous proposons de centrer la réflexion éthique sur les objets eux-mêmes. En bref, les deux grandes postures éthiques adoptées vis-à-vis des NST acceptent comme une évidence le partage entre la neutralité des objets et la moralité des usages. C'est ce partage que nous voulons remettre en question ici.
Les nanotechnologies nous poussent par conséquent à une sorte de nouvelle « révolution copernicienne », nous faisant passer d'une situation où le sujet est le seul être moral à une situation où les objets entrent de plain-pied dans le champ de la philosophie morale.
Nous aimerions dans cet article montrer comment la décision d'en passer par une « épistémologie des techniques », c'est-à-dire une analyse du mode d'existence des nano-objets comme « objets relationnels » sur des terrains à chaque fois singuliers, permet de renouveler le questionnement éthique. La démonstration se fera sur la base de quatre cas concrets de nano-objets étudiés au laboratoire et/ou en développement industriel : les machines moléculaires artificielles, les nanovecteurs de médicament, la bio et l'éco-toxicologie des nanoparticules, et les biomarqueurs pour la médecine personnalisée.
KEYWORDS
relational objects | technological epistemology | fieldwork ethics
DOI (Digital Object Identifier)
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3. Bio- et écotoxicologie des nanoparticules
3.1 Vers un référentiel commun : l'objet relationnel
Les propriétés relationnelles qui définissent les objets nano justifient tout autant l'intérêt cognitif qu'on leur porte que les risques qu'ils font craindre. La mise en avant des comportements inhabituels et des propriétés de surface sous-tend également les débats sur la toxicologie et l'éco-toxicologie de certains nano-objets, notamment les nanoparticules (une nanoparticule est un petit solide inorganique, ou un cristal le plus petit qui soit ; c'est un objet intermédiaire entre la molécule et le solide). Car l'effet des nanoparticules sur la santé humaine et sur l'environnement dépend notamment de leur capacité à se lier sélectivement à d'autres entités présentes dans leur environnement. En deux mots, si les NST sont intéressantes, et si leurs objets soulèvent des problèmes toxicologiques bien spécifiques, c'est qu'un objet nano est défini avant tout par ses relations, par sa capacité à se lier sélectivement à ce qui n'est pas lui. L'objet « nano » est un objet relationnel, c'est-à-dire non seulement un objet en relation avec d'autres entités du monde (ce qui est trivial), mais un objet constitué par ses relations.
Les nano-objets ont un triple intérêt en tant qu'objets relationnels (figure 4).
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D'une part ils se caractérisent par l'importance de leur surface spécifique, c'est-à-dire par leur capacité à se lier plus ou moins spécifiquement à ce qui n'est pas eux. La surface n'est plus seulement la limite de l'objet, elle est une interface qui modifie son comportement. C'est ce que l'on peut appeler la dimension « horizontale » de l'objet relationnel. Elle concerne les relations entre objets.
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D'autre part, l'échelle nanométrique n'est pas un niveau ultime de réalité à partir duquel les autres niveaux pourraient être déduits, c'est un domaine de transition entre l'ordre de grandeur des atomes décrit de manière privilégiée par les lois de la physique quantique, et l'ordre de grandeur méso- ou macroscopique décrit de manière privilégiée par les lois de la physique statistique ou de la physique classique. Cette échelle relationnelle permet de coupler des propriétés appartenant aux ordres de grandeur plus petits et plus grands que le nano-objet considéré. C'est ce que l'on peut...
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BIBLIOGRAPHIE
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(1) - LAURENT (B.) - Les politiques des nanotechnologies. Pour un traitement démocratique d’une science émergente - Éditions Charles Léopold Mayer, Paris (2010).
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(2) - DEWEY (J.) - * - . – La théorie de la valuation [1939]. Tracés. Revue de Sciences humaines, n° 15, p. 217-228 http://traces.revues.org/833 (page consultée le 24 mai 2014) (2008).
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(3) - LOEVE (S.) - Ceci n’est pas une brouette. Grands et petits récits des nanotechnologies - In S. Houdart et O. Thierry (éds.), Humains non humains. Comment repeupler les sciences sociales, Paris, La découverte, pp. 208-220 (2011).
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(4) - DREXLER (E.K.) - * - . – Engins de creation. L’avènement des nanotechnologies, [1986]. Vuibert, Paris (2005).
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(5) - DREXLER (E.K.) - Nanosystems : Molecular Machinery, Manufacturing, and Computation - Wiley Interscience (1992).
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...
NANO2E, Nanotechnologies, épistémologie et éthique
NANONORMA, De l’innovation à l’utilisation : quel cadre normatif pour les nano-objets ?
Nanoethics, Site de la revue Nanoethics publiée par Springer
http://link.springer.com/journal/11569
Vivagora, Favoriser la contribution citoyenne aux choix scientifiques et techniques
CNANO, Portail des centres de compétence en nanosciences
JONES Richard, Soft Machines, blog d’un scientifique impliqué dans les débats sur les enjeux des nanotechnologies
Collectif Citoyen Nanosaclay, collectif pour un débat citoyen autour des nanotechnologies sur le plateau de Saclay
http://www.collectif-nanosaclay.fr/
Institut de Recherche et d’Innovation du Cente Georges POMPIDOU Paris, pages nanotechnologies
http://www.iri.centrepompidou.fr/tag/nanotechnologies
Sciences et Démocratie,...
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