Sacha LOEVE
Agrégé de philosophie et docteur en épistémologie, histoire des sciences et des techniques. - Centre d’études des techniques, des connaissances et des pratiques (CETCOPRA), Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Les nanosciences et nanotechnologies (NST) ont été placées très tôt sous le signe d'une volonté politique d'intégrer, en amont, la question de leurs « enjeux éthiques et sociétaux ». Dans ce contexte, les démarches « d'accompagnement » des technosciences par les sciences humaines et sociales (SHS) se sont multipliées, et diverses approches de l'éthique des NST ont été proposées. Après une décennie d'implication des SHS, un bilan s'impose. Cet article propose une cartographie raisonnée des différentes démarches d'accompagnement des NST par les SHS quant à leur problématisation du questionnement éthique, et en indique les insuffisances et les limites. Il soutient notamment que les développements technoscientifiques concrets des NST et les questions de valeurs qu'ils suscitent doivent être mieux articulés.
L'éthique des nanosciences et nanotechnologies (NST) appelle à remettre en question le partage entre la neutralité des objets et la moralité des usages. Les NST nous poussent par conséquent à une sorte de nouvelle « révolution copernicienne », nous faisant passer d'une situation où le sujet est le seul être moral à une situation où les objets entrent de plain-pied dans le champ de la philosophie morale. Le présent article montre comment l'analyse épistémologique du mode d'existence des nano-objets permet de renouveler le questionnement éthique sur des terrains à chaque fois singuliers. La démonstration se fera sur la base de quatre cas concrets de nano-objets, conceptualisés comme des « objets relationnels » : les machines moléculaires artificielles, les nanovecteurs de médicament, la bio et l'éco-toxicologie des nanoparticules, et les biomarqueurs pour la médecine personnalisée.