Présentation
RÉSUMÉ
Les produits phytopharmaceutiques, majoritairement utilisés pour protéger les cultures, contaminent tous les milieux (terrestre, aquatique continental, marin, aérien) et impactent la diversité de certains organismes qui y vivent. Après avoir décrit les méthodes existantes et en développement pour évaluer les impacts des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité, cet article présente les effets directs et indirects de ces produits sur les organismes terrestres et aquatiques, leurs effets sur les fonctions et services rendus par les écosystèmes, puis les leviers d’action permettant d’atténuer la contamination des milieux et ses impacts.
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Laure MAMY : Directrice de recherche - Université Paris-Saclay, INRAE, AgroParisTech, UMR ECOSYS 91120 Palaiseau, France
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Stéphane PESCE : Directeur de recherche - INRAE, UR RiverLy 69625 Villeurbanne, France
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Wilfried SANCHEZ : Directeur scientifique adjoint - Ifremer, direction scientifique 34200 Sète, France
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Sophie LEENHARDT : Chef de projet expertise scientifique collective - INRAE, DEPE 75338 Paris, France - Et un collectif de 43 experts (cf. remerciements)
INTRODUCTION
Chaque année, entre 55 000 et 70 000 tonnes de substances actives phytopharmaceutiques, incluant celles utilisables en agriculture biologique et celles de biocontrôle, sont vendues sur le territoire français métropolitain et d’outre-mer et sont utilisées pour la protection des cultures ou l’entretien des jardins, espaces végétalisés et infrastructures (JEVI). Or, en 2019, le Rapport de l’évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques établi par la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) a dressé le bilan alarmant d’une érosion sans précédent de la biodiversité : la pollution chimique générée par les activités humaines, incluant les produits phytopharmaceutiques (PPP), est identifiée parmi les principales causes de cette érosion et elle s’ajoute à d’autres pressions, comme la destruction d’habitats causée par l’urbanisation, l’intensification des pratiques agricoles et sylvicoles, la surexploitation des ressources biologiques et les conséquences du changement climatique.
Les données disponibles montrent que tous les milieux (terrestre, aquatique continental, marin, atmosphérique) sont contaminés par les PPP. L’imprégnation du biote présent dans ces milieux confirme la réalité de l’exposition des organismes. La contamination est en outre ubiquiste en raison des processus de transfert des PPP et de la persistance de certaines molécules et, bien qu’elle tende à s’atténuer avec l’éloignement des zones d’application, elle atteint des zones très lointaines comme l’océan profond ou les régions subpolaires. De plus, elle se traduit généralement par la présence de mélanges de PPP qui incluent plusieurs molécules : substances actives dont certaines sont aujourd’hui interdites mais persistantes dans l’environnement, produits de transformation de ces substances, co-formulants et adjuvants. Toutefois, l’interdiction des PPP parmi les plus préoccupants a conduit à une diminution, au cours des vingt dernières années, des niveaux globaux de concentrations de ces substances (par exemple, insecticides organochlorés tels que le lindane, ou herbicides inhibiteurs de la photosynthèse tels que le diuron ou l’atrazine).
L’agriculture est identifiée comme la source majeure d’introduction des PPP dans l’environnement, les usages agricoles étant prépondérants par rapport aux autres usages (entre 95 et 98 %). Cette tendance est par ailleurs de plus en plus marquée compte tenu de la forte réduction du recours aux PPP pour l’entretien des JEVI depuis plusieurs années. En conséquence, les espaces agricoles, y compris les cours d’eau qui les traversent et les masses d’air qui les surplombent, sont les plus contaminés par ces substances.
Dans ce contexte et dans le cadre du plan Ecophyto II+, les ministères chargés de la transition écologique, de l’agriculture et de la recherche ont sollicité INRAE et l’Ifremer pour réaliser une expertise scientifique collective (ESCo) ayant pour objectif de faire un état des lieux des connaissances scientifiques relatives aux impacts des PPP sur la biodiversité et les services écosystémiques. Cette ESCo traite du devenir et des impacts des PPP une fois que ces substances sont introduites dans l’environnement. Le périmètre couvre les différents milieux (terrestre, aquatique continental, marin, atmosphérique) dans leur continuité, du lieu d’application jusqu’à l’océan, en France métropolitaine et d’outre-mer, à partir de connaissances produites dans ce contexte français ou transposables à celui-ci (climat, PPP utilisés, biodiversité présente, etc.). Il intègre tous les produits destinés à la protection des cultures ou à l’entretien des JEVI, qu’il s’agisse de PPP conventionnels ou de produits ou agents de biocontrôle, dès lors qu’ils sont susceptibles de se retrouver dans l’environnement du fait d’une utilisation actuelle ou plus ancienne. Le cadre d’analyse mis en place considère la biodiversité dans ses dimensions structurelle et fonctionnelle, et il intègre la question des services écosystémiques. L’attention est ainsi plus particulièrement portée sur des travaux qui documentent la mise en évidence de risques et d’effets dans des conditions environnementales réalistes, et à des niveaux d’organisation biologique (individu, population, communauté, écosystème) qui peuvent faciliter le lien à établir avec la biodiversité ainsi qu’avec les fonctions et services écosystémiques. En revanche, cette ESCo ne traite pas des pratiques ou systèmes agricoles permettant de réduire les utilisations de PPP, ni des stratégies préventives de régulation des bioagresseurs.
Ainsi, l’objectif de cet article consiste à présenter une partie des résultats obtenus au sein de l’ESCo portant sur les impacts des PPP sur la biodiversité et les services écosystémiques, en abordant les cinq points suivants : (1) méthodes existantes et perspectives scientifiques pour mesurer et évaluer les impacts des PPP sur la biodiversité, (2) types d’impacts observés, (3) principaux organismes impactés, (4) impacts sur les fonctions et services écosystémiques, (5) leviers d’action pour réduire la dispersion des PPP dans l’environnement et leurs impacts.
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7. Conclusion
L’analyse de la bibliographie scientifique des vingt dernières années a montré que tous les types de milieux (terrestre, aquatique continental, marin, atmosphérique) et la plupart des organismes qui s’y trouvent (biote) sont contaminés par les PPP et que ceux-ci ont des effets directs et indirects sur la biodiversité. Ainsi, dans les espaces agricoles, les PPP sont impliqués dans le déclin des populations d’invertébrés terrestres, d’invertébrés aquatiques et d’oiseaux, et différentes fonctions écosystémiques (régulation des cycles de nutriments, résistance aux perturbations, dispersion de propagules…) sont affectées. Les études portant sur l’effet des PPP sur les services écosystémiques sont rares. Toutefois, elles montrent que si l’usage des PPP permet d’éliminer efficacement les ravageurs des cultures pour assurer la production agricole végétale et en cela la sécurité alimentaire, il affecte négativement des services essentiels à cette production (pollinisation, régulation naturelle des ravageurs), menaçant à terme le maintien de cette dernière.
Plusieurs leviers d’action ont été identifiés pour réduire les transferts des PPP et leurs impacts sur la biodiversité : ils portent sur les modalités d’application des PPP, sur la gestion du compartiment sol et sur l’aménagement du paysage qui est également un élément clé pour la préservation des habitats et des zones refuges de la biodiversité. Il est cependant nécessaire de combiner différents leviers pour atténuer les impacts des PPP, sans qu’il soit possible de les neutraliser totalement.
Malgré la richesse de cet état des lieux, les lacunes de connaissance sont encore importantes, qu’elles concernent certains types de PPP (biocontrôle), la plupart des produits de transformation, certains types d’organismes (amphibiens, reptiles, organismes symbiotiques moins étudiés tels que coraux, mycorhizes, lichens, microbiote, etc.), de milieux et de territoires (marin, outre-mer, etc.), et certains types d’effets (sublétaux, synergiques, cumulatifs, etc.). Les approches scientifiques abordent des niveaux d’organisation et d’interactions de plus en plus divers, mais la multiplication des études se traduit globalement à ce stade par une grande hétérogénéité. Il est donc nécessaire de promouvoir des stratégies de recherche plus intégrées pour permettre la prise en compte de la réalité complexe des expositions...
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Conclusion
BIBLIOGRAPHIE
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(1) - BRION (F.) et al - Screening estrogenic activities of chemicals or mixtures in vivo using transgenic (cyp19a1b-GFP) zebrafish embryos - . Plos One, 7, p. e36069 (2012).
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(2) - PERUCCI (P.) et al - Effects of organic amendment and herbicide treatment on soil microbial biomass - . Biol. Fertil. Soils, 32, p. 17-23 (2000).
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(3) - MAGBANUA (F.S.) et al - Understanding the combined influence of fine sediment and glyphosate herbicide on stream periphyton communities - . Water Res., 47, p. 5110-5120 (2013).
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(4) - MEDO (J.) et al - Effects of sulfonylurea herbicides chlorsulfuron and sulfosulfuron on enzymatic activities and microbial communities in two agricultural soils - . Environ. Sci. Pollut. Res., 27, p. 41265-41278 (2020).
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(5) - PESCE (S.) et al - Effects of the phenylurea herbicide diuron on natural riverine microbial communities in an experimental study - . Aquat. Toxicol., 78, p. 303-314 (2006).
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DANS NOS BASES DOCUMENTAIRES
NORMES
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AFNOR Qualité de l’eau – Encagement in situ de gammares pour la mesure de la bioaccumulation de substances chimiques. - NF XP T90-721 - 2019
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ISO Matériel de protection des cultures – Mesurage de la dérive du jet au champ. - NF 22866:2005 - 2005
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ISO Qualité du sol – Effets des polluants vis-à-vis des vers de terre – Partie 3 : Lignes directrices relatives à la détermination des effets sur site. - NF 11268-3:2014 - 2014
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ISO Qualité du sol – Mesure en microplaques de l’activité enzymatique dans des échantillons de sol en utilisant des substrats fluorogènes. - NF ISO/TS 22939:2019 - 2019
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Essai sur plante terrestre : essai d’émergence de plantules et de croissance de plantules (Lignes directrices de l’OCDE pour les essais de produits chimiques, Section 2). - OCDE Essai n° 208 - 2006
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Poisson, essai de toxicité aiguë au stade embryonnaire (Lignes directrices de l’OCDE pour les essais de produits chimiques, Section 2). - OCDE Essai n° 236 - 2013
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ANNEXES
Arrêté du 13 avril 2010 modifiant l’arrêté du 13 janvier 2009 relatif aux conditions d’enrobage et d’utilisation des semences traitées par des produits mentionnés à l’article L. 253-1 du code rural en vue de limiter l’émission des poussières lors du procédé de traitement en usine. JORF n° 0099 du 28 avril 2010.
Arrêté du 1er février 2013 relatif à l’évaluation éthique et à l’autorisation des projets impliquant l’utilisation d’animaux dans des procédures expérimentales. Journal officiel « Lois et Décrets », 7 février 2013, n° 32, 267 p.
DCE 2000. Directive 2000/60/CE du Parlement et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau. JO L 327/1, 22.12.2000, p. 1-72.
Ministère de la transition écologique et solidaire, 2018. Avis du 30 août 2018 relatif à la liste des procédés de traitement des effluents phytopharmaceutiques, reconnus comme efficaces par le MTES (DGPR/SRSEDPD). BO MTES – MCT n° 2018/9 du 25 septembre 2018. 95 p.
République française, 2006. Arrêté du 12 septembre 2006 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits visés à l’article L. 253-1 du code rural. JORF n° 219 du 21 septembre 2006.
République...
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