Conclusion
Éthique de l’intelligence artificielle : vue d’ensemble

Depuis fin novembre 2022, le grand public peut pleinement prendre conscience du potentiel des outils d’intelligence artificielle (IA) générative comme ChatGPT. Si les spécialistes du domaine travaillent depuis plusieurs années sur des modèles de langages capables de générer du contenu de manière naturelle (texte, image, son), le lancement public de ChatGPT rentrera certainement dans l’histoire de l’IA comme un moment de démocratisation d’outils encore, selon leurs critiques, trop peu maîtrisés. En parallèle à cette montée en puissance des outils d’IA, les questions éthiques connaissent, elles aussi, une phase de démocratisation.

Ces outils d’IA générative font partie d’un ensemble d’outils, méthodes ou techniques rassemblés dans la grande famille de l’« intelligence artificielle ». Comme définie plus loin, l’éthique pose la question des valeurs et principes dans la conception, la réalisation, l’utilisation et la régulation d’outils numériques. Ces questions de valeurs et principes s’imposent partout et l’éthique de l’IA est en pleine expansion. Les contributions académiques se succèdent à une vitesse impressionnante, le débat public s’empare des questions éthiques et les utilisateurs regardent de manière plus critique les outils proposés. Loin d’être en reste, les entreprises intègrent de plus en plus une dimension proprement éthique dans leurs processus internes. Cette importance grandissante reflète parfois la conviction profonde des équipes de direction, mais également une ambition de gagner une bonne réputation en se plaçant aux avant-postes d’un mouvement qu’on pressent profond ou, à tout le moins, afin d’éviter des accidents de parcours dommageables pour la relation de confiance avec les clients et les partenaires. Les initiatives des entreprises visent finalement à anticiper les régulations à venir sur les usages de l’IA. À l’exemple de l’Union européenne (UE), la régulation en discussion sur l’IA – visant à établir des règles harmonisées pour les pays de l’UE – va durablement modifier la manière dont les entreprises, les administrations publiques et les particuliers conçoivent et utilisent les outils d’IA.

Le présent article vise à proposer une vue d’ensemble des questions d’éthique de l’IA à destination des spécialistes d’ingénierie. En plus d’une explication générale sur les défis en présence, chaque section se conclut par une série de questions directement pertinentes pour les entreprises/organisations dans leur gestion des outils d’IA.

Le texte est organisé en cinq parties. La première traite des définitions des termes d’intelligence artificielle et d’éthique. La deuxième présente l’approche de l’outil de navigation choisi afin de structurer les questions à se poser. Cet outil fait office de boussole pour trouver son chemin parmi les questions d’éthique ; il propose trois familles de questions éthiques, qui sont développées séparément. La troisième partie traite ainsi de la première famille de questions éthiques, à savoir l’éthique dans la technologie. Les choix éthiques dans la conception et la réalisation des outils d’IA sont au cœur de ses réflexions. La quatrième partie porte sur l’impact des outils d’IA sur les individus, qu’il s’agisse d’une petite équipe de spécialistes ou de la société dans son ensemble pour les outils les plus importants. Ces questions sont abordées avec le concept de justice sociale. La cinquième partie thématise les grands récits de société à travers lesquels nous appréhendons la technologie. Ces récits sont l’occasion de faire un pas en arrière pour interroger la manière dont les outils numériques modifient notre vision de la réalité. Comme on le verra plus loin, ces trois parties forment un tout à considérer dans sa globalité.