Présentation
En anglaisRÉSUMÉ
Les isonitriles sont des isomères de nitriles possédant un carbone terminal divalent. Découverts il y a plus de 150 ans, ces composés ne sont réellement exploités que depuis quelques décennies. Leur stabilité, leur facilité d'accès et la variété de leurs réactivités chimiques uniques en font un outil incontournable pour la chimie moderne. En effet, utilisés lors de réactions multicomposants, ils permettent de réaliser des économies d'atomes et d'étapes. Ce principe de modération faisant justement partie des objectifs actuels de la chimie organique respectueuse de l'environnement (la chimie verte), les isonitriles s'avèrent particulièrement intéressants. Cet article présente les différentes méthodes de synthèse d'isonitriles, ainsi que leur réactivité générale. Les principales réactions multicomposants dans lesquelles ils interviennent sont également détaillées.
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Isonitriles are nitrile isomers with a divalent terminal carbon atom. Discovered more than 150 years ago, these components have only been exploited for a few decades. Due to their stability, easy access and variety of their specific chemical reactions, they have become an essential tool in modern chemistry. Indeed, used during multicomponent reactions, they allow for reducing the usage of atoms and stages. As this principle of restraint is part and parcel of the current objectives of an environment friendly organic chemistry (green chemistry), isonitriles are of major interest. This article presents the various synthesis methods for isonitriles as well as their general reactivity. The main multicomponent reactions in which they are involved are also detailed.
Auteur(s)
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Laurent EL KAIM : Enseignant-chercheur, unité chimie et procédés, ENSTA Paris
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Jieping ZHU : Directeur de recherches CNRS, Institut de chimie des substances naturelles, Gif-sur-Yvette
INTRODUCTION
Les premiers isonitriles ont été obtenus par Lieke en 1859 puis synthétisés et identifiés par Hoffman et Gautier moins de dix ans plus tard. Ces composés, isomères de nitriles possédant un carbone terminal divalent, sont restés de simples curiosités de laboratoire pendant de nombreuses années. Malgré l'intérêt théorique et le fort potentiel synthétique de ces dérivés carbonés à valence inusuelle, l'odeur désagréable des composés les plus simples a probablement dissuadé la plupart des chimistes d'en étudier les propriétés. Pendant des dizaines d'années, les isonitriles restèrent donc associés à la réaction carbylamine de Hoffman utilisée comme test caractéristique des amines primaires. En 1921, Passerini décrit le premier couplage à trois composants entre acides carboxyliques, dérivés carbonylés et isonitriles, mais ces travaux restent méconnus durant la première moitié du vingtième siècle. L'extension aux imines n'est découverte que près de quarante ans plus tard par Ugi, elle constitue la première réaction à quatre composants relativement efficace et générale.
Toutefois, la réaction de Ugi n'est vraiment réellement utilisée qu'au début des années 1980 ; très peu d'isonitriles sont alors commercialement disponibles. L'impulsion provient tout d'abord de l'industrie pharmaceutique qui associe le caractère multicomposant de ces couplages avec la possibilité de créer rapidement des librairies importantes de composés pour le screening biologique. De nombreuses équipes industrielles s'emparent de cette réaction et la transforment en un outil très efficace pour la préparation de structures hétérocycliques biologiquement actives (pharmacophores hétérocycliques tels que : pyrazines, indoles, imidazoles...). Les réactions multicomposants impliquant des isonitriles font aujourd'hui partie des outils standards de la recherche pharmaceutique.
Plus récemment, l'avènement de la chimie verte et le besoin de concevoir des procédés chimiques plus en phase avec les attentes sociétales éclairent d'un jour nouveau ces domaines. La réduction de l'emploi de solvant organique ainsi que l'optimisation des voies de synthèse ont toujours été des préoccupations fortes chez les industriels pour des raisons d'optimisation des coûts. Elles rejoignent aujourd'hui des enjeux plus importants en terme de communication et surtout de maintien d'activités industrielles proches de zones urbaines. Les synthèses organiques industrielle et académique se structurent donc aujourd'hui de plus en plus autour des concepts d'économie d'atomes et d'étapes. Et parmi les exemples les plus aboutis de ces nouveaux principes figurent en bonne position l'utilisation d'isonitriles dans des réactions multicomposants : la grande diversité structurale accessible en une seule étape permet, en effet, d'envisager des schémas synthétiques de substrats complexes en un nombre global d'étapes très limité. En terme de chimie verte, les éléments les plus caractéristiques des réactions multicomposants impliquant des isonitriles restent l'utilisation de milieux particulièrement concentrés (l'eau peut même être utilisée en tant que solvant) avec, comme seul sous-produit, une unique molécule d'eau.
Dans un premier temps, nous détaillerons les synthèses d'isonitriles les plus classiques ainsi que la réactivité générale de ces composés. Nous présenterons ensuite plus en détail les réactions multicomposants les plus importantes de cette famille de composés.
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6. Réactions multicomposants impliquant des additions sur des alcènes
Les composés carbonylés et les imines sont des partenaires réactionnels privilégiés des isonitriles dans les réactions de Passerini et de Ugi. Les liaisons C-C multiples activées peuvent également subir une attaque nucléophile d'isonitriles pour initier des séquences multicomposants.
L'addition d'un isonitrile sur une cétone ou un ester α,β-insaturé peut conduire à des iminofuranes par une addition de Michael de l'isonitrile, suivie d'une cyclisation de l'énolate sur le nitrilium intermédiaire. Formellement, il s'agit ici encore d'une cycloaddition de type [4+1]. Ces réactions sur les dérivés carbonylés les plus simples ne sont pas observées sans l'utilisation d'acides de Lewis tel que le chlorure de gallium (figure 69) [128].
Si la double liaison se trouve encore plus appauvrie par la présence d'un groupe électroattracteur supplémentaire, il est possible d'observer ces additions sans aucune activation. Comme ces dérivés sont accessibles dans des conditions douces par des condensations de type Knoevenagel, différentes réactions multicomposants ont pu être réalisées entre isonitriles, composés β-dicarbonylés et aldéhydes. Ces réactions ont été très étudiées par Shabbani et al. Ainsi le couplage de l'acide de Meldrum 50 avec du salicaldéhyde, en présence d'isonitriles et de différents alcools fournit une librairie de benzopyranes 52 ; l'alcool en tant que quatrième composant permet ici d'ouvrir l'iminofurane 51 issu de la cycloaddition [4+1] entre l'isonitrile et l'ester α,β-insaturé, formé in situ (figure 70) [129].
De même, les dérivés acétyléniques doublement appauvris tels que le diméthyl acétylène dicarboxylate (DMAD) peuvent interagir avec des isonitriles. En revanche, la géométrie de l'énolate intermédiaire ne permet plus de cyclisation directe sur le nitrilium. L'addition d'un aldéhyde dans le milieu permet cependant de piéger le zwitterion ; l'adduit intermédiaire fournit après prototropie les aminofuranes 53 (figure 71) [130] [131] [132]. Les pyroles 54 ont pu être obtenus de manière similaire à partir de N-tosyl imines.
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BIBLIOGRAPHIE
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(6) - DOMLING (A.), UGI (I.) - Multicomponent reactions with isocyanides - . Angew. Chem. Int. Ed. Engl., 39, p. 3168-3210...
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