Présentation
En anglaisRÉSUMÉ
La prévention des accidents au travail passe par la sécurisation des procédés, des moyens et des lieux, mais aussi des pratiques, des gestes, des choix. Afin d’augmenter la fiabilité de chacun de ces composantes, il est nécessaire d’analyser les performances des facteurs organisationnels et humains qui entrent en jeu. La gestion de l’erreur nécessite de prendre en considération les capacités et les limites de l’humain et des systèmes sociotechniques qu’il met en œuvre et dans lesquels il travaille, et de différencier les erreurs des fautes et violations. Cet article présente les clés pour comprendre la faillibilité de l’humain et des organisations et des pistes pour les manager.
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Managing occupational health and safety requires enhancing the processes, the equipment, and the working environment as well as the practices and the choices of people interacting with them. To increase the reliability of each one of these elements we must analyze the performance of the human and organizational factors at play. Preventing errors requires taking into account the capabilities and the limits of the human beings and the sociotechnical systems that they develop an in which they work, as well as making the difference between errors, mistakes and violations. This article presents the keys to understand human and organizational fallibility and some approaches to mitigate them.
Auteur(s)
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Eduardo BLANCO MUNOZ : Ingénieur en gestion des risques, DESS en génie de l’environnement, master en sciences de l’environnement - Directeur Santé – Sécurité – Sûreté. Enseignant et conférencier en sécurité comportementale - Expériences dans la logistique et le transport, l’aéronautique, l’énergie, les dispositifs médicaux, la chimie et le conseil. Paris, France.
INTRODUCTION
« L’erreur humaine » est étudiée dans le domaine de la santé et la sécurité au travail (SST) depuis la fin du XIXe siècle. Même si elles sont largement remises en question, les esprits sont toujours marqués par les recherches de Heinrich qui quantifia (très précisément) à 88 % la proportion des accidents qui étaient attribuables à des erreurs et autres « actes dangereux » du travailleur réalisant la tâche, 10 % étant dus à des conditions mécaniques ou physiques dangereuses, et 2 % étant tout simplement impossibles à éviter.
Cette vision est challengée depuis la fin du XXe siècle, mais reste toujours très présente dans les croyances du public en général, et même des professionnels de la SST. Cet article s’attachera à renverser cette logique de l’humain comme « maillon faible d’un système qui, autrement, fonctionnerait sans accroc » en présentant les mécanismes sous-jacents aux comportements individuels et collectifs qui rendent faillible l’humain et, par voie de conséquence, les systèmes qui en dépendent.
Pour s’extraire de ce paradigme, on commencera par éviter dans cet article l’expression « erreur humaine » et cela pour deux raisons :
-
la première est qu’elle sous-entend implicitement « erreur de l’humain » au singulier, et donc une vision individuelle de l’erreur qui, comme on le verra, est incomplète et n’apporte que très peu de solutions ;
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la seconde est tout simplement que l’expression « erreur humaine » est un pléonasme du même ordre que « monter en haut ». Errare humanum est, l’erreur est propre à l’humain et il n’y a que les humains qui peuvent se tromper. Bien entendu, les autres êtres vivants, le vivant en général comme certains systèmes artificiels dotés de cognition, réagissent eux aussi aux changements dans leur environnement et sont susceptibles d’adopter des comportements objectivement sous-optimaux que l’on pourrait appeler des erreurs.
Mais ces entités déroulent des comportements préprogrammés, qu’ils soient innés ou acquis par le biais d’un apprentissage direct, avec une capabilité donnée. Les oiseaux victimes du coucou ne se trompent pas quand ils nourrissent les oisillons de ce dernier au détriment des leurs, tout comme l’enzyme ADN polymérase, chargée de la réplication de l’ADN, ne se trompe pas quand elle incorpore dans le nouveau brin des bases nucléiques ne correspondant pas au gène original : les uns comme les autres exécutent des comportements prédéfinis avec une capabilité évolutivement optimale.
Même si l’être humain peut aussi, comme on le verra, agir de cette manière « automatique » sous certaines conditions, l’erreur ne peut être qu’humaine car elle implique une notion de choix et la capacité ex ante de juger de ces choix et de leurs conséquences par rapport à un maximum (intolérance à l’erreur) ou à un optimum (capabilité assumée en fonction de l’analyse explicite ou implicite des coûts/bénéfices).
Donc l’erreur est humaine, mais elle reste honteuse. Ce paradoxe apparent qui finalement ne l’est pas, tant l’être humain renie souvent sa propre nature, émane de l’image que nous avons créée de nous-mêmes et de l’illusion de contrôle qu’elle projette. Nous ne sommes pas censés nous tromper car nous sommes capables d’analyser la tâche et les enjeux et d’évaluer a priori les conséquences de nos actes.
Dans un univers du travail toujours empreint de la vision tayloriste du management, où le travail est décomposé en tâches unitaires aussi simples que possible et où le standard de fiabilité est celui de l’automate, le travailleur est ainsi toujours considéré comme le point faible du système. Ce serait sa performance erratique qui fragiliserait un système conçu, outillé et réglementé pour produire de façon sûre.
L’étude de l’erreur et de sa gestion doit démarrer par la compréhension des limites de la performance humaine d’abord à l’échelle individuelle, qu’elles soient physiologiques, cognitives ou psychologiques. Mais elle doit également aborder les tâches, leur environnement et le système sociotechnique dans lesquelles elles se déroulent, qui sont en général beaucoup plus complexes et riches en interdépendances qu’on le croit.
Cet article a pour objectif d’apporter les connaissances qui expliquent ces limites et cette complexité, et fournit des pistes pour leur prise en compte dans un environnement organisationnel du travail.
MOTS-CLÉS
Risque prévention accident Sécurité Fiabilité facteur humain Management Erreur Travail Complexité Faute Résilience Culture SST
KEYWORDS
risk | prevention | accident | Safety | Reliability | human factor | Management | Error | Work | Complexity | Violation | Resilience | Safety culture
DOI (Digital Object Identifier)
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3. Faillibilité de l’individu : limites de rationalité
La compréhension des limites structurelles décrites dans les sections précédentes nous permet d’identifier une première série de faiblesses, mais elle est également nécessaire afin d’étudier les limites de notre rationalité. En effet, nos processus délibératifs émergent de la base d’une prise de conscience de la situation (situational awareness), qui elle-même émerge par rapport aux informations perçues et à celles accessibles dans notre mémoire (de façon plus ou moins fidèle tant pour les premières que pour les secondes comme on vient de le voir).
3.1 Logique
L’ensemble des données disponibles pourra ensuite suivre un traitement qui se voudrait logique. Or, la compréhension même de cette logique peut être envisagée sous différents angles. De la syllogistique aristotélicienne aux différentes modalités de logique non binaire, en passant par l’approche du calcul algorithmique et du langage propositionnel, la notion même de logique reste subjective, évolutive et culturelle.
Dans tous les cas, notre capacité à faire appel à la logique n’est pas parfaite ni même systématique. Contrairement à la vision économique néoclassique, nous ne sommes pas des maximisateurs omniscients et éclairés, mais nous nous contentons plutôt de satisfaire au mieux nos besoins en y consacrant ce que nous estimons être le minimum nécessaire de moyens (attentionnels, cognitifs, intellectuels, temporels).
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La première des limites de ces processus délibératifs est notre tendance naturelle à les court-circuiter. Même si nous sommes capables de réflexion logique, notre cerveau opère la plupart du temps au quotidien par reconnaissance. Des aptitudes que l’on appelle souvent expertise, jugement ou encore intuition relèvent en fait de notre capacité à reconnaître, de façon subconsciente, des signaux dans une situation : des éléments et/ou des modèles déjà connus qui font remonter par association dans notre mémoire des informations sur comment agir dans des situations dans lesquelles de tels signaux sont présents ...
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Faillibilité de l’individu : limites de rationalité
BIBLIOGRAPHIE
-
(1) - ASTOLFI (J.-P.) - L’erreur, un outil pour enseigner. - ESF Sciences humaines (1997).
-
(2) - HOLLAND (J.), HOLYOAK (K.), NISBETT (R.), THAGARD (P.) - Induction: Processes of Inference, Learning, and Discovery. - MIT Press (1986).
-
(3) - CAPRA (F.) - The Hidden Connections. - Doubleday (2002).
-
(4) - KELLER (E. F.) - The Century of the Gene. - Harvard University Press (2000).
-
(5) - TAYLOR (F. W.) - The Principles of Scientific Management. - Harper & Brothers (1911).
-
(6) - DRUCKER (P. F.) - Management: Tasks, Responsibilities, Practices. - Harper Row (1974, 2008 [Revised edition])
-
...
DANS NOS BASES DOCUMENTAIRES
NORMES
-
Systèmes de management de la santé et de la sécurité au travail – Exigences et lignes pour leur utilisation - ISO 45001:2018 - 2018
ANNEXES
Article 121-3 du Code pénal.
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Dictionnaire Larousse https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/erreur/30846
Le cerveau bayésien https://www.college-de-france.fr/site/stanislas-dehaene/course-2012-02-21-09h30.htm
Centre européen d’étude du diabète http://ceed-diabete.org/fr/le-diabete/
Somnolence au volant https://www.preventionroutiere.asso.fr/2016/03/30/somnolence-au-volant/
Consommation d’alcool et cannabis https://www.inrs.fr/risques/addictions/donnees-generales.html#:~:text=est %20en %20attente.-,Substance %20psychoactive,hypnotiques %20et %20anxiolytiques %2C %20solvants %20volatils %E2 %80 %A6
Fatigue au volant https://www.securite-routiere.gouv.fr/dangers-de-la-route/la-fatigue-et-la-conduite
La mémoire https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/memoire
Biais...
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