Présentation
En anglaisRÉSUMÉ
Issue des solutions fondées sur la nature, l’écoconception des infrastructures maritimes est une des réponses pragmatiques et réalistes, techniquement et économiquement, pour réaliser des ouvrages à impacts réduits sur l’environnement, adaptés à chaque milieu et esthétiquement aux paysages sous-marins naturels. Cet article présente les bases de la réalisation d’infrastructures maritimes écoconçues, intégrées à leur environnement littoral ou en mer et fonctionnellement efficaces en termes de génie civil et d’écologie. La démarche méthodologique originale de réalisation de ces projets est étayée d’exemples concrets. L’aménagement des territoires maritimes est ici abordé dans une perspective de transition écologique et de sauvegarde de la biodiversité, par la réduction de l’impact des ouvrages.
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Inspired from Nature Based Solutions, eco-design of maritime infrastructures is one of the pragmatics, technically and economically, responses to achieve legal mitigation objectives, adapted to each environment and aesthetically concerns to the natural underwater landscapes. This article presents the bases for the realization of eco-designed maritime infrastructures functional and efficient in terms of civil engineering and ecology, to enhance its integration into coastal or marine ecosystems. The original methodological approach, for the realization of eco-designed projects, is supported by concrete examples. The development of maritime territories is depicted from the perspective of ecological transition and additional biological conservation targets supported by human infrastructures.
Auteur(s)
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Sylvain PIOCH : Docteur en géographie et aménagement, maître de conférences, ingénieur écologue (AFIE), EA Laboratoire de Géographie et d’Aménagement de Montpellier (LAGAM), Université Paul Valéry Montpellier 3, France
-
Jean-Claude SOUCHE : Docteur en mécanique et génie civil, ingénieur génie civil et génie maritime - Laboratoire de Mécanique et Génie Civil (LMGC), Université de Montpellier, DMS, IMT Mines Alès, France
INTRODUCTION
La très grave perte de biodiversité mondiale est concomitante avec l’anthropocène, cette nouvelle ère géologique où l’Homme est devenu l’acteur principal des pressions subies par les écosystèmes. À ce titre, le dernier rapport de l’IPBES dresse un constat dramatique sur l’état de la biodiversité, depuis 200 ans, début de l’ère industrielle : l’Homme a altéré 75 % des terres, 66 % des océans et il a détruit plus de 85 % des zones humides. Par conséquent, c’est la capacité de l’Homme à stopper immédiatement ses impacts qui conditionnera notre avenir sur cette planète unique. Face à ce constat dramatique et anxiogène pour les jeunes générations, l’humanité devrait arrêter ou tout du moins ralentir très fortement les causes, bien connues, qui sont à l’origine de cette catastrophe annoncée : (1) artificialisation et utilisation des sols, (2) exploitation des ressources (pêche, foresterie, etc.), (3) changement climatique, (4) pollutions (plastiques en mer…) et (5) espèces invasives des écosystèmes .
l'IPBES est la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques.
L’artificialisation et l’utilisation des sols qui résultent de l’aménagement des territoires est bien le problème majeur. Au-delà du modèle agricole intensif, ce sont les choix d’urbanisme et leurs conséquences qui sont pénalisants car ils génèrent une artificialisation des milieux naturels quasiment irréversible (extension des villes, zones portuaires, zones industrielles et infrastructures de transports). Les littoraux payent le prix fort vis-à-vis de cette artificialisation galopante et non maîtrisée. En effet, huit des dix mégalopoles mondiales sont situées sur le littoral et la superficie des paysages marins impactés par ces aménagements est estimée entre 1 et 3,4 millions de km2 en 2018, avec une augmentation de 50 à 70 % prévue d’ici 2028 .
Et en France ? Entre 2000 et 2006, la construction d’infrastructures et d’autres types ouvrages représentent environ 6 900 ha de surfaces naturelles détruites pour être artificialisées. Quand on cumule le double effet du dérèglement climatique et de l’élévation du niveau de la mer qui en résulte, avec l’explosion des activités humaines et des aménagements sur le littoral, il apparaît une sévère incohérence entre les techniques d’aménagement et leurs impacts négatifs sur l’environnement et sur les écosystèmes.
Face à l’enjeu colossal que représente une renaturation du projet d’aménager, pour un futur durable et désirable, l’expertise environnementale devient essentielle. Elle se positionne au moins de façon équivalente vis-à-vis de l’expertise en génie civil, pour la prise en compte de la biodiversité dans les projets d’aménagement des territoires. C’est tout l’enjeu de l’écoconception des ouvrages maritimes.
La prise en compte de l’écosystème marin dans les projets d’aménagement maritimes est réalisée de différentes façons. L’évitemment du projet est la première étape à évaluer avec honnêteté et sincérité (le projet est-il prioritaire, utile, ou pas ? doit-il être réalisé ici ? ou ailleurs ? peut-il être groupé avec un autre aménagement ?). Dès lors que la décision de construire est prise, il est essentiel de réduire les impacts négatifs du projet sur l’environnement avec beaucoup plus d’exigence et de volonté, en particulier en faisant appel à une démarche d’écoconception d’infrastructures supports de biodiversité. In fine, la compensation de tout impact résiduel permettra d’atteindre l’objectif de « pas de perte nette de biodiversité » imposé par la réglementation depuis la loi RBNP de 2016 (loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages).
La finalité de l’écoconception (œko-conception, littéralement « concevoir pour l’environnement et les hommes rattachés à un même lieu d'habitation ») s’insère bien dans ces évolutions législatives environnementales, avec une exigence supplémentaire : développer un gain net de biodiversité. Le but est de concevoir un projet, dès les phases d’esquisse ou de faisabilité, voire au moment de la programmation (au sens de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, dite « loi MOP »), selon des exigences usuelles de résistance, de durabilité et de niveau de service, mais également selon des objectifs de performance écologique, ou de cobénéfices. À partir de connaissances techniques standards, la démarche en ingénierie doit introduire des considérations biophysiques, relatives à la nécessité de protéger et de favoriser le milieu naturel marin dans le projet d’aménagement maritime.
L’écoconception des infrastructures marines est un champ de recherches en plein développement. Elle fait appel aux domaines de l’ingénierie écologique (sciences humaines, géo-aménagement, droit), aux sciences de l’ingénieur (génie civil et science des matériaux) et aux sciences naturelles (biologie, écologie). Elle apporte une réponse au défi majeur de la réalisation d’ouvrages produisant un cobénéfice à l’Homme et à la Nature qui devient incontournable pour les sociétés humaines responsables et gestionnaires de la biodiversité. Nous présenterons dans cet article les étapes nécessaires à l’application de l’écoconception et en particulier une conception conforme aux principes écologiques, une conception adaptée à la spécificité environnementale de chaque site, et enfin le maintien des exigences fonctionnelles des ouvrages, indépendamment des exigences environnementales. Ces éléments conceptuels seront étayés d’exemples de quelques applications illustrant la démarche en situation réelle, dans le cadre de deux projets : l’un situé à Mamouzou pour un émissaire sous-marin au sein du lagon de Mayotte et l’autre à Deshaies en Guadeloupe pour la réalisation de corps-morts (lests immergés) en zone corallienne.
KEYWORDS
eco-design | nature-based solutions | coastal planning | eco-engineering
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3. Exemples appliqués d’écoconception
3.1 Écoconception de mouillages organisés : exemple de la ZMEL de Deshaies (Guadeloupe)
Cette partie est extraite de l’ouvrage Éco-conception des infrastructures maritimes de Sylvain Pioch et Jean-Claude Souche, publié en 2020 aux éditions ISTE. Depuis une dizaine d’années, les navires de plaisance et de grande plaisance sont très présents sur des zones écologiquement riches et sensibles, telles que les herbiers de Méditerranée (herbiers de plantes phanérogames aquatiques comme les posidonies en particulier) ou les zones de coraux aux Antilles. Ces navires assurent leurs mouillages (ancrage sur les fonds marins) à l’aide d’ancres qui labourent les petits fonds et détruisent des habitats protégés ou primordiaux écologiquement : herbiers, zones de coralligènes (formation de roches calcaires issues d’algues encroutantes) en Méditerranée ou coraux en zone tropicale.
Afin de protéger ces zones sensibles, les pouvoirs publics ont décidé d’organiser le mouillage de ces navires en favorisant la mise en place d’aménagements de type zone de mouillage et d'équipements légers (ZMEL). La mise en place et l’aménagement de ces zones de mouillages pourraient faire l’objet d’une approche d’écoconception selon les sites et les besoins.
HAUT DE PAGE3.1.1 Lutte contre la dégradation des fonds et développement de la biodiversité
Les fonds marins antillais français sont constitués de coraux et d’herbiers. Ces écosystèmes sont très vulnérables au développement du nautisme de plaisance et de grande plaisance, car les mouillages forains provoquent de graves destructions (ancrages répétés), dans les plus belles baies touristiques. Dans quelques années, ces fonds seront détruits, provoquant des pertes de biodiversité et économiques importantes.
Sous l’impulsion de la société d’économie mixte de Saint-Martin (SEMSAMAR société d’économie mixte, en partenariat public/privé d’appui technique et financier pour le développement des collectivités locales des territoires de l'Outre-Mer français de Saint-Martin, la Guadeloupe, Guyane et Martinique), un vaste programme d’équipement en mouillage organisé est déployé depuis...
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BIBLIOGRAPHIE
-
(1) - BRONDIZIO (E.S.), SETTELE (J.), DÍAZ (S.), NGO (H.T.) (Dir.) - Global assessment report on biodiversity and ecosystem services of the Intergovernmental. - Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services, IPBES secrétariat, Bonn, Allemagne, IPBES (2019).
-
(2) - THRELFALL (C.G.), MARZINELLI (E.M.), OSSOLA (A.), BUGNOT (A.B.), BISHOP (M.J.), LOWE (E.C.), DAFFORN (K.A.) - Toward cross-realm management of coastal urban ecosystems. - Frontiers in Ecology and the Environment, 19(4), p. 225-233 (2021).
-
(3) - PIANC - Towards a sustainable Waterborne transportation industry. - EnviCom Task Group 2 (2011).
-
(4) - KORBEE (D.), MOL (A.P.), VAN TATENHOVE (J.P.) - Building with Nature in marine infrastructure : toward an innovative project arrangement in the Melbourne channel deepening project. - Coastal Management, 42(1), p. 1-16 (2014).
-
(5) - PIOCH, SOUCHE - L’écoconception des infrastructures maritimes, vers un aménagement intégré à l’environnement. - ISTE...
DANS NOS BASES DOCUMENTAIRES
NORMES
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Management environnemental – Analyse du cycle de vie – Principes et cadre. - ISO 14040 - 2006
-
Systèmes de management environnemental – Lignes directrices pour intégrer l'écoconception. - ISO 14006 - 2020
ANNEXES
(liste non exhaustive)
Loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature (JORF du 13 juillet 1976).
Loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée (JORF du 13 juillet 1985).
Loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (JORF n° 0184 du 9 août 2016).
Ordonnance n° 2016-1058 du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes (JORF n° 0181 du 5 août 2016).
Décret n° 2016-1110 du 11 août 2016 relatif à la modification des règles applicables à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes (JORF n° 0189 du 14 août 2016).
HAUT DE PAGE2.1 Organismes – Fédérations – Associations (liste non exhaustive)
AFIE (Association française interprofessionnelle des écologues) :
AUGC (Association universitaire de génie civil) :
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