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RÉSUMÉ
Cet article a pour objet de montrer que les réseaux de transport-distribution de gaz naturel sont au cœur du fonctionnement des marchés de l’énergie en Europe comme aux États-Unis. Ce sont des infrastructures dites essentielles, dont l’accès doit être ouvert à tous les producteurs, fournisseurs et consommateurs. La position de monopole naturel de ces réseaux implique que les tarifs d’acheminement soient régulés donc fixés par des commissions de régulation indépendantes, que ce soit sur le réseau de transport ou sur celui de la distribution. Ces tarifs d’accès prennent en compte à la fois la capacité réservée et la quantité transitée.
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Jacques PERCEBOIS : Professeur émérite - Doyen honoraire de la faculté d’Économie - UMR CNRS ART-Dev 5281, Fondateur du CREDEN - Université de Montpellier, Montpellier, France
INTRODUCTION
Le gaz naturel, comme l’électricité, est une énergie qui a la particularité d’être distribuée à travers un réseau ; une infrastructure physique de transport et de distribution est le maillon quasi obligatoire entre le producteur (ou le fournisseur) et le consommateur. Certes il existe des cas particuliers, telle l’autoconsommation, mais celle-ci ne représente aujourd’hui qu’une part très modeste de la consommation de gaz. Le gaz naturel et l’électricité ont des points communs : ils assurent des missions de service public. C’est vrai en totalité pour l’électricité et il existe en France un droit à l’électricité inscrit dans la loi depuis 2000. Tous les résidents français sont raccordés au réseau depuis que l’électrification rurale a été achevée (au début des années 1960). En revanche tous les résidents français ne sont pas raccordés au réseau de gaz (1/3 seulement) et cela s’explique par le coût prohibitif d’extension des canalisations en milieu rural ; il y a seulement un droit au gaz dans les territoires où le gaz est distribué. On parle de mission de service public atténuée. Pour les autres consommateurs il existe des substituts, tels les gaz de pétrole liquéfiés (GPL, butane, propane) qui sont des sous-produits de la distillation du pétrole.
Mais il y a aussi des différences importantes entre ces deux énergies : le gaz se stocke, pas l’électricité (du moins à grande échelle). L’électricité a des usages captifs (l’éclairage, les machines et appareils électriques), pas le gaz. On peut se passer de gaz même si cette énergie a des vertus (moins polluante que le charbon ou le fioul). L’électricité est une énergie dont les perspectives sont prometteuses dans le cadre de la transition énergétique bas carbone. L’électricité représente aujourd’hui 25 à 27 % environ de la consommation finale d’énergie en France, et sa part devrait atteindre 55 % en 2050. Cette électricité devrait se substituer de plus en plus aux énergies carbonées (pétrole, charbon et gaz) dans les divers usages, y compris la mobilité. L’électricité nucléaire, hydraulique, éolienne et solaire sont des énergies décarbonées. La part du gaz naturel est en 2023 de l’ordre de 20 % de l’énergie finale en France mais cette part devrait décroître du fait de l’abandon progressif des énergies fossiles. L’électricité est une énergie nationale (la France est même exportatrice nette vers les pays limitrophes), alors que le gaz naturel est aujourd’hui totalement importé (à quelques quantités près extraites du sous-sol dans l’est ou le sud-ouest de la France). Ce gaz est en partie importé par gazoducs et de plus en plus sous forme de GNL (gaz naturel liquéfié) lorsqu’il provient de sources géographiquement éloignées.
Le gaz naturel présente un inconvénient par rapport au pétrole : il est très coûteux à transporter et il n’a pas d’usages « captifs ». Pour transporter le gaz sur longue distance, il faut construire des gazoducs avec des stations de compression tous les 100 ou 150 kilomètres pour propulser le gaz. On sait aujourd’hui construire des gazoducs sous la mer, comme c’est le cas en Méditerranée entre la Tunisie et la Sicile ou en mer Baltique entre la Russie et l’Allemagne, mais au-delà d’une certaine distance il faut liquéfier le gaz et cette technologie est très coûteuse. L’avantage c’est que le gaz liquide occupe un volume 600 fois moindre que le gaz à l’état gazeux. On le transporte ensuite dans des méthaniers à double coque. L’avantage du GNL sur le gazoduc est d’introduire plus de flexibilité dans l’approvisionnement des importateurs.
Pour qu’un marché du gaz se développe il faut que plusieurs conditions soient simultanément réunies : une masse critique d’utilisateurs pour rentabiliser le réseau, des solutions techniques pour transporter le gaz sur longue distance, un prix compétitif avec les substituts puisque le gaz n’a pas d’usages « captifs » et un prix à la frontière du pays exportateur suffisamment rémunérateur pour que le producteur rentabilise les investissements consentis dans l’amont de la chaîne. Cela explique que le gaz naturel n’alimente pas les campagnes. Ainsi, en France, il y a près de trois fois moins de clients raccordés au réseau de gaz que de clients raccordés au réseau d’électricité.
En France, le réseau de transport de l’électricité est géré par RTE (Réseau de transport de l’électricité), filiale à 50 % d’EDF. La distribution est assurée par Enedis, filiale à 100 % d’EDF, concessionnaire « obligé » des collectivités locales (ce que dit la loi), hormis quelques localités où existent des entreprises locales de distribution (ELD), telles les régies municipales. Le réseau de transport est la propriété de RTE, le réseau de distribution est la propriété des collectivités locales (communes, agglomérations, métropoles) et Enedis n’est que le concessionnaire de ces autorités concédantes. Il existe deux réseaux de transport de gaz naturel en France, le principal étant celui géré par GRTgaz, filiale à 70 % d’Engie (ex Gaz de France). Pour des raisons historiques il existe un second réseau, plus modeste, dans le sud-ouest, Teréga (ex TIGF). La distribution du gaz est effectuée par GRDF, filiale à 100 % d’Engie, là encore concessionnaire « obligé », et par quelques régies municipales.
Dans tous les cas de figure, que ce soit pour les réseaux de transport de gaz et d’électricité ou pour les réseaux de distribution, l’accès aux réseaux est libre et non discriminatoire depuis la libéralisation des industries de réseaux au début des années 2000 en Europe. On parle d’accès des tiers aux réseaux (ATR). Tous les fournisseurs et tous les consommateurs peuvent utiliser ces réseaux, moyennant l’acquittement de péages fixés par les pouvoirs publics. Ces réseaux sont encore publics en France, ce qui n’est pas le cas partout en Europe, mais leur activité est juridiquement séparée de celle des producteurs et de celle des fournisseurs.
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5. Tarification des interconnexions aux frontières
Les capacités de transport aux interconnexions transfrontalières sont allouées dans le cadre d’enchères dont les principes sont établis par le code de réseau européen (ENTSOG et ACER). Les enchères sont effectuées avec un prix de réserve correspondant au tarif régulé d’accès des tiers au réseau de transport (ATRT), ce qui revient à dire que le tarif payé au niveau de l’interconnexion peut être supérieur à ce tarif ATRT mais qu’il ne peut pas lui être inférieur. Les recettes exceptionnelles (au-delà des coûts) liées à ces enchères ne constituent pas un profit pour les gestionnaires de réseaux, qui doivent en faire profiter le consommateur, ceci pour éviter que ces gestionnaires ne soient incités à provoquer des congestions.
Une grande partie des souscriptions se fait dans le cadre de contrats à long terme, ce qui est logique si l’on veut garantir la sécurité d’approvisionnement, mais on trouve aussi des souscriptions semestrielles, trimestrielles et mensuelles. En 2023, la proportion des souscriptions réalisées à un prix supérieur au tarif ATRT a été de l’ordre de 7 %, ce qui traduit l’existence de congestions aux frontières.
Le point d’interconnexion le plus souscrit en 2023 a été Oltingue à la frontière franco-suisse, suivi de Dunkerque pour ce qui est des gazoducs ; le poids d’Obergailbach a chuté depuis l’arrêt presque total du gaz importé de Russie par gazoducs (mais on importe toujours du GNL russe). À l’inverse le rôle des terminaux méthaniers s’est amplifié : la part du GNL a dépassé 59 % du gaz importé par la France en 2023, contre 41 % pour le gaz transporté par gazoducs. Avec 398 navires méthaniers arrivés en France en 2022 et 360 en 2023 les terminaux méthaniers ont été utilisés à plus de 95 % de leurs capacités en 2022 et 80 % en 2023 (source CRE).
Les principaux fournisseurs de gaz naturel de la France ont été les suivants en 2022 par ordre décroissant (tous gaz confondus) : États-Unis (25 %), Norvège (22 %), Russie (15 %), Algérie (8 %), Qatar (4 %), Pays-Bas (3 %), Nigeria (2 %), autres (21 %).
Le Pacte Vert puis le paquet législatif « Fit for 55 % » ont acté la nécessité de réduire la consommation de gaz naturel d’origine fossile en Europe (réduction de 30 % d’ici...
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BIBLIOGRAPHIE
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(1) - CAMPAGNOLA (F.) - Précis de droit de l’énergie, - préface de J. PERCEBOIS, éd. L’Harmattan (2023).
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(2) - CHEVALIER (J.M.) - Les grandes batailles de l’énergie, - préface de C. MANDIL, éd. Folio (2004).
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(3) - HANSEN (J.P.), PERCEBOIS (J.) - Énergie : économie et politiques, - préface de M. BOITEUX et avant-propos de J. TIROLE, 3e édition, éd. de Boeck (2019).
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(4) - MÉRITET (S.), VAUJOUR (J.B.) - Économie de l’énergie. - Dunod (2015).
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(5) - BELTRAN (A.), WILLIOT (J.P.) - Les routes du gaz. Histoire du transport du gaz naturel en France. - Éd. Le Cherche-Midi (2012).
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