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RÉSUMÉ
Les divers paramètres permettant de caractériser un matériau multiphasé sont passés en revue. Les bornes classiques du comportement mécanique sont décrites, puis les principales approches (essentiellement unidimensionnelles) permettant d'estimer ce comportement sont présentées, par ordre de complexité croissante : lois de mélange "simples", modèles utilisant la mécanique de l'inclusion d'Eshelby, calculs numériques (automates cellulaires, éléments finis). Enfin, certaines caractéristiques rhéologiques spécifiques aux agrégats biphasés sont analysées.
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Frank MONTHEILLET : Directeur de recherche au CNRS École nationale supérieure des mines de Saint-Étienne Centre science des matériaux et des structures Unité CNRS plasticité, endommagement et corrosion des matériaux
INTRODUCTION
Pourquoi s’intéresser au comportement des matériaux multiphasés ?
On remarquera tout d’abord que les matériaux réels sont toujours hétérogènes, à l’exception possible des monocristaux de haute pureté et non-déformés. Dans les matériaux monophasés, la densité de dislocations, la taille et l’orientation des grains sont distribuées de manière hétérogène. A fortiori, lorsque plusieurs phases sont présentes, la forme, la taille, l’orientation et les relations spatiales entre les domaines homogènes constituent autant de sources d’hétérogénéité [1]. Or, les métaux présentent généralement à l’état pur des caractéristiques mécaniques (dureté, limite d’élasticité) insuffisantes, et sont donc le plus souvent utilisés sous la forme d’alliages. C’est ainsi que dès la protohistoire, les bronzes (alliages de cuivre et d’étain) et les laitons (alliages de cuivre et de zinc) ont remplacé le cuivre pur.
Lorsqu’un élément est ajouté à un métal pur à l’état liquide, trois structures peuvent être observées après refroidissement du mélange :
-
soit une solution solide homogène (par exemple, pour Ni-Cu en toute proportion) ;
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soit une matrice contenant une seconde phase minoritaire constituée d’inclusions solidifiées avant la matrice, ou de précipités formés à l’état solide (par exemple, oxydes dans le cuivre, carbures dans le fer) ;
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soit enfin, un mélange de deux ou plusieurs phases de caractéristiques chimiques, géométriques et mécaniques distinctes, et dont les fractions volumiques sont du même ordre de grandeur.
On parle, alors suivant les cas, d’alliage biphasé ou multiphasé. Certains matériaux hétérogènes obtenus par frittage, ainsi que certains composites, sans être des alliages à proprement parler, relèvent de la même catégorie de matériaux hétérogènes, qui fera l’objet de cet article.
Si les matériaux multiphasés apparaissent ainsi incontournables, il faut également souligner que la présence de plusieurs phases de propriétés différentes peut être bénéfique. La première idée élémentaire consiste à cumuler les qualités (et non les défauts !) des deux phases : ainsi le mélange d’une phase dure mais fragile (par exemple, le carbure de tungstène WC), et d’une phase ductile mais molle (par exemple, le cobalt), conduit à un compromis intéressant de dureté et de ductilité dans le composite WC-Co. Encore faut-il s’assurer que le mélange n’est pas à la fois fragile et mou ! Mais, l’intérêt pour le comportement des matériaux biphasés ne s’arrête pas là, comme le montrent les deux exemples suivants.
Dans le cas des tôles en acier de construction, la nécessité d’accroître la limite d’élasticité par une réduction de la taille des grains amène les fabricants à terminer la gamme de laminage dans le domaine de « déformation à tiède », c’est-à-dire suivant les cas dans le domaine ferrite + austénite, ou ferrite + cémentite.
De même, les alliages de titane utilisés dans l’aéronautique sont généralement forgés en partie dans le domaine biphasé α + β, de manière à fragmenter les lamelles de phase α pour obtenir une structure à grains équiaxes. On sait, par ailleurs, que ces alliages peuvent présenter un domaine de superplasticité qui peut être exploité pour la mise en forme de certaines pièces. C’est précisément dans le domaine biphasé (au voisinage de la composition équivolumique) que le comportement superplastique présente son optimum, car les grains ne croissent que lentement au cours de la mise en forme. Les exemples qui précèdent montrent bien la nécessité et l’intérêt de maîtriser le comportement des matériaux multiphasés.
Précisons maintenant les problèmes qui seront examinés dans cet article.
Le premier concerne la détermination du comportement rhéologique global d’un matériau multiphasé, c’est-à-dire de sa loi de comportement macroscopique, à partir du comportement supposé connu de ses éléments constitutifs (domaines homogènes) et de leur agencement dans l’alliage, dont la connaissance peut être, suivant les cas, plus ou moins précise. Il s’agit là d’un problème d’homogénéisation, ou encore de détermination d’un comportement « moyen ».
Le second problème concerne la détermination du comportement local du matériau : évolution de la forme des domaines homogènes, distribution locale des déformations et des contraintes. C’est un problème de localisation, bien connu des mécaniciens.
La résolution du premier problème est capitale pour le calcul des efforts existant dans la mise en forme du matériau hétérogène, ou encore pour la prévision de sa résistance au fluage, tandis que le second concerne plus étroitement sa ductilité (liée à la genèse de contraintes interfaciales) ou l’évolution de sa microstructure.
Nous nous limiterons ici à la présentation de diverses approches issues de la mécanique des milieux continus, qui seront appliquées à l’échelle des domaines homogènes, souvent qualifiée d’échelle mésoscopique. Les matériaux constituant les domaines homogènes seront considérés comme isotropes et, corrélativement, leur structure cristalline ne sera pas prise en considération. Enfin, les problèmes seront traités dans le cas particulier d’un matériau biphasé, l’extension à un nombre plus grand de phases pouvant généralement se faire sans difficulté.
On commencera par dresser l’inventaire des divers paramètres permettant de caractériser un matériau biphasé, en précisant les notations utilisées 1. Puis, seront exposées les méthodes utilisées pour élaborer, soit des bornes du comportement rhéologique macroscopique 2, soit des estimations de celui-ci 3. Enfin, une analyse plus approfondie du comportement des alliages biphasés sera présentée au travers de leurs paramètres rhéologiques 4.
VERSIONS
- Version courante de juin 2012 par Frank MONTHEILLET
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2. Bornes du comportement rhéologique
2.1 Théorèmes d’extremum en élasticité et viscoplasticité
En élasticité, il est usuel d’introduire les potentiels des déformations U(ε) et des contraintes V(σ) :
tels que :
Dans le cas d’un matériau élastique linéaire, représente la densité d’énergie élastique stockée dans le matériau. Plus généralement, les potentiels U et V vérifient la relation .
Une démarche analogue existe en viscoplasticité, où l’on définit les deux potentiels des vitesses de déformation (work rate) , et des contraintes (co-work rate) J(σ) :
tels que :
avec :
- σ :
- contrainte d’écoulement
- :
- vitesse de déformation équivalente (von Mises) du matériau.
La puissance...
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Bornes du comportement rhéologique
BIBLIOGRAPHIE
-
(1) - WILKINSON (D.S.), POMPE (W.), OESCHNER (M.) - Modeling the mechanical behaviour of heterogeneous multiphase materials - . Prog. Mater. Sci. 46, p. 379-405 (2001).
-
(2) - DELESSE (A.) - Procédé mécanique pour déterminer la composition des roches - . Ann. Mines 13, p. 379-388 (1848).
-
(3) - CASTRO (R.), SERAPHIN (L.) - Contribution à l’étude métallographique et structurale de l’alliage de titane TA6V - . Mém. Sci. Rev. Métall. 63, p. 1025-1058 (1966).
-
(4) - GURLAND (J.) - A structural approach to the yield strength of two-phase alloys with coarse microstructures - . Mater. Sci. Eng. 40, p. 59-71 (1979).
-
(5) - CADET-MESSIAEN (L.) - Recherche de paramètres morphologiques influents pour la prévision des caractéristiques mécaniques d’un acier austéno-ferritique - . Thèse, École des mines de Saint-Étienne (1997).
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