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RÉSUMÉ
En 2008 Satoshi Nakamoto définissait un nouveau modèle de monnaies, dont l'émission et la gestion s'opèrent sur un réseau pair-à-pair sans contrôle centralisé. Le Bitcoin qui est la première monnaie cryptographique créée sur ce modèle existe depuis janvier 2009. Il tient très bien. Comme les 700 autres monnaies du même type créées à sa suite, il fonctionne grâce à une blockchain. C'est un fichier partagé et collectivement contrôlé par un réseau pair-à-pair. Il peut servir à bien d'autres buts que la création de monnaie. Une multitude d'applications sont, grâce à cette technologie, étudiées et mises en place progressivement, en particulier dans le monde des banques et de la finance.
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Jean-Paul DELAHAYE : Professeur émérite à l’université de Lille1 Centre de recherche en informatique, signal et automatique de Lille (CRISTAL), UMR CNRS 9189, France
INTRODUCTION
La cryptographie mathématique a acquis une maturité remarquable depuis la seconde guerre mondiale. En même temps, les progrès dans la conception et la réalisation matérielle des réseaux informatiques ont conduit à en concevoir fonctionnant sans centre principal de commande : les réseaux pair-à-pair. Ces deux éléments associés à la puissance de calcul et de mémorisation dont chaque machine dispose aujourd’hui ont rendu possible la conception de nouveaux moyens de paiement qui ne ressemblent à aucun autre et sont susceptibles de bouleverser l’économie et la finance, voire bien d’autres secteurs d’activité.
Fin 2008, l’énigmatique Satoshi Nakamoto – c’est un pseudonyme – publie sur les réseaux un texte décrivant comment il est possible de mettre en place un système d’échange d’unités monétaires (qu’il nomme les bitcoins) qui n’a besoin d’aucun contrôle centralisé pour fonctionner, contrairement à toutes les monnaies et à tous les systèmes de paiement en ligne. Le 3 janvier 2009, les programmes nécessaires au lancement de cette première « crypto-monnaie » sont prêts et elle est créée. Après des débuts confidentiels où seuls quelques experts en cryptologie connaissent son existence et s’y intéressent, elle se met à prospérer. Son cours, dérisoire en 2009, prend son envol, lui donnant une réalité concrète. Début 2013, un bitcoin vaut une dizaine d’euros. L’année 2013 est celle du décollage du bitcoin qui acquiert alors une notoriété mondiale. Il voit son cours multiplié par 50 en un an, pour atteindre 580 euros, le 1er janvier 2014. Après une période d’hésitations et de baisses de deux ans, en 2016, il regagne un cours entre 500 et 800 euros (607 euros le 1er juillet, 728 euros le 8 décembre 2016). Ses variations sont devenues raisonnables. Contrairement à ce qui avait été annoncé par de nombreux analystes hostiles à cet étrange objet numérique souvent mal compris, le bitcoin s’est toujours bien maintenu. Aujourd’hui, la capitalisation totale des 16 millions de bitcoins émis dépasse 11 milliards d’euros (le 8 décembre 2016). À partir de rien, la cryptologie mathématique et la technologie réseau ont donc créé des devises numériques qui s’échangent contre de l’argent sonnant et trébuchant, permettant par exemple à un étudiant norvégien – Kristoffer Koch – qui avait acquis pour 25 euros de bitcoins en 2009, d’en revendre une partie pour s’acheter un appartement au centre d’Oslo. Plusieurs centaines de crypto-monnaies, copiant plus ou moins le bitcoin ont été introduites, mais le bitcoin reste très largement dominant : sa capitalisation représente 80 % environ de la capitalisation de toutes les crypto-monnaies.
L’idée de cette monnaie est que, grâce à un subtil agencement de protocoles cryptographiques, on peut émettre une monnaie dont le contrôle se fera collectivement sur un réseau pair-à-pair, sans qu’aucune autorité ne dispose du pouvoir d’agir sur elle... et en particulier d’émettre de nouveaux bitcoins. Le protocole de Nakamoto a été rendu possible grâce aux fonctions de hachage cryptographique (qui assurent l’intégrité d’un gros fichier de comptes), aux protocoles de signatures à double clé (qui certifient que seul le détenteur d’un compte l’utilise), au concept de preuve de travail (qui organise un système d’incitation pour que de nombreux utilisateurs participent à la gestion et à la surveillance du système).
Ces primitives, convenablement assemblées, réalisent un dispositif numérique qu’on pensait impossible auparavant. La mise en place du protocole bitcoin doit aussi son existence à la puissance informatique dont chacun dispose et qui fait qu’avec son ordinateur personnel il peut contribuer à la surveillance de la monnaie bitcoin au travers d’un réseau pair-à-pair. Ceux qui le souhaitent peuvent télécharger des logiciels open source et participer à la surveillance de la monnaie bitcoin, c’est-à-dire vérifier que personne ne crée des bitcoins non prévus par le protocole, et que toutes les transactions se déroulent conformément aux règles définies au départ par Nakamoto (ces règles peuvent évoluer, mais seulement lentement, et à la suite de votes où seuls participent ceux qui contribuent collectivement à sa gestion).
Le registre des comptes qui détient une trace de chaque transaction entre comptes bitcoin depuis 2009 se nomme la blockchain. Chaque nœud principal (full node) du réseau (c’est-à-dire participant à sa gestion) en détient une copie et c’est cette information partagée, indestructible et infalsifiable qui assure la sécurité des comptes. Il y a aujourd’hui 5 000 nœuds principaux : 5 314 précisément le 8 décembre 2016. Personne ne peut manipuler un compte, personne ne peut créer d’autres bitcoins que ceux prévus par le protocole qui, grâce à cette blockchain, engendre et maintient la confiance des utilisateurs. Ce succès a conduit à envisager d’autres applications de telles blockchains. On les utilise pour mémoriser et garantir les informations d’un cadastre, pour enregistrer les données sur la localisation d’œuvres d’art, pour détenir et garantir l’authenticité des listes des diplômes délivrés par des écoles et des universités et qu’on souhaite rendre consultables par tous, pour organiser toutes sortes de transactions, jeux, votes ou paris, etc. De tels fichiers partagés et collectivement surveillés semblent fournir plus de garanties et de fiabilité que les méthodes traditionnelles à base de tiers de confiance (un opérateur central qui détient le fichier doit le mettre à jour, le sécuriser et le rendre accessible, partiellement le plus souvent). C’est la raison d’un intérêt croissant depuis trois ans pour cette technologie des blockchains directement inspirée du bitcoin. Notons qu’elle n’en dépend pas et s’en éloigne souvent, tant les variantes sont nombreuses et s’ajustent à des applications variées et innovantes.
dans ce texte nous avons utilisé des extraits de textes publiés par nous précédemment au sujet du bitcoin et des blockchains, par exemple dans notre blog ( http://www.scilogs.fr/complexites/). Le texte ici proposé est cependant une synthèse nouvelle et originale d’informations et une mise à jour aussi précise que possible à la date du 9 décembre 2016 sur ce sujet en évolution rapide.
VERSIONS
- Version courante de déc. 2020 par Jean-Paul DELAHAYE
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2. Robustesse des bitcoins
Les bitcoins n’existent pas matériellement, ils n’existent que sur le réseau pair-à-pair. Ils sont le résultat d’un consensus entre utilisateurs qui, grâce aux informations présentes sur le réseau et que chacun peut consulter et contrôler, indiquent quelles sommes d’argent se trouvent sur les comptes. L’ensemble des comptes est stocké dans un fichier – la blockchain – accessible à tous. Plus précisément, la blockchain contient l’ensemble des transactions (validées par page ou « bloc ») depuis le début du bitcoin, dont on peut déduire le contenu en bitcoins de chaque compte.
Seul le leader d’un pool de mineurs contrôle la correction des transactions et leur inscription dans la blockchain. Il doit avoir téléchargé la blockchain (ce n’est pas rien !) dont il garde une copie. Il la met à jour toutes les dix minutes en lui ajoutant une nouvelle page (block). Les autres mineurs d’un pool travaillent juste à accroître sa puissance de calcul de hash (voir plus loin), pour augmenter la probabilité que le pool gagne chaque 10 minutes.
Le protocole cryptographique de la monnaie assure que personne ne peut manipuler la blockchain, fausser les transactions, ou émettre d’autres bitcoins que ceux prévus (et qui apparaissent dans la blockchain). Il y a 16 millions de bitcoins en circulation aujourd’hui (décembre 2016). Tous ont été émis pour récompenser les mineurs. Le rythme d’émission a été fixé dès le départ et ne peut pas changer :
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50 bitcoins toutes les 10 minutes pendant les quatre premières années environ ;
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25 bitcoins toutes les 10 minutes pendant les quatre années suivantes environ (en fait jusqu’au mois de juillet 2016) ;
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12,5 ensuite, etc.
La division par deux de la récompense (appelée « halving ») se poursuivra jusqu’à ce que la somme distribuée devienne négligeable. Le nombre total de bitcoins émis ne dépassera jamais 21 millions de bitcoins (c’est la somme des termes d’une suite géométrique de type X + X/2 + X/4 + X/8 + ...).
La robustesse du protocole – confirmée par huit ans de fonctionnement – rend l’existence virtuelle et purement numérique des bitcoins aussi...
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Robustesse des bitcoins
BIBLIOGRAPHIE
-
(1) - DELAHAYE (J.-P.) - Bitcoin, la crypto-monnaie. - Pour la science, p. 76-81, déc. 2013.
-
(2) - DELAHAYE (J.-P.) - Les preuves de travail. - Pour la science, p. 86-91, avr. 2014.
-
(3) - DELAHAYE (J.-P.) - Mathématiques et mystère. - Éditions Belin (2016). [Trois chapitres consacrés respectivement au bitcoin, aux blockchains, aux preuves de travail.]
-
(4) - HERLIN (P.) - Apple, Bitcoin, Paypal, Google : la fin des banques. - Eyrolles (2015).
-
(5) - KROLL (J.) et al - The economics of bitcoin mining, or bitcoins in the presence of adversaries. - 12th Workshop on the economics of information security (2013).
-
(6) - MOUGAYAR (W.) - The business blockchain, promise, practice, and applications of the next internet technology. - ...
DANS NOS BASES DOCUMENTAIRES
-
Paiement sécurisé sur internet avec le protocole SET.
ANNEXES
[BNS] Bitcoin Network Shaken by Blockchain Fork http://bitcoinmagazine.com/3668/bitcoin-network-shaken-by-blockchain-fork/ (page consultée le 29 septembre 2016)
[CEV] Vulnerabilities CVE-2010-5139 https://en.bitcoin.it/wiki/Common_Vulnerabilities_and_Exposures#CVE-2010-5139 (page consultée le 29 septembre 2016)
[CHOI] Choisir votre portefeuille bitcoin https://bitcoin.org/fr/choisir-votre-porte-monnaie (page consultée le 29 septembre 2016)
[DEL] Autour du bitcoin http://www.lifl.fr/~jdelahay/LeBitcoin/ (page consultée le 29 septembre 2016)
[OSE] Qui osera dire après cela que le bitcoin n’est pas un marché manipulé ? http://www.forex.fr/newslist/6814-qui-osera-dire-apres-cela-que-le-bitcoin-nest-pas-un-marche-manipule (page consultée le 29 septembre 2016)
[PEO] 927 People Own Half Of All Bitcoins http://www.businessinsider.com/927-people-own-half-of-the-bitcoins-2013-12 (page consultée le 29 septembre 2016)
[PLA] Plateforme d’échange bitcoin https://bitcoin.fr/acheter-bitcoin/ (page consultée le 29 septembre 2016)
[SCR] The 9 Biggest Screwups in Bitcoin History http://www.coindesk.com/9-biggest-screwups-bitcoin-history/ (page consultée le 29 septembre 2016)
[TRAN1] Transaction https://en.bitcoin.it/wiki/Transaction (page consultée le 29 septembre 2016)
[TRAN2]...
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