Créée en 2017 près de Lille, Wavely a développé une technologie d’analyse sonore qui mêle traitement de signal audio et intelligence artificielle. Embarquée dans des capteurs communicants, cette technologie a donné naissance à des solutions de reconnaissance sonore destinées aux acteurs de l’industrie, du BTP ou encore des collectivités, qui peuvent ainsi être alertés lorsqu’un bruit anormal se manifeste : fuite de gaz, dysfonctionnement d’une machine, ou encore nuisance sonore liée à un chantier.
Wavely est le fruit d’un travail de recherche mené à l’Institut d’Électronique, Microélectronique et de Nanotechnologies (IEMN) de Villeneuve-d’Ascq, près de Lille, par Nicolas Côté – chercheur en acoustique, expert en traitement du signal et perception sonore – et Alexis Vlandas, chercheur au CNRS et physicien des matériaux, rejoints par Marion Aubert, passée par Sciences Po et HEC.
À grand renfort d’IA, la technologie de Wavely permet la reconnaissance, en local, directement sur des capteurs connectés, des bruits indésirables et des sons indicateurs d’un dysfonctionnement. Outre la détection de fuites de gaz, mise en œuvre auprès de clients tels que Totalenergies ou Air Liquide, l’entreprise nordiste propose une solution baptisée Modul’ear – combinant capteurs et plateforme en ligne – capable d’identifier nativement plusieurs dizaines de signatures sonores. Wavely propose également d’adapter cette solution aux besoins spécifiques de certains de ses clients, en lui « apprenant » à reconnaître des bruits nouveaux. C’est ce que nous explique le CEO et co-fondateur de Wavely, Nicolas Côté
Techniques de l’Ingénieur : Quand et comment Wavely a-t-elle vu le jour ?
Nicolas Côté : Wavely est une entreprise universitaire ; elle utilise une technologie issue d’un laboratoire académique. Après un an d’incubation dans la métropole lilloise, à Euratechnologies, la société a été créée en avril 2017 par trois cofondateurs : Alexis Vlandas, chercheur au CNRS et physicien des matériaux, Marion Aubert[1], passée par Sciences Po et HEC, et moi-même. J’étais à l’époque enseignant-chercheur. Je suis donc sorti du parcours « classique » de la recherche académique pour pouvoir porter tous les aspects techniques liés à Wavely.
Nous avons suivi le parcours typique d’une start-up, en réalisant notamment une première levée de fonds dès le mois de décembre 2017, qui nous a permis de développer la technologie.
Quel est le principe de base de cette technologie ? Comment êtes-vous parvenus à la mettre au point ?
Notre technologie mêle intelligence artificielle et IoT. Nos capteurs communicants incluent un microphone, qui permet de capter l’environnement sonore. Ce son est ensuite analysé par nos algorithmes d’IA afin d’identifier les différents bruits : le passage d’une voiture, le cri d’une personne, le ronronnement d’un moteur… Cette analyse est réalisée directement sur place, grâce aux composants de nos capteurs IoT. Nous sommes certainement les seuls en France à faire cela.
Il s’agit donc d’une technologie assez complexe, qui a nécessité un important travail de R&D. Pour le financer, nous avons réalisé une levée de fonds, mais nous avons aussi reçu un soutien important de la part de Bpifrance ; notamment dans le cadre d’un projet i-Lab, puis d’une aide au développement deeptech.
Nous sommes partis, au départ, d’un capteur communicant assez simple, qui faisait simplement de la mesure de niveau sonore. Nous y avons ensuite intégré des composants permettant d’exécuter des modèles d’identification en deep learning[2]. Ce travail de R&D se poursuit, l’idée étant de parvenir à mettre à jour en continu les modèles d’IA présents sur les capteurs, afin qu’ils soient capables d’identifier des bruits nouveaux, d’apprendre de manière autonome.
Pouvez-vous nous en dire plus sur les aspects matériels et logiciels de vos solutions ?
Sur l’aspect matériel, nous nous appuyons en partie sur des cartes électroniques existantes, mais nous avons aussi développé notre propre carte d’acquisition acoustique. Des partenaires tels que STMicroelectronics nous ont aidés à développer un certain nombre de solutions dédiées au traitement du signal. Un gros travail a également été réalisé en interne au niveau du développement du capteur et de l’intégration mécanique.
La solution se destinant notamment au secteur du gaz et du pétrole, les capteurs ont par ailleurs été conçus de manière à répondre aux exigences de la réglementation ATEX[3].
En ce qui concerne la partie logicielle, nous avons véritablement développé nos propres briques technologiques, qui sont en effet très spécifiques. Nos capteurs génèrent d’importantes quantités de données. Nous avons donc dû développer nos propres solutions de traitement, qui se rapprochent en quelque sorte de ce qui se fait pour le traitement d’images. La grande différence avec le secteur de la vidéoprotection est que la majorité des opérations de traitement du signal audio sont réalisées directement sur nos capteurs, et non sur un serveur distant. Nos capteurs étant notamment voués à être installés sur le domaine public, ce traitement en grande partie local nous permet d’être en accord avec le RGPD[4].
Quelles sont les applications possibles, sur le terrain, de vos solutions ?
Nous adaptons notre technologie d’identification de sources sonores aux besoins de nos clients. Nous avons aujourd’hui 130 capteurs déployés sur le terrain, chez des clients. Un tiers de ces capteurs est déployé sur des chantiers de construction, afin de détecter les nuisances sonores liées à certains équipements. Par exemple, si le bruit d’un marteau-piqueur est détecté sur un chantier tôt le matin alors que cela est interdit par la municipalité, le capteur va envoyer une alerte au chef de chantier. Nous sommes capables d’identifier 18 sources sonores différentes, directement liées aux activités des chantiers, mais aussi aux transports, aux bruits de voisinage, etc.
Nous avons aussi un autre tiers de capteurs installés sur des sites industriels, pour détecter des fuites de gaz et assurer ainsi la sécurité des salariés. Nous travaillons déjà avec TotalEnergies et Air Liquide, et nous avons aussi un travail en cours avec GRDF.
Le dernier tiers concerne des preuves de concept mises en œuvre avec des industriels, qui nous demandent d’adapter nos technologies à leurs problématiques : surveillance de convoyeurs, de robinets… dont nous pouvons détecter les anomalies en identifiant certains bruits particuliers.
Quels sont les intérêts de traiter des signaux acoustiques, plutôt que des images pour assurer ces services de surveillance ?
D’une certaine manière, analyse acoustique et vidéo peuvent être complémentaires. Ceci dit, le son a un avantage majeur par rapport à la vidéo : il est capté à 360°. Le capteur acoustique est aussi moins visible, plus petit, et se révèle ainsi moins intrusif.
Quelles seront les prochaines grandes étapes du développement de Wavely ?
Wavely existe depuis plus de cinq ans maintenant. Nous avons réalisé depuis sa création beaucoup de travail de développement interne, mais aussi, en 2021, une phase d’industrialisation de notre solution Modul’ear. En partant des 130 capteurs déployés chez nos clients, notre objectif est désormais de doubler ce chiffre d’ici fin 2023.
Je tiens par ailleurs à souligner l’aide précieuse que nous ont apportée des soutiens tels que Bpifrance et le réseau Entreprendre, sans qui tout cela n’aurait pas été possible.
- [1] Marion Aubert a quitté l’entreprise il y a un peu plus d’un an.
- [2] Apprentissage profond
- [3] Atmosphère explosive
- [4] Règlement général sur la protection des données
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