Choisir sa trajectoire, la durée du voyage et du séjour sur place, choisir son type de véhicule et la manière dont on quitte la Terre. Autant d'options stratégiques préalables à réfléchir et financer avant même de penser aux défis du voyage et de l'arrivée.
La première contrainte du voyage vers Mars, c’est celle de la fenêtre de départ : avec les technologies actuelles de voyage dans l’espace, le départ n’est possible que tous les deux ans. En effet, la distance entre Mars et la Terre varie entre 56 et 400 millions de kilomètres selon leurs positions sur leurs orbites respectives. Et la bonne conjonction, qui permet un voyage le plus court, c’est-à-dire environ 7 mois, se situe quand Mars et la Terre sont en opposition, soit à peu près tous les deux ans. Du coup pour le retour cette contrainte impose de choisir entre deux versions : soit on reste un à deux mois maximum avant de repartir, soit on est obligé d’attendre plus d’un an et demi sur place.
Quels lanceurs lourds pour quitter la Terre ?
Décoller de la Terre pour aller dans l’espace est presque devenu un exercice de routine aujourd’hui, mais… c’est pour de petites charges utiles comme des satellites ou des sondes. Pour aller sur Mars, il faut propulser hors de l’attraction terrestre entre 300 et 500 tonnes. Deux options sont à l’étude actuellement, soit le lancement de plusieurs modules de l’ordre de 50-100t que l’on assemble dans l’espace ou qui voyagent séparément, soit un vaisseau géant que l’on fait décoller directement depuis la Terre.
La Nasa mise sur le multimodulaire
La première version est celle envisagée par la Nasa. Elle s’appuie sur la mise au point d’un nouveau lanceur lourd, le SLS (Space Launch System) dont les premiers vols avec la capsule de transport de passagers Orion sont planifiés pour fin 2018. Il doit être capable de mettre en orbite basse terrestre quelques 130t et de lancer vers Mars un module de 50t. La conquête de Mars par la Nasa a été beaucoup revue à la baisse et les derniers objectifs affichés prévoit d’abord la validation de toutes les étapes du voyage spatial via de petites missions (autour de la Lune, en contact avec un astéroïde etc.) avant d’envoyer des hommes vers Mars, un jour. La date de 2030 initialement prévue ayant été repoussée à une date inconnue. Et pour le moment, il n’est pas envisagé de s’installer sur Mars mais seulement de rester en orbite. La Nasa a construit différents projets pour Mars, tablant à chaque fois sur l’envoi de plusieurs modules. Par exemple, l’envoi d’un module autonome qui atterrit et prépare le terrain pour l’arrivée des astronautes, un module de voyage spatial qui reste en orbite et qui sert de base orbitale pour les astronautes. Un troisième module servant à faire la navette entre la planète rouge et ce vaisseau. Le nombre d’astronautes restant restreint à un équipage de 4 à 6 personnes.
Space X et son cargo géant
D’un autre côté, on trouve Space X dont le concept est celui d’un vaisseau unique qui décolle de la Terre, se pose sur Mars et revient. Bref, il reprend le concept de sa fusée réutilisable Falcon 9 et de sa capsule dragon mais à une toute autre échelle. Cet ambitieux projet, présenté fin septembre 2017, même s’il a été revu à la baisse par rapport à l’ITS (Interplanetary Transport System) annoncé en 2016, reste pharaonique.
Le système, baptisé BFR (pour Big Falcon Rocket ou Big Fucking Rocket), est constitué de trois entités : un lanceur lourd (31 moteurs Raptors) capable de mettre en orbite basse 150t, un vaisseau spatial qui peut servir de cargo de marchandises ou de transports de passagers avec 40 cabines de 2-3 places et un système de tanker pour établir des réservoirs de carburant en orbite et ravitailler le vaisseau hors de l’atmosphère terrestre. Le tout étant récupérable et réutilisable. L’objectif pour la petite firme américaine : remplacer la gamme de fusées et de capsules par un seul système. Et pour rendre cela rentable, la BFR servirait donc à la fois de lanceurs de satellites, de lanceurs et vaisseau pour des missions cislunaires ou dans l’espace proche, de ravitaillement pour la (les) stations spatiales internationales et pourquoi pas de nouveau type de transport terrestre permettant de relier Bangkok-Dubaï en 27mn. Pour ce qui est du calendrier, tout le monde s’accorde à dire qu’il est intenable : le BFR vers 2020, les deux premières missions inhabitées sur Mars en 2022 pour préparer de manière automatisée l’arrivée des premiers voyageurs stellaires en 2024 ! Sachant que le premier pas à franchir pour SpaceX est la validation du lanceur Falcon Heavy (capacité de 30t en orbite basse) dont le premier vol est annoncé en novembre 2017 et la validation d’un vol avec un équipage pour la capsule Dragon.
D’autres candidats ?
Parmi les autres puissances spatiales, personne n’envisage de s’attaquer au vol habité vers Mars avec la construction d’un lanceur lourd. Car outre les défis technologiques, le coût est un frein indéniable. C’est d’ailleurs pourquoi cet été, la Nasa a annoncé que le vol habité vers Mars avec colonisation était remis aux calendes grecques. Et si le SLS et la capsule Orion ont été maintenu malgré leur coût annoncé de 2 Md$ de conception et d’un milliard de dollars pour chaque lancement c’est parce qu’ils doivent servir au nouvel objectif américain d’installation sur la Lune. L’outsider Mars One, une entreprise privée fondée par le néerlandais Bas Lansdorp, dont la mission prévoit une installation sur Mars sans retour sur Terre, prévoit quant à elle d’utiliser le lanceur SpaceX Falcon Heavy pour sortir ses différents modules de l’atmosphère terrestre et le projet de Locheed Martin de camp martien s’appuie sur le SLS et la capsule Orion – capsule dont la conception est d’ailleurs assurée par Lockheed Martin.
Sophie Hoguin
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