Le plasma est un gaz ionisé qui peut être généré par des impulsions électriques. La start-up Spark Cleantech a développé une technologie particulière de pyrolyse par plasmas froids pour dissocier le méthane afin de produire de l’hydrogène. Plus précisément, le procédé repose sur des plasmas froids nanosecondes pulsés, permettant un contrôle fin de la température et de l’énergie des électrons, et donc une optimisation du procédé énergétique. La pyrolyse permet de produire de l’hydrogène sans émission de CO2, y compris si le gaz intrant est d’origine fossile, car le carbone est rejeté sous la forme solide. Erwan Pannier, l’inventeur de ce procédé et le cofondateur de la société, nous parle de cette technologie.
Techniques de l’Ingénieur : Quelle est la technologie développée par votre entreprise ?
Erwan Pannier : Nous développons une technologie de plasmas froids nanosecondes pulsés pour convertir le méthane en hydrogène. Elle fonctionne grâce à des impulsions électriques de très courte durée, à haute tension et à très haute fréquence. L’énergie est déposée en environ 10 nanosecondes, à une fréquence de 10 à 100 kilohertz, donc toutes les 10 à 100 microsecondes. Autrement dit, l’apport d’énergie est réalisé tous les 1/100ème à 1/1000ème du temps. Nous parvenons ainsi à créer un plasma avec une densité d’électrons importante et des électrons beaucoup plus énergétiques que le gaz. C’est ce qu’on appelle l’état hors-équilibre : nos électrons ont une énergie moyenne correspondant à une température de plus de 20 000°C, alors que les molécules de gaz sont maintenues à une température de 700 à 1 000°C. Dans un plasma classique à l’équilibre, que l’on appelle plasma thermique, il aurait fallu chauffer l’ensemble du gaz à plusieurs dizaines de milliers de degrés pour obtenir des électrons aussi énergétiques.
Quels sont les avantages de votre procédé ?
La pyrolyse par plasma permet de produire de l’hydrogène décarboné avec 3 à 4 fois moins d’électricité qu’un électrolyseur. Un électrolyseur industriel actuel nécessite plus de 50 kWh/kg H2 (kWh pour produire un kilogramme d’hydrogène) à partir de l’eau, et un électrolyseur idéal nécessitera toujours au moins 39 kWh/kg H2. L’eau est une molécule très stable et difficile à casser. Par comparaison, notre procédé ne nécessite en théorie que 5 kWh/kg H2, donc 8 fois moins. En pratique, nous visons 10 kWh/kg H2, donc 4 fois moins qu’un électrolyseur idéal.
La pyrolyse plasma par voie thermique est aujourd’hui la voie la plus mûre, mais se révèle très contraignante pour les matériaux, en particulier au niveau des électrodes qui sont en contact avec un arc électrique pouvant avoisiner les 20 000°C. Cela entraîne nécessairement une ablation importante, car même le graphite ou le tungstène fondent au-delà 3 500 °C. Grâce à la température nettement plus basse de notre procédé de plasmas pulsés, les matériaux du réacteur sont beaucoup moins sollicités, nous supprimons les problèmes d’ablation des électrodes, et les pertes thermiques au niveau du système sont également moins importantes. Cela rend les réacteurs plasma froids plus faciles à industrialiser.
D’où vient le méthane pour produire de l’hydrogène ?
Il peut être issu de la méthanisation des déchets organiques, appelé biométhane, mais provient surtout du gaz naturel, c’est-à-dire du gaz fossile. Avec le procédé de pyrolyse, quelle que soit la provenance du méthane, il n’est jamais oxydé et donc l’hydrogène est produit sans émission de CO2.
Quant au carbone solide produit, il peut être utilisé comme un nouveau matériau à valeur ajoutée ou stocké dans les sols, notamment sous la forme de biochar qui facilite la rétention d’eau et se dégrade très lentement, donc stocke du carbone pendant des siècles.
Par comparaison, stocker le CO2 issu de la production d’hydrogène actuelle, par oxydation du méthane, pose un problème logistique complexe qui nécessite d’injecter le CO2, c’est-à-dire un gaz, dont chaque molécule est 3,6 fois plus massique que le carbone initial, dans des formations géologiques ou des cavités salines. En traitant directement le carbone, on gère directement un solide, avec bien moins de masse, ce qui facilite beaucoup la logistique.
À qui s’adresse votre technologie ?
Nous ciblons les industriels consommateurs d’hydrogène, dont les besoins sont inférieurs à 1 000 Nm³/h (normo mètre cube par heure) d’hydrogène, soit 2 000 kg/jour, et qui veulent s’alimenter en hydrogène décarboné, et réduire leurs coûts en le produisant sur place. Pour cela, il leur suffit d’être connectés au réseau gazier et à celui d’électricité. Ces industriels peuvent ainsi s’affranchir du conditionnement, du transport et du stockage, qui représentent jusqu’à 70 % du coût final de l’hydrogène.
Quel est le stade de maturité de votre procédé ?
Nous développons notre technologie dans les laboratoires de CentraleSupélec grâce à un programme de maturation financé par la SATT (Société d’Accélération de Transfert Technologique) Paris-Saclay. Nous avons fait la preuve de concept d’une brique élémentaire capable de produire 1 m³/heure d’hydrogène. Ce prototype sera notre unité de base et sera ensuite monté en parallèle, car nous développons un concept modulaire. Concrètement, pour une installation de 200 kW, nous installerons 200 unités de 1 kW. En 2023, nous allons installer un premier démonstrateur d’environ de 30 kW sur un site industriel, avec en objectif la commercialisation du procédé à l’horizon 2025.
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