La start-up française KHEOOS entend bien améliorer cet état de fait et favoriser l’économie circulaire à grande échelle, grâce à sa plateforme spécialisée en maintenance industrielle. Dominique Mercier, l’un de ses fondateurs, a accepté de répondre à nos questions.
Dominique Mercier est ingénieur. Il est le dirigeant et co-fondateur de KHEOOS, une marketplace spécialisée dans la mise à disposition à grande échelle de pièces détachées industrielles.
Techniques de l’Ingénieur : Comment a émergé l’idée de créer la plateforme KHEOOS ?
Les industriels constituent des stocks de pièces de maintenance, dans le but de pallier d’éventuelles pannes ou pour la maintenance préventive. Au cours de notre vie industrielle, mes associés et moi avons fait tous les trois le même constat : 20 à 30 % des stocks de pièces pour la maintenance industrielle sont des stocks dormants, inutilisés. Au bout de quelques années, ces stocks sont malheureusement détruits, faute de solution de valorisation, ce qui représente un gaspillage immense.
KHEOOS est ainsi né de la volonté de réduire ce gaspillage : on estime à 3 milliards d’euros la valeur des stocks dormants en Europe !
Pourquoi la revente des stocks de maintenance industrielle est-elle problématique ?
Nous avons commencé par chercher à identifier les freins liés à la valorisation de ces stocks dormants. La première raison concerne la codification des pièces. En effet, un industriel qui fait entrer des pièces de maintenance dans son usine utilise un système de référencement qui lui est propre. Il connaît parfaitement ses produits et ses machines, mais pas les différents éléments qui les composent. Au gré des rachats de fabricants, des changements de marque et du vieillissement des machines, il devient de plus en plus difficile de savoir à quelle référence commerciale correspond telle ou telle pièce, ce qui rend toute revente impossible.
Le deuxième point est le cloisonnement des secteurs. Les industriels n’en ont pas toujours conscience, mais beaucoup de pièces détachées sont utilisables sur plusieurs types de machines, présentes dans des secteurs variés. Par conséquent, si nous voulons multiplier le nombre d’acheteurs potentiels, il est impératif d’élargir notre modèle à un maximum de secteurs d’activité.
Enfin, le troisième frein concerne le prix de vente potentiel. Ce prix est particulièrement difficile à fixer, lorsqu’on ne connaît pas le marché réel.
Avec la plateforme KHEOOS, vous espérez donc lever ces freins. Pouvez-vous nous expliquer son fonctionnement ?
KHEOOS est une plateforme de réemploi pour les pièces industrielles. Notre travail consiste à rendre visibles au niveau mondial les stocks dormants.
Dans un premier temps, nous commençons par récolter les données concernant la gestion des pièces en stock du client vendeur. Ces fichiers sont la plupart du temps fournis par les logiciels ERP ou GMAO. À partir de ces fichiers bruts, nous utilisons des algorithmes d’intelligence artificielle pour rechercher toutes les informations permettant d’identifier de manière sûre les pièces du stock. Par analyse sémantique, nous corrigeons les erreurs de nomenclature, de saisie, etc. ce qui nous permet d’obtenir une identification fiable de la pièce : fabricant, référence, version. Nous enrichissons ensuite ces données à partir des notices techniques, en ajoutant notamment des photos.
À partir de ces données, nous passons ainsi à la deuxième phase : rechercher le prix du marché en analysant de manière approfondie toutes les places de marché du Web. Ceci nous permet une mise en vente efficace sur ces places de marché ainsi que sur notre plateforme Kheoosmarket.com, en toute transparence sur les tarifs des pièces proposées.
Comment voyez-vous l’avenir de KHEOOS ?
La plateforme Kheoosmarket est maintenant en ligne depuis 18 mois. En quelques mois nous avons identifié 10 millions d’euros de stocks dormants chez nos clients actuels et 3 millions d’euros de matériel sont déjà en ligne. Ces stocks dormants sont ainsi accessibles et à portée de clic de n’importe quel acheteur dans le monde.
Nous sommes actuellement en phase d’accélération et nous levons des fonds pour ouvrir à d’autres pays et d’autres marchés. Cela n’est que le début, car pour fonctionner, notre modèle doit être élargi à un maximum d’acheteurs et de vendeurs, de tous secteurs industriels et de provenances géographiques variées. Ce sont deux conditions nécessaires, si nous voulons voir émerger un véritable système d’économie circulaire pour la gestion des stocks dormants.
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