Un projet de recherche européen a débuté pour concevoir un produit de contraste de nature électromagnétique qui s'injectera dans le sang des patients et devrait permettre d'améliorer la qualité des électroencéphalogrammes. De nouveaux algorithmes pour reconstituer le signal électrique vont également être développés.
Pour mesurer l’activité électrique cérébrale, la principale technique consiste à poser des électrodes sur la tête des patients pour réaliser un électroencéphalogramme (EEG). Sauf que le crâne bloque une partie du signal, ce qui rend difficile sa reconstruction. Il est possible d’implanter les électrodes sous le crâne ou dans le cortex cérébral, et ainsi obtenir une meilleure imagerie de l’activité, mais l’information recueillie est principalement localisée à un endroit du cerveau. Et surtout, cette méthode est invasive, car elle nécessite la trépanation du crâne du patient. Baptisé Cerebro, un projet de recherche européen a débuté dans le but de développer une autre approche pour s’affranchir de toutes ces contraintes et améliorer la qualité du résultat.
Le concept repose sur l’injection dans le sang du patient d’un produit de contraste de nature électromagnétique qui va permettre d’obtenir un signal électrique différent lors de l’EEG. Ce signal portera toujours la même information, mais permettra qu’elle se propage plus facilement dans le cerveau, sans nécessité d’ouvrir la boîte crânienne. Par analogie, cette nouvelle technique fonctionnera selon le même principe que l’utilisation de traceurs radioactifs pour réaliser de l’imagerie médicale. « Ce produit est l’élément-clé de notre projet, révèle Adrien Merlini, enseignant-chercheur au sein du département micro-ondes à l’IMT Atlantique. Nous ne pouvons pas dévoiler sa composition pour des raisons de confidentialité, mais d’ici un à deux ans, nous devrions rédiger de premières publications scientifiques sur lui. Le terme produit de contraste signifie qu’il permettra de mieux voir l’information recueillie du cerveau, mais n’est pas totalement exact, car il n’y a pas de notion de contraste en électromagnétisme. »
Actuellement, les techniques les plus avancées de reconstruction du signal ne sont pas totalement efficientes. Même en tentant d’en développer de meilleures, ce type d’approche ne peut pas mener vers des résultats plus précis, car une partie du signal EEG n’est pas propagée et est définitivement perdue. Le produit de contraste devrait permettre d’extraire les informations manquantes pour parvenir à une reconstruction plus précise du signal. Quant au traitement du signal, les scientifiques ne vont pas pouvoir utiliser les algorithmes standard actuellement utilisés en EEG, car l’information recueillie sera de nature différente et également plus riche. Dans le cadre de ce projet, une nouvelle approche d’analyse des données va être développée, à partir d’algorithmes employés notamment en océanographie, et le recours à des techniques d’apprentissage profond.
Des tests réalisés sur des fantômes artificiels de tissus cérébraux
« Nous sommes en ce moment dans une phase de design du produit de contraste et de détermination de ses propriétés exactes, confie le chercheur. Ce projet est financé par le programme européen EIC Pathfinder Open, piloté par le Conseil européen de l’innovation, et nous avons pour objectif de parvenir à une phase de validation préliminaire de ce nouveau concept. D’ici 2 à 3 ans, nous pensons fabriquer les premiers prototypes pour valider notre produit sur des fantômes artificiels de tissus cérébraux. À l’issue de ce projet, nous pensons déposer un autre projet qui permettra de passer à l’étape de validation clinique. »
Le projet Cerebro est coordonné par l’École polytechnique de Turin, qui est également chargée d’élaborer le produit de contraste. Il regroupe un consortium de partenaires, parmi lesquels l’IMT Atlantique, qui s’occupe notamment du traitement du signal et de sa modélisation. G.Tech, une PME autrichienne spécialisée en fabrication d’EEG standard, a pour rôle d’aider à la fabrication d’un nouvel appareil de mesure des signaux. Quant à l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), experte en biocompatibilité, elle a pour mission de s’assurer que les produits de contraste ne vont pas nuire à la santé des patients. Le CHU de Brest interviendra pour veiller à ce que ce projet reste pertinent pour une application médicale finale. L’Université de Bretagne Occidentale (UBO) est également associée à ce projet.
L’application la plus courante de la mesure de l’activité électrique cérébrale sur des patients concerne ceux qui sont atteints d’épilepsie. Pour les chirurgiens, localiser avec précision l’endroit du cerveau qui génère un signal électrique pathologique est important, car cela leur ouvre la voie à de meilleures solutions de traitement individualisé.
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