La start-up Bulane a développé une gamme d'électrolyseurs pour produire une flamme à très haute température, sans dégagement de CO2, à destination de l'industrie. Nicolas Jerez, le président et fondateur de l'entreprise, nous parle de sa technologie et de ses applications.
Créée en 2009, la start-up Bulane est issue des incubateurs technologiques de la région Occitanie. Elle a développé une technologie permettant de produire une flamme à très haute température sans dégagement de CO2 à destination de l’industrie. Le procédé fonctionne grâce à la combustion de l’hydrogène, à partir de l’électrolyse de l’eau, et a été mis au point avec deux laboratoires de recherche : l’ICGM (Institut Charles Gerhardt Montpellier) et l’IMFT (Institut de Mécanique des Fluides de Toulouse). Aujourd’hui, l’entreprise souhaite étendre sa technologie afin de décarboner les chaudières dans les bâtiments. Entretien avec Nicolas Jerez, le président et fondateur de Bulane.
Techniques de l’Ingénieur : Quelle a été votre motivation au départ, avant de créer votre entreprise ?
Nicolas Jerez : Nous sommes partis du constat qu’environ 80 % des émissions de CO2 proviennent de la combustion de combustibles fossiles. Cette consommation se retrouve dans trois grands domaines : les transports, le bâtiment et l’industrie. Dans ce dernier secteur, les besoins en combustibles sont présents dans de nombreux procédés industriels : le soudage, le brasage, la finition des métaux, la fabrication de verre, la chauffe dans diverses entreprises agroalimentaires… Les principaux gaz de chauffe utilisés sont le butane, le propane, l’acétylène et le gaz naturel. Or, ces gaz rejettent tous du CO2. Nous avons donc souhaité offrir une alternative aux industriels et développé une flamme propre à base d’hydrogène afin de décarboner la combustion.
Comment fonctionne votre technologie ?
Nous avons développé une technologie d’électrolyse de l’eau qui la particularité d’être destinée à alimenter des combustions. Comparée à des électrolyseurs standard, cette spécificité nous a obligés à innover. Le point le plus important de notre cahier des charges a été l’aspect sécuritaire de l’appareil. Sur le plan de la mécanique et de la fluidique, notre système a été conçu pour éviter tout retour de flamme. Ensuite, un électrolyseur est à la base un équipement plutôt encombrant et lourd. Nous avons réalisé de gros efforts pour miniaturiser le nôtre.
Le plus petit de notre gamme Dyomix ne pèse qu’une trentaine de kg pour une puissance de 2 400 W et se déplace sur des roulettes. Cette compacité nous a demandé de repousser les limites technologiques dans différents domaines que sont les matériaux, la fluidique et la thermodynamique afin de faire passer beaucoup de puissance dans peu d’encombrement. Enfin, un dernier élément porte sur le rendement de notre technologie qui peut dépasser 90 % selon l’usage, alors qu’il est plutôt situé autour de 70 % généralement pour un électrolyseur standard. Cette performance a pu être atteinte grâce à la mise au point d’une cogénération thermique à l’intérieur de l’appareil. Cette chaleur récupérée peut ainsi être mise à disposition de nos clients et représente jusqu’à 20 % du rendement global.
À qui commercialisez-vous vos appareils ?
Depuis 2015, nous commercialisons une première gamme d’appareils dans le domaine du chalumeau pour des applications industrielles de soudage. Nous avons vendu plus de 1 200 électrolyseurs pour une puissance totale électrique installée d’environ 4 MW. Ce volume représente plusieurs dizaines de milliers de tonnes de CO2 économisés. Depuis un an, nous étendons notre technologie à d’autres procédés industriels. Par exemple, nous travaillons avec certains industriels pour remplacer les gaz de chauffe utilisés en distillation par de l’hydrogène. Les applications potentielles de notre technologie sont très importantes. Tous les jours, des milliers de brûleurs consomment des énergies fossiles et l’hydrogène peut être efficace pour les décarboner.
Certes, la combustion de l’hydrogène n’émet pas de CO2, mais cela implique également que l’électricité soit décarbonée.
Évidemment, nous travaillons avec des offres électriques vertes de façon à garantir une combustion finale décarbonée. D’une manière plus globale, nous ciblons uniquement des procédés de production qui ne sont pas électrifiables, c’est-à-dire là où on ne peut pas remplacer la flamme par une résistance électrique. L’hydrogène est le seul gaz qui, lorsqu’il brûle, ne dégage pas de CO2. L’avantage de notre technologie est que ce gaz est produit localement, sans stockage et sans transport. On peut dire qu’avec notre technologie, nous procédons à une électrification du procédé de combustion. Il faut savoir que la combustion de l’hydrogène est très performante, et permet d’atteindre des températures supérieures à 2 800 degrés.
Votre technologie peut-elle avoir d’autres applications ?
Depuis plus d’un an, nous travaillons également à la décarbonation de l’énergie de chauffage dans les bâtiments. Nous souhaitons connecter nos électrolyseurs miniaturisés à des chaudières afin d’intégrer l’hydrogène dans la combustion finale. Ce projet s’appelle LP2H pour Local Power to Heat et nous avons déjà fait la démonstration de notre concept sur le plan expérimental. Il est lauréat du concours d’innovations i-Nov 2020 du SGPI (Secrétariat général pour l’investissement) et de l’Ademe et nous a permis d’obtenir un soutien financé du Programme d’Investissements d’Avenir (PIA). Là encore, le marché potentiel est très important et l’hydrogène peut jouer un rôle majeur pour décarboner massivement les bâtiments.
Crédit photo Une : Bulane
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