De nombreux groupes de recherche tentent depuis plusieurs années de faire entrer la chimie dans l’ère numérique. Parmi eux : le Cronin Lab de l’Université de Glasgow, avec Lee Cronin comme chercheur principal du laboratoire. Ce dernier travaille au développement de la chimie numérique depuis plus de 10 ans. Comme d’autres, il tente avec son équipe de mettre au point un moyen standard de découvrir et fabriquer des molécules.
Début 2019, il a publié avec ses collègues dans Science le fonctionnement du « chemputer », une plateforme de laboratoire robotique qui synthétise des composés organiques sur la base de descriptions de méthodes standardisées. Ce robot chimiste qu’ils ont créé peut donc mettre au point des produits chimiques à partir de programmes. Ce langage de description chimique, nommé XDL, est au « chemputer » ce que HTML est à un navigateur : il indique à la machine ce qu’elle doit faire.
En octobre 2020, toujours dans Science, ils ont franchi une nouvelle étape vers la numérisation de la chimie grâce à un nouveau logiciel. Ce dernier traduit les articles universitaires en programmes exécutables par le « chemputer » que les chercheurs peuvent éditer, sans avoir à coder. Le système traduit les instructions en XDL, transmises au chemputer qui exécute les actions mécaniques correspondantes.
Un Spotify de la chimie
L’équipe de Lee Cronin tente de compiler en ligne des « recettes » pour le plus grand nombre possible de molécules d’intérêt. Cette plateforme qu’ils surnomment le « Spotify de la chimie » est mise à disposition des chercheurs. Ils peuvent y télécharger des formules chimiques à utiliser dans leurs propres robots chimistes. Cela pourrait par exemple permettre aux pays en développement de produire plus facilement des médicaments, ou encore une meilleure collaboration scientifique internationale. « La plateforme est à ses débuts, mais de nombreuses personnes sont enthousiastes, des grandes sociétés pharmaceutiques aux universitaires », explique le chercheur.
Si le Cronin Lab a créé la société Chemify pour vendre ses robots et le package XDL, il est également possible de créer son propre robot grâce aux instructions mises à disposition gratuitement sur internet. Elles détaillent la construction et la programmation de la machine mise au point.
Potentielles percées en recherche fondamentale
Si plusieurs sociétés pharmaceutiques misent sur la chimie numérique pour le développement de médicaments, elle est tout aussi pertinente dans la recherche fondamentale. Dans une étude publiée dans Nature début juin, le « chemputer » n’a cette fois pas reçu des instructions précises pour produire une molécule ou un médicament en particulier. Le robot mélange des molécules simples, les « regarde » réagir, analyse le résultat, puis décide quoi ajouter à la réaction. Et ce pendant quatre semaines consécutives. Le chemputer peut découvrir des molécules complexes à partir de précurseurs simples, et traiter une grande quantité de données. Les matières premières sont de petites molécules sans fonction biologique ou catalytique, y compris des acides simples, des substances organiques, des agents réducteurs et certaines molécules inorganiques comme le sulfate de cuivre. Le robot en choisit deux ou trois à aspirer dans la cuve de réaction, où le mélange est agité et chauffé, puis laissé à décanter. Il analyse l’échantillon, et une partie est prélevée pour le stockage et sera analysée plus tard par des humains. Cette capacité permet aux chercheurs de tester expérimentalement des hypothèses, notamment sur l’émergence de systèmes vivants à partir de la chimie abiotique. Le robot pourrait fournir de nouvelles informations sur la façon dont la vie organique complexe s’est développée sur Terre.
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