L’intelligence artificielle (IA) est aujourd’hui largement déployée dans diverses applications intégrées telles que la surveillance des patients, la sécurité des bâtiments et la sécurité industrielle. Cependant, leur forte consommation d’énergie fait obstacle à leur déploiement dans des environnements nécessitant leur autonomie. Une équipe de chercheurs1, dont ceux de l’IM2NP (Institut des Matériaux, de Microélectronique et des Nanosciences de Provence), est parvenue à surmonter cette difficulté grâce à des memristors, ces composants électroniques programmables et capables de stocker de l’information via une modulation de la valeur de leur résistance. Leurs travaux, publiés dans la revue Nature Communications, ouvrent la voie au déploiement de l’IA dans des systèmes embarqués autonomes en énergie.
Les memristors ont ici été utilisés, car ils présentent l’intérêt de consommer très peu d’énergie, ce qui offre la possibilité d’un fonctionnement autoalimenté lorsqu’ils sont associés à des récupérateurs d’énergie, de type cellules solaires miniatures. Sauf que la plupart des circuits d’IA basés sur ce type de composants électroniques reposent sur un calcul en mémoire analogique et exploitent les lois classiques de l’électricité (lois d’Ohm et de Kirchhoff) pour effectuer l’opération fondamentale des réseaux de neurones, à savoir la multiplication et l’accumulation (encore appelé MAC pour Multiply Accumulate). Ce concept nécessite alors une alimentation électrique stable et précise, ce qui le rend incompatible avec les récupérateurs d’énergie qui sont intrinsèquement instables et peu fiables.
Pour surmonter cette contrainte, les scientifiques ont conçu un réseau neuronal binarisé, fabriqué grâce à un processus hybride associant la technologie CMOS (Complementary Metal Oxide Semiconductor) à des memristors. Pour cela, un circuit intégré a été conçu et composé de quatre réseaux de 8 192 memristors chacun, soit un total de 32 768 memristors, et qui utilise une stratégie d’amplificateur, alliant deux transistors à deux memristors, pour une robustesse optimale. Cette approche alternative se révèle particulièrement résistante aux fluctuations d’alimentation électrique peu fiables, elle élimine également le besoin de compensation ou d’étalonnage et permet un fonctionnement efficace dans diverses conditions. Ce circuit a été alimenté par une cellule solaire miniature à large bande passante, qui est optimisée pour des applications de pointe.
Une précision de calcul même lorsque l’énergie devient rare
Des simulations de réseaux neuronaux de classification d’images ont été réalisées pour tester ce nouveau système. Les différents tests révèlent que sous un éclairage intense, le circuit atteint des performances d’inférence comparables à celles d’une alimentation classique en laboratoire. Tandis que dans des scénarios de faible éclairage, il apparaît que le circuit reste fonctionnel, ne subissant qu’une modeste baisse de la précision du réseau neuronal. Plus précisément, les images mal classées sont principalement des cas difficiles à classer et qu’il s’agit généralement de cas atypiques ou extrêmes.
Les chercheurs démontrent que pour des tâches plus simples telles que l’exploitation de bases de données MNIST (Modified ou Mixed National Institute of Standards and Technology), le circuit maintient sa précision même lorsque l’énergie est rare. Et en cas de coupure de l’alimentation électrique, les memristors conservent les données, contrairement aux mémoires RAM (Random Access Memory) statiques, qui perdent les informations stockées.
Ce circuit intégré peut fonctionner avec des alimentations basses de 0,7 volt, ce qui permet de l’alimenter avec une cellule solaire à large bande optimisée pour les applications intérieures et d’une surface de seulement quelques millimètres carrés. Même sous un faible éclairage équivalent à 0,08 fois le flux moyen solaire, il reste fonctionnel. « Notre approche jette les bases d’une IA autoalimentée et de la création de capteurs intelligents pour diverses applications en matière de surveillance de la santé, de la sécurité et de l’environnement », écrivent les auteurs de ces travaux de recherche.
1 Ces travaux de recherche ont été réalisés par des chercheurs de l’Institut des Matériaux, de Microélectronique et des Nanosciences de Provence (IM2NP, CNRS / Aix-Marseille Université), en collaboration avec des scientifiques du Centre de Nanosciences et de Nanotechnologies (C2N, CNRS / Université Paris-Saclay), du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA-Leti) et de l’Institut Photovoltaïque d’Ile-de-France (IPVF)
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