150 000 tonnes d’eau, soit environ 80 piscines standard ! C’est la consommation quotidienne du plus important fabricant de puces au monde, Taiwan Semiconductor Manufacturing. Pire, la consommation totale d’eau de TSMC a augmenté de 70 % entre 2015 et 2019.
Or, la pénurie d’eau qui a frappé Taiwan en 2021 a révélé les faiblesses de la gestion de ses ressources en eau et la surconsommation due à des prix notoirement bas. Pourtant, l’eau est un élément clé de deux des principaux moteurs économiques de l’île : l’industrie des semi-conducteurs et l’agriculture.
L’utilisation de l’eau est vitale pour la production de semi-conducteurs qui comprend une série d’étapes très complexes. À Taiwan, une importante quantité d’eau a été redirigée de la consommation des particuliers et de l’agriculture vers cette industrie qui est essentielle à de nombreux secteurs d’activité dans le monde.
Par ailleurs, une chaîne de fabrication a besoin d’importantes quantités d’eau hautement purifiée (comme agent de rinçage durant les différentes phases de la fabrication).
Selon Intel, le principal fondeur nord-américain, pour obtenir 1 gallon (3,785 litres) d’eau ultra-pure, il lui fallait dans les années 1990 près de 2 gallons d’eau. Aujourd’hui, 1,1 gallon suffit.
Par ailleurs, l’eau distribuée en usine est également utilisée pour le refroidissement des équipements et des centres serveurs.
Recyclage des eaux usées
Pour des raisons économiques plutôt qu’écologiques, les professionnels du secteur s’attellent pourtant depuis plus de vingt ans à diminuer la quantité d’eau nécessaire à la fabrication d’une puce.
Le recyclage de l’eau dans les usines de semi-conducteurs ne cesse d’augmenter. À titre d’exemple, en Europe, le Franco-italien STMicroelectronics s’est fixé pour objectif de recycler au moins 50 % de l’eau qu’il utilise. Intel semble plus ambitieux puisqu’il annonce qu’il recycle déjà entre 80 et 90 % de l’eau !
L’industrie des semi-conducteurs et les hébergeurs de datacenters envisagent aussi de se déployer dans des zones où l’eau de surface et souterraine reste encore largement disponible.
Concernant les datacenters, différentes pistes sont étudiées pour limiter leur consommation en énergie : refroidissement avec de l’eau de mer comme à Marseille, data center sous-marin, optimisation de la climatisation, recours à des systèmes de sauvegarde moins énergivore, optimisation avec l’intelligence artificielle des calculs intensifs…
L’idée de plonger des datacenters au fond des océans apparaît comme l’une des solutions les plus intéressantes, comme le montre le bilan positif du projet Natick de Microsoft. La fin de la phase 2 de ce projet entamé en 2014 a permis de constater un ratio de 1 pour 8 concernant les pannes serveurs entre ce datacenter immergé et son équivalent terrestre. Les résultats de la phase 2 de ce projet sont en cours d’analyse par Microsoft et le français Naval Group pour améliorer, à terme, les centres de données terrestres.
Tensions internationales
L’eau assez fraîche de l’Écosse (16°C maximum en août près de ces îles…) permet de dissiper plus facilement l’énergie calorifique produite par les ordinateurs avec une moindre élévation de température. Mais surtout, l’efficacité du refroidissement signifie que les centres de données pourraient être déployés dans des mers allant de l’Arctique à l’équateur.
Les Chinois suivent également cette piste et l’ont testée en mai 2021 dans le port de Hainan.
Mais la crise ukrainienne et les tensions entre la Chine et Taiwan pourraient remettre en cause ces initiatives. « Alors que l’entreprise américaine Intel a prélevé en Arizona près de 19,7 millions de mètres cubes en 2020, soit l’équivalent de deux semaines complètes de production d’eau destinée à alimenter la ville de Paris, l’État américain s’apprête à accueillir six usines du Taiwanais TSMC, inquiet à l’évidence des risques sécuritaires grandissants que l’armée chinoise fait peser sur son île », rappelle dans Le Monde Franck Galland, spécialiste des questions sécuritaires liées aux ressources en eau et chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique.
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