Lundi 1er mars, devant la commission spéciale de l’Assemblée nationale sur le projet de loi Climat et résilience, le ministre de l’économie Bruno Le Maire a rappelé que l’État allait investir 7 milliards d’euros pour développer l’hydrogène décarboné d’ici 2030. Il a insisté sur le fait qu’il fallait veiller « à ce que la chaîne de valeur soit bien en France ». Tout en défendant l’idée qu’il est « indispensable de garder un temps d’adaptation » suffisamment long en matière de transition écologique pour ne pas favoriser les grandes entreprises au détriment des PME et des TPE.
France Hydrogène est l’association française réunissant les acteurs de la filière hydrogène. Elle comprend près de 280 adhérents, avec notamment 52 grands groupes, institutions financières et ETI et 120 PME-PMI. Philippe Boucly, son président, salue un plan complet qui va enfin donner l’impulsion nécessaire à la structuration de l’hydrogène décarboné. Entretien.
Techniques de l’ingénieur : France Hydrogène avait publié un manifeste en juillet 2020. Quelles étaient vos demandes ?
Les aides aux OPEX partent du constat que l’hydrogène produit par électrolyse à partir d’énergie renouvelable, ou d’électricité bas carbone, reste relativement cher, de l’ordre de 4 à 6 € le kilo. Or, pour décarboner l’hydrogène industriel, il faut arriver à un prix de l’ordre de 1,5 € le kilo. En attendant que cet écart de prix se réduise, ces 3,6 milliards d’euros de soutien permettront de rendre l’hydrogène décarboné compétitif.
Notre manifeste retient comme objectifs de déployer 300 000 véhicules utilitaires légers, 5 000 poids lourds, 1 000 bateaux et 250 trains fonctionnant à l’hydrogène en 2030. Ces véhicules consommeraient de l’ordre de 340 000 tonnes d’hydrogène chaque année. Nous décarbonerions en plus un volume équivalent d’hydrogène dans l’industrie pour atteindre un total de 680 000 tonnes d’hydrogène décarboné chaque année.
La stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène répond-elle donc à vos attentes ?
Le 9 septembre, le gouvernement a présenté la stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné. Elle suit trois axes : décarboner l’industrie, développer une mobilité hydrogène et construire une filière française de l’électrolyse compétitive en installant 6,5 gigawatts (GW) d’électrolyseurs d’ici 2030 pour produire 600.000 tonnes d’hydrogène décarboné. Dans notre manifeste, pour produire les 680 000 tonnes d’hydrogène, nous parlions de 7 GW. Ces chiffres sont donc très proches. L’État accorde 7,2 milliards d’euros d’aides : 2 milliards d’euros sur les deux ans qui viennent, 3,4 milliards d’euros d’ici 2023 et le reste jusqu’en 2030.
Il reste donc 2,8 milliards d’euros de soutiens à trouver auprès des régions et de l’Europe. L’Occitanie a déjà un plan de 150 millions d’euros, la Bourgogne-Franche-Comté de 90 millions, les Pays-de-la-Loire de 100 millions. Si chaque région accordait en moyenne 100 millions d’euros, nous serions presque à la moitié du chemin. Nous sommes donc satisfaits de l’impulsion donnée. Le plan Hulot consacré à l’hydrogène en 2018 avait de faibles moyens financiers : 100 millions d’euros pour l’année 2019. La stratégie ici propose à la fois une vision, les moyens financiers associés et une gouvernance avec le Conseil national de l’hydrogène.
Dans ce cadre, quel est le rôle du Conseil National de l’Hydrogène qui s’est réuni pour la première fois le 25 février ?
Le Conseil National de l’Hydrogène est l’instance qui va suivre la mise en œuvre de cette stratégie. Il fera office de tour de contrôle du plan. Il s’agira avant tout d’un organe de dialogue entre les industriels, le pouvoir politique et les régions pour s’assurer du bon déploiement du plan. En ce sens, il suit le déploiement des projets et des financements. France Hydrogène a par exemple déjà dénombré 4 projets d’usines en France de fabrication d’électrolyseurs et a identifié des installations d’électrolyse projetées d’une puissance totale de 3,2 GW. Cela correspond déjà à près de 50 % de l’objectif fixé par la stratégie nationale.
Du 1er au 14 mars 2021 a lieu la 8e édition des Journées Nationales de l’Ingénieur. Pour l’occasion, IESF organise le 4 mars, date qui concorde avec le World Engineering Day, un colloque national sur le thème « Ingénieurs, acteurs de la relance ». Il sera composé de différentes tables rondes auxquelles le public peut s’inscrire. Philippe Boucly participera à la conférence « L’hydrogène vert, une réalité industrielle, un champ de développement durable, partie prenante du plan de relance ».
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