La récente étude INEC/Capgemini « SNBC sous-contrainte de ressources » alarme sur le fait que la Stratégie Nationale Bas Carbone ne prend pas assez en compte la criticité des ressources. Dans ce 3e article de notre dossier consacré à cette étude riche en enseignements, nous abordons les contraintes de ressources qui pèsent sur l’un des piliers de la transition bas carbone et circulaire : l’électrification.
Un résumé de l’étude SNBC sous-contrainte de ressources est disponible en téléchargement sur le site de Capgemini Invent. La version complète est disponible ici. Les enjeux de cette étude sont également abordés dans notre interview d’Emmanuelle Ledoux, directrice générale de l’INEC.
L’électrification est au centre des stratégies bas carbone
Vecteur d’énergie incontournable, l’électricité fait partie intégrante de tous les scénarios publics de décarbonation. L’accroissement des besoins en électricité décarbonée va ainsi nécessiter l’installation de nouvelles unités de production (nucléaire, solaire, éolien) en complément de l’hydraulique et d’autres formes de production thermique basées sur la biomasse.
Concernant la mobilité, l’électrification massive du transport routier est désormais annoncée. D’après l’étude, dans les principaux scénarios, l’électrification routière est ainsi estimée entre 91 % et 99 % pour le parc de véhicules légers et entre 17 % et 70 % pour le parc de véhicules lourds en 2050.
Lithium, cobalt, platinoïdes et terres rares : des ressources critiques et hautement stratégiques
Le lithium, le cobalt et les platinoïdes sont des ressources absolument indispensables au passage à la mobilité électrique. Compte tenu de l’accroissement de la demande, on estime cependant que les réserves disponibles seront épuisées d’ici 50 ans.
Par ailleurs, trois pays producteurs, dont la Chine et la Russie, se partagent la majorité du marché de l’extraction et de la première transformation, ce qui pose d’évidents problèmes géostratégiques, surtout dans le contexte actuel.
Si les terres rares ne sont pas critiques du point de vue de la disponibilité géologique, il s’agit encore une fois d’une problématique géostratégique, la Chine contrôlant plus de 80 % du marché mondial actuel.
Mixer les solutions : la meilleure option ?
Cette question de la criticité est un problème majeur à moyen terme, alors que le Parlement européen a voté en faveur de l’interdiction, à partir de 2035, de la vente de véhicules neufs à moteur essence ou diesel !
Ne vaudrait-il pas mieux mixer les solutions, plutôt que de passer au 100 % électrique ?
C’est en tout cas l’avis d’Alain Chardon (Capgemini Invent), co-auteur de l’étude : « Si on additionne les ressources utilisées à la fois pour la construction du véhicule et le carburant en lui-même, on se rend compte qu’il est préférable de mixer les solutions, plutôt que de passer au 100 % électrique. »
Par ailleurs, concernant la mobilité hydrogène, l’étude fait un constat intéressant. Du point de vue des ressources, la voiture électrique est plus critique que la voiture à hydrogène[2] ! En effet, par rapport aux véhicules électriques, les véhicules à hydrogène ont un avantage : « Leur réservoir et leur pile à combustible leur permettent d’avoir une batterie beaucoup plus petite. »
Puis il ajoute : « Avant, nous avions des solutions, one fit for all (universelles). Le pétrole servait à tout. Quand on avait une solution, on l’appliquait partout, c’était pratique. Quand on prend en compte l’ensemble des contraintes (climat, criticité, biodiversité, coût, impact social, etc.), on comprend bien que désormais aucune solution ne peut résoudre tous les problèmes.
Alors que la plupart des grandes entreprises sont en train de passer à des flottes de véhicules électriques, cette étude vient démontrer que du point de vue des ressources, ce n’est pas une solution idéale, chaque véhicule embarquant 300 à 400 kg de batterie. En revanche, pour les déplacements périurbains, de quelques kilomètres, nous montrons que l’utilisation de petits véhicules électriques (Vélo à assistance électrique, trottinette électrique, véhicules de type Citroën AMI) est une bonne alternative.
En France, le terme “sobriété” est mal vu, car mal compris. N’oublions pas que la traduction du mot sobriété, en Anglais, est sufficiency, ce qui veut dire “utiliser uniquement ce qui suffit à nos besoins ou à nos objectifs”. Du point de vue du décideur en entreprise, comme chez les particuliers, se poser la question des objectifs et de la sobriété, c’est faire de la stratégie : qu’est-ce qui est vital, qu’est-ce qui est superflu, voire contreproductif ou nocif ? »
[1] Concernant l’aspect méthodologique, nous vous invitons à lire l’interview d’Alain CHARDON, de Capgemini
[2] 100% hydrogène « vert »
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