« Les agences effectuent un travail considérable mais encore perfectible », résume Philippe Bolo, co-rapporteur du nouveau rapport de l’OPECST. Pour perfectionner le fonctionnement des agences et reconquérir la confiance, l’étude fait 13 propositions selon quatre axes : renforcer les capacités d’évaluation des risques réglementés par les agences, améliorer la transparence des travaux d’évaluation, conforter les agences dans leur rôle d’expertise des risques et rendre l’évaluation des risques accessible et compréhensible.
Durant 15 mois, les quatre rapporteurs ont analysé le fonctionnement des agences d’évaluation des risques et des dangers qui peuvent frapper les citoyens français et européens. Ce rapport résultait d’une double saisine, de la commission des Affaires économiques et de la commission des Affaires européennes de l’Assemblée nationale, suite au contexte polémique de la réautorisation du glyphosate, après les avis divergents du CIRC et de l’Efsa. Le CIRC classait alors le glyphosate comme cancérogène probable, alors que l’Efsa estimait qu’il était « improbable que le glyphosate fasse courir aux humains un danger cancérogène ».
Une analyse sur trois grandes agences en Europe
L’étude s’est concentrée sur le fonctionnement et les missions de l’Efsa, de l’Echa et de l’Anses. Elle constate qu’il existe une grande confusion dans le public autour de la question des risques. « Il y a une différence fondamentale entre ce qui est un danger et un risque, précise Anne Genetet, co-rapporteure de l’étude. Par exemple, le soleil est un danger, il devient un risque à partir du moment où on décide de s’y exposer sans protection pendant plusieurs heures ». Selon les rapporteurs, le CIRC s’est ainsi concentré sur la question du danger causé par toutes les formulations contenant du glyphosate (indépendamment du degré d’exposition), alors que l’Efsa a analysé les risques encourus pour la santé humaine ou l’environnement de la substance pure (combinant danger et exposition).
Les agences ne font ni tests, ni études, elles analysent les données fournies par des entreprises, et des études universitaires, avant de faire des recommandations aux politiques. Les agences les analysent en vérifiant qu’elles répondent à des standards internationaux, établis notamment sous l’égide de l’OCDE, en particulier le respect de bonnes pratiques de laboratoire (BPL) ou de bonnes pratiques d’évaluation (BPE). Ainsi, les tests de toxicité et d’écotoxicité doivent répondre à des lignes directrices pour avoir des données standardisées et permettre la comparaison entre études. Les rapporteurs proposent de donner la capacité aux agences de lancer leurs propres études pour avoir leurs propres données.
Assurer l’indépendance des experts
« Le grand problème identifié est la sélection des experts, notamment sur l’indépendance vis-à-vis des entreprises qui fournissent l’essentiel des données scientifiques analysées par les agences », relève Pierre Ouzoulias, co-rapporteur de l’étude. La politique d’indépendance vis-à-vis des possibles conflits d’intérêts des experts varient suivant les agences. Il faut les harmoniser et mieux contrôler les déclarations d’intérêt des experts.
La différence entre « lien d’intérêt » et « conflit d’intérêt » est souvent ténue. « Il est de plus en plus difficile de trouver des experts libres, indépendants des firmes, car on demande aux scientifiques d’aller chercher des fonds auprès d’entreprises privées pour financer leurs recherches », note Pierre Ouzoulias, autre co-rapporteur. Pour rétablir la confiance, le rapport recommande donc de développer une recherche indépendante sur fonds de l’Etat. Il faudra aussi donner un plus grand accès aux données fournies par les firmes, comme la Justice européenne l’a réclamé en mars 2019 pour Bayer. La transparence passera par un meilleur accès aux données, que cela soit pour les agences ou le public.
Mieux communiquer avec le grand public
Le grand public veut avoir des agences qui portent une parole scientifique fiable. Il souhaite qu’elles résistent aux pressions politiques et à celles des acteurs économiques. Si les agences arrivent à appréhender les risques aigus, il faut qu’elles parviennent à mieux appréhender les risques diffus et les risques émergents, notamment les effets cumulés ou cocktail, à long terme. Il faut également qu’elles proposent des alternatives à l’expérimentation animale et qu’elles encouragent la mise à jour régulière des lignes directrices pour les rendre plus contemporaines avec les évolutions réglementaires. Le rapport dresse plusieurs propositions dans ce sens.
Par ailleurs, la réglementation demande des réévaluations régulières. Cela fait partie de la vigilance mise en œuvre après la mise sur le marché de produits. L’étude propose d’améliorer la surveillance après mise sur le marché avec le lancement d’études épidémiologiques et une meilleure biosurveillance.
Enfin, les avis rendus sont souvent compliqués à comprendre pour le grand public. Il faut favoriser la compréhension par les citoyens de l’évaluation des risques et des dangers en simplifiant les messages. Le rapport recommande donc que les agences expliquent tout simplement mieux leur travail et les résultats obtenus pour mieux appréhender les risques.
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