Le think tank financier Carbon Tracker Initiative publie un nouveau rapport étudiant l'évolution des capacités de raffinage dans un monde à +2°C. Les pétroliers doivent reconsidérer leur stratégie et se préparer à une perte importante de leurs marges. Car leurs raffineries s'adapteront ou fermeront.
Si l’on veut limiter le réchauffement à +2°C en 2100, le GIEC martèle à qui veut bien l’entendre qu’il faut laisser entre 80 et 90 % des réserves de charbon sous terre. Mais aussi 35 % des réserves de pétrole et 50% des réserves de gaz. Les différents rapports pointent aussi du doigt l’impact des politiques climatiques sur l’industrie et les transports. Mais ils ne portent jamais sur les entreprises intermédiaires, celles du raffinage. Dans le silence, celles-ci projettent d’ailleurs une demande en croissance régulière jusqu’en 2035. Carbon Tracker présente un nouveau rapport sur les capacités de raffinage mondiales et note que «cette prévision est incompatible avec les objectifs de l’accord de Paris sur le climat».
Un quart des raffineries fermeront d’ici 2035 !
Les carburants – diesel, essence et kérosène – sont les produits les plus rentables et comptent pour 70 % des marges du raffinage. Mais ce sont aussi « les plus exposés à une baisse de la demande », prévient le think tank. Et selon une étude de février 2017, les compagnies pétrolières sous-estiment sérieusement la baisse de la demande dans le secteur des transports. Par exemple, les véhicules électriques pourraient représenter 35% du transport routier en 2035, alors que BP table seulement sur une part à 6 % dans son « Energy Outlook ».
Dans ces circonstances, Carbon Tracker prévoit que dans un monde à 2°C, « un quart des capacités mondiales de raffinage ne seront plus viables économiquement et devront être fermées d’ici 2035 ». Et si les bénéfices cumulés du secteur étaient de 147 milliards de dollars en 2015, ils seront divisés par deux à cet horizon. Pour survivre, les raffineries devront donc diminuer leurs marges. En moyenne, elles s’élevaient à 5 dollars par baril en 2016. Elles diminueront de 3,5 dollars pour n’être que de 1,5 dollars en 2035. Ces calculs de l’organisation se basent sur le scénario 450 de l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) pour lequel la demande de pétrole culminera en 2020 puis diminuera de 23 % au cours des 15 prochaines années.
Total, Eni et les pays de l’OCDE seront les plus touchés
L’étude a porté sur 492 raffineries représentant 94 % de la capacité mondiale. Et environ 130 raffineries devront fermer. Les entreprises les plus touchées seront celles qui font beaucoup de raffinage mais à des marges faibles, prévient le think tank. C’est notamment le cas de Total dont 12 % du résultat opérationnel provient du raffinage mais dont la marge moyenne est seulement de 3 dollars par baril (contre 5 pour Shell et 7 pour BP). Le rapport estime ainsi que Total et Eni seront les plus exposés, risquant de perdre entre 70 % et 80 % de leurs bénéfices en 2035. Suivent Shell et Chevron avec une chute de 60 % à 70 % et ExxxonMobil et BP avec une baisse de 40% à 50%.
Pour les auteurs, les capacités mondiales des raffineries sont suffisantes pour répondre à la demande future. En revanche, les évolutions régionales de la demande pourront nécessiter de nouvelles capacités au Moyen-Orien et en Asie. Ainsi, l’industrie des pays de l’OCDE aura probablement besoin de réductions plus importantes que la tendance mondiale.Toutefois, ces fermetures pourraient menacer la sécurité d’approvisionnement de ces pays, note le rapport. Ces derniers pourraient donc décider de maintenir en activité des installations non rentables. Par exemple, 12 des 79 raffineries européennes sont menacées de fermeture. Et la France n’a plus que 8 raffineries contre 12 en 2008 et 20 en 1980. Le pays accepterait-il de laisser fermer toutes celles qui restent ? Rien n’est moins sûr.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
Extraction des gaz naturels
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