Depuis le 5 juin, les frontières terrestres et aériennes sont fermées entre le Qatar et ses voisins. Les relations diplomatiques ont été officiellement rompues et les Qataris se sont précipités dans les supermarchés par crainte de pénurie. Le pays importe en effet absolument tout, à part le gaz naturel, dont il est le premier exportateur mondial.
Richesse gazière
Le Qatar a vu sa richesse exploser en quelques années grâce à la découverte et l’exploitation de ses énormes réserves gazières. Avec l’aide de compagnies internationales (la française Total en premier lieu), le Royaume est rapidement devenu un acteur incontournable du marché mondial du gaz naturel en s’imposant comme le premier producteur et exportateur mondial (181 Mds m3 /an). Une ascension rapide qui a fait de l’ombre aux autres pétro-monarchies du Golfe.
Soucieux de ne pas tout miser sur les hydrocarbures, le Qatar s’est servi de ses importantes entrées de devises étrangères pour constituer un fonds d’investissement massif, dont l’objectif est de diversifier les investissements du Royaume : le Qatar Investment Authority doté de 335 Mds $. Ces placements avaient également pour fonction de faire connaître le petit Royaume dans le monde en achetant des actifs très populaires, tels que des clubs de football, ce qui lui a permis d’obtenir l’organisation d’un événement de portée mondiale : le Coupe de monde de football en 2022.
Diplomatie active
Cette volonté de faire parler de soi s’est traduite également par la création d’une nouvelle chaîne d’information, Al-Jazeera, qui a représenté un véritable séisme dans le secteur médiatique au Moyen-Orient. Sa liberté de ton et sa ligne éditoriale ont séduit de nombreux journalistes de la région empêchés de travailler dans leurs pays respectifs, en faisant une caisse de résonance des débats qui agitent les sociétés arabes. Al-Jazeera a joué un rôle en médiatisant et soutenant les révolutions arabes du printemps 2011 ce qui lui a valu l’ire des régimes autoritaires de la région.
Cette stratégie a pris un tournant nouveau dans l’opération de Libye visant à faire tomber Mouammar Kadhafi la même année. Pour la première fois, le Qatar a soutenu l’intervention menée par l’Otan (sous l’impulsion de la France) apportant 400 M$ aux rebelles libyens et surtout une caution arabe à une opération occidentale en Afrique du nord, ce qui a été vécu comme une trahison par une partie de l’opinion publique arabe. Sur le dossier syrien, le Qatar est clairement en faveur de la destitution de Bachar-El-Assad et soutien une partie de l’opposition armée.
Quid des Etats-Unis ?
Il n’est pas anodin que la mise au ban du Qatar intervienne à la suite de la visite du président américain au Moyen-Orient. En assurant son allié saoudien de son soutien, Donald Trump a donné à Ryad toutes les raisons de tenter de mater son petit voisin, qui a par ailleurs la mauvaise idée d’entretenir des relations cordiales avec l’Iran chiite, ennemi juré de l’Arabie Saoudite sunnite. « Les encouragements de Trump à adopter une politique ferme vis-à-vis du Qatar semblent assez contradictoires puisque les Etats-Unis y ont stationné leur plus importante base militaire du Moyen-Orient, indispensable aux opérations menées dans l’espace aérien irakien notamment », rappelle Denis Bauchard, conseiller pour le Moyen-Orient à l’Institut français de relations internationales (IFRI). Et de poursuivre : « Dans cette crise, il ne risque que d’y avoir que des perdants, notamment le Conseil de Coopération du Golfe qui a volé en éclat à cette occasion ».
Et la France ?
L’embarras est palpable dans la classe politique française sur le dossier qatari. Pour attirer les investissements du Royaume, la France a multiplié les visites diplomatiques et a même élaboré un régime fiscal spécifique, particulièrement favorable aux qataris, et désormais mis en question par le nouveau Garde des Sceaux, François Bayrou. Le Qatar a été prolixe dans l’Hexagone en rachetant des marques de prestige (Le Printemps, le Paris-Saint-Germain FC, Le Tanneur, Balmain), et en investissant dans l’immobilier et dans l’hôtellerie haut de gamme. En contrepartie, le Qatar s’est engagé sur l’achat de 24 avions de combat Rafale.
Romain Chicheportiche
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