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Puces électroniques : les États-Unis tentent d’assurer leur autonomie

Posté le 3 juillet 2024
par Philippe RICHARD
dans Informatique et Numérique

L’industrie des semi-conducteurs est en constante évolution. Mais les États-Unis sont tombés de leur piédestal ! Leaders incontestés dans ce domaine durant des années, ils tentent de reprendre la main à coup de milliards face au géant taïwanais TSMC. La dépendance excessive des États-Unis à l’égard de la production de semi-conducteurs en Asie de l’Est est un défi pour sa souveraineté.

Les semi-conducteurs constituent une technologie majeure pour la quasi-totalité des activités industrielles. Ils se trouvent dans de nombreux appareils modernes, ordinateurs, smartphones, voitures et même les lave-linge et climatiseurs.

Leur importance a augmenté avec le développement de l’intelligence artificielle (IA), dont le marché mondial devrait atteindre 71 milliards de dollars en 2024, soit une augmentation de 33 % par rapport à 2023 selon Gartner. La prochaine étape sera encore plus déterminante pour la souveraineté des États avec l’informatique quantique.

Or, dans ce domaine, il y a un acteur incontournable : Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC). Créé en 1987 à Taiwan, ce géant domine le marché des semi-conducteurs, représentant plus de 50 % du chiffre d’affaires mondial. Avec des dizaines de milliards d’investissements par an, TSMC est donc le principal fournisseur pour des géants technologiques américains comme Apple, Nvidia, Qualcomm et AMD. Malgré la présence d’entreprises américaines majeures, les États-Unis restent donc dépendants de TSMC pour la fabrication de leurs puces.

La part du pays dans la capacité mondiale de fabrication de semi-conducteurs est passée d’environ 36 % en 1990 à environ 10 % en 2020. Intel a perdu sa position de leader au profit de TSMC, dont la supériorité technologique et la capacité de production sont incontestées, rendant les États-Unis vulnérables à cette dépendance.

Un fonds de 52 milliards de dollars

La descente d’Intel remonte à 2010. À cette époque, Apple décide de fabriquer ses propres puces (Apple Silicon), d’abord pour l’iPhone puis pour ses ordinateurs en 2020. La perte de ce client majeur a transformé Intel de leader du secteur en acteur secondaire.

Outre la perte de ce gros client, le fondeur américain a rencontré des difficultés industrielles avec ses procédés de gravure en 10 nanomètres (nm) puis en 7 nm. De quoi ravir ses deux principaux concurrents, l’américain AMD et TSMC. Résultat, Intel a même dû commander des processeurs à TSMC pendant qu’il résolvait ses problèmes techniques.

Étant donné les tensions géopolitiques entre les États-Unis et la Chine (ce qui concerne directement Taiwan), il est urgent pour le pays d’Intel de relocaliser la fabrication de puces sur ses terres. La prise de contrôle des usines de TSMC par les Chinois serait une catastrophe pour les États-Unis, mais aussi pour le reste du monde et notamment l’Europe.

Dès 2021, le « National Defense Authorization Act for Fiscal Year » a autorisé un programme d’incitation à la construction et à l’équipement d’usines de semi-conducteurs aux États-Unis. En juillet 2022, le Congrès a promulgué le CHIPS and Science Act. Le congrès a doté trois fonds(1) de 52 milliards de dollars pour soutenir les entreprises prêtes à relever les défis liés aux semi-conducteurs en particulier dans les domaines de la défense, de la sécurité et de l’innovation technologique.

Grâce à cette manne, Intel va donc investir dans deux usines de semi-conducteurs en Arizona. Le géant taïwanais aura aussi des usines sur le sol américain. Il bénéficie d’une subvention de 6,6 milliards de dollars et d’un prêt à taux réduit de 5 milliards. Le loup est dans la bergerie…


(1) « CHIPS for America Defense », « CHIPS for America International Technology Security and Innovation » et le « CHIPS for America Workforce and Education ».


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